Alors que la concurrence fait rage entre les entreprise pharmaceutiques et que les patients sont de plus en plus informés et n'hésitent plus à  suggérer à  leur médecin tel traitement ou tel diagnostic, les journalistes scientifiques ont une responsabilité accrue. Entre le marketing acharné des big pharma et la rigueur scientifique, ils peuvent parfois pencher dans un sens qui va suggérer au lecteur qu'il est atteint de la maladie décrite ou que son salut réside dans le nouveau traitement présenté. Il s'agit de ce que l'on nomme le disease mongering, défini comme le fait de "vendre une maladie dans le but de vendre des médicaments". Des exemples de maladies ou affections qui ont été ainsi vendues ? Les problèmes d'érection masculine, l'anxiété sociale, l'alopécie ou le syndrome du côlon irritable. Des maladies qui existent bel et bien mais présentent l'avantage marketing d'être difficiles à  définir et quantifier, sont plutôt chroniques et peuvent être une conséquence naturelle du vieillissement ou de la variabilité humaine. Sans parler du cholestérol, simple facteur de risque, présenté comme une maladie en soi.

Le numéro d'avril 2006 de la revue PLoS Medicine a été entièrement consacré à  cette question. Une étude s'intéresse notamment à  33 articles de journaux sur le syndrome des jambes sans repos (restless leg syndrome). Ces articles ont été écrits après une campagne de communication fracassante (plusieurs millions de dollars) de GlaxoSmithKline pour vendre sa molécule ropinirole (Requip®), présentée comme le premier et unique traitement contre ce syndrome. Les auteurs de l'étude rapportent que les journalistes exagèrent les bénéfices du traitement, exagèrent la gravité du symptôme (en mentionnant par exemple que c'est un facteur de suicide) et restituent l'information sur la forte prévalence de la maladie dans la population, sans analyser dans le détail les preuves de ces affirmations (alors que les critiques existent). Il leur manquerait donc une bonne dose de doute systématique scientifique.

Comme le fait remarquer Mark Taubert dans son courrier au New Scientist du 6 mai 2006, le dicton médical "Ne fais pas le mal" pourrait aussi bien, et avec une grande pertinence, s'appliquer aux journalistes. Surtout, l'article paru dans PLoS Medicine donne quelques règles simples aux journalistes pour éviter de tomber dans le panneau du disease mongering et remplir leur rôle : informer les lecteurs et non pas les rendre malades...