Partenariats institutions-citoyens : pour quels programmes de recherche ?
21
août
2006
Pionnière des nouveaux modèles d'interaction entre la société civile et les chercheurs, la Région Ile-de-France a mis en place depuis 2005 les "Partenariat Institutions-Citoyens pour la Recherche et l'Innovation" (PICRI). Le principe consiste à subventionner des projets de recherche pluriannuels où un organisme de recherche ou un laboratoire collabore avec une association de citoyens. Parmi les 12 projets retenus pour 2005, on trouve par exemple "Vers une gestion citoyenne de l'eau en Ile-de-France", "Aspects et enjeux éthiques autour de la greffe de moelle osseuse en pédiatrie : la communication de l'information aux familles" ou encore "Evaluation clinique des fauteuils roulants électriques".
Ainsi, le MDRGF est co-partenaire avec le laboratoire Santé publique et environnement de l'université Paris 5 d'un projet de recherche portant sur la "Prévalence de l'exposition pré- et post-natale aux pesticides et effets sur le développement fœtal" : il a soumis ce projet qui vise à montrer le lien (éventuel) entre exposition des femmes enceinte et des fœtus aux pesticides et développement des bébés...
Or, incidemment, le MDRGF réagissait le 28 juin dernier au plan interministériel de réduction des risques liés aux pesticides en remarquant :
Ce plan prévoit en outre de continuer à faire des études pour améliorer les connaissances, alors qu’il existe déjà des centaines d’études partout dans le monde sur ce sujet qui montre la dangerosité des pesticides pour les utilisateurs mais aussi pour les non utilisateurs ! Pourquoi encore attendre avant d’agir ?
Je vois là une certaine contradiction de la part du MDRGF. Il soutient lui-même une études des risques "alors qu’il existe déjà des centaines d’études partout dans le monde sur ce sujet". J'en fis la remarque le jour-même au MDRGF et son président, François Veillerette, essaya de se justifier mais surtout modifia le texte sur son site pour y ajouter que "faire des études est louable en soit" (c'est la version actuellement en ligne).
Au-delà du cas particulier, cette anecdote montre qu'une association de citoyens qui s'implique dans les politiques de recherche ne le fera pas toujours dans l'intérêt commun : on peut vouloir en effet accumuler les connaissances sur les risques (et souhaiter des résultats qui font peur pour provoquer un choc dans la société et obtenir gain de cause in fine) mais il me semble plus efficace de chercher des voies alternatives. Ainsi, le MDRGF aurait pu proposer un projet en agronomie avec l'Inra ou le GRAB sur les alternatives aux pesticides, la lutte biologique, le développement des SDN etc. Un même acteur, deux solutions : détruire ou construire. Je regrette que ce soit la première qui ait été favorisée et que la société civile succombe ainsi à certains travers qu'elle dénonçait chez les autres.
Commentaires
D'autant que je pense qu'une association de citoyens n'est pas nécessairement représentative d'un ensemble de citoyens. Qui compose ce type d'associations ? Y a-t-il une mixité sociale au sein de ces associations ? Je ne le crois pas. Mon sentiment est que ces associations sont principalement composées d'individus engagés (des syndicalistes ?) et dans une mouvance générale de contestation (des étudiants ?). Franchement, qui s'autoproclame "citoyen" de nos jours ? La subvention de projets de recherche "validés" par des système d'intéraction société civile / monde de la recherche est donc un peu faussée dès le départ. Est-ce pour autant à jeter à la poubelle ? Pas le moins du monde car cela vaut mieux que Recherche publique toute seule... En soi, si l'on considère que ces actions ne sont qu'une étape vers une gestion réfléchie de façon politique (= représentative de la polpulation), cela ne peut être que bénéfique. D'autant que ces programmes ne doivent certainement concerner qu'une partie des capitaux à disposition, l'autre partie étant gérée par les happy few du métier... (qu'il faut bien laisser gérer des programmes dont nous ne comprennons de toute façon pas les enjeux faute de compétences scientifiques)(sans second degré aucun, ces questions nous dépassent, il faut le reconnaître) Ainsi, laisser la société civile décider pour partie de la direction dans laquelle une société doit engager ses efforts de recherche est une belle évolution. Les société civiles en charge de juger de l'intérêt des efforts de recherche ne procéderont pas dans "l'intérêt commun" ? Eventuellement. Le surcroît d'information généré par un effort de recherche focalisé sur des sujets "qui font peur" est-il pour autant du gaspillage ? allons, allons... Je ne pense pas, s'il contribue à rassurer l'opinion publique sur des questions comme le nucléaire, les nanotechnologies ou les OGM, c'est tout à fait louable (si bien sûr il ressort de ces études qu'il n'y avait pas raison de s'alarmer et si c'est le contraire on sera également bien content de l'apprendre) En résumé, je pense que ces programmes sont louables s'ils ne constituent qu'une partie des "zefforts" de recherche...
Je rejoins en grande partie ton point de vue...
Tout à fait. Une première étape vers les conférences de citoyens, dont je reparlerai ici.
Précisément, les conférences de citoyens, même si elles ne visent pas la représentativité, permettent de se démarquer du tout militant qui caractérise aujourd'hui l'engagement citoyen dans la science.
Là encore, les conférences de citoyens permettent de donner aux panels suffisamment d'éléments scientifiques pour fournir de bonnes propositions. Je ne pense pas que ce soit tant l'incapacité intellectuelle que le manque d'information et de bonne "vulgarisation" qui pénalisent notre compréhension des progrès scientifiques (sauf si l'on va dans les détails, évidemment). Donc tant que les citoyens ne vont pas dire au chercheur quel réactif utiliser et à quelle température faire sa PCR, ils peuvent apporter leur pierre à l'édifice.
Bref, toutes ces questions vont être discutées abondamment sur ce blog, tu reviens quand tu veux ;-)