Voici quelques points plus ou moins en vrac pour répondre au commentaire de Tom et à  son billet...

  • tu reproches à  la recherche financée par le tiers-secteur de n'être que charité : difficile de ne pas être d'accord. Le système actuel d'implication des citoyens dans la recherche est à  blâmer. Or dans la vision de Christophe Bonneuil (qui est ma vision idéale), ce ne sont pas seulement des citoyens timides et désengagés qui donnent là  où ils pensent que c'est le plus utile : les citoyens regroupés en associations, comités ou autres s'impliquent véritablement, acquièrent de l'expertise, font du lobbying vers le politique, impliquent les acteurs individuels etc.[1] Les associations de malades ou contre le cancer sont une première étape (largement imparfaite) vers une recherche qui viendrait de "tous les pores de la société" ;
  • tu proposes que les citoyens soutiennent plus les projets de recherche fondamentale ; à  la rigueur pourquoi pas, même si c'est surtout le rôle de l'Etat. Mais ne nous voilons pas la face : si les chercheurs sont contents d'avoir de l'argent pour le cancer, c'est que cela leur permet aussi de faire de la recherche fondamentale !! Le cancer est une problématique fourre-tout qui ouvre des portes à  la pharmaco-botanique (le taxol), la biologie cellulaire (cycle et division de la cellule), la biochimie (signalisation et communication intercellulaire), la génétique (gènes BrCa1 et 2), la médecine régénérative (cellules souches et lignées), où chacun trouve son compte finalement ! D'ailleurs, les recherches de Mello financées par l'American Cancer Society ont permis de découvrir les ARNi, qui sont un mécanisme fondamental du vivant !

Et pour chipoter, un petit point d'épistémologie :

  • tu distingues recherche fondamentale et recherche appliquée, qui sont pourtant intimement liés ! Comme l'écrivait Pasteur, "il n'existe pas une catégorie de sciences auxquelles on puisse donner le nom de sciences appliquées. Il y a la science et les applications de la science, liées entre elles comme le fruit à  l'arbre qui l'a porté". Ainsi, tu donnes le fameux exemple de SLR : "on n'a pas inventé l'électricité en cherchant à  améliorer la bougie". C'est un exemple formidable parce que justement, on n'a pas "inventé" l'électricité !! Celle-ci existait dans la nature, dans la foudre des orages, dans le corps des anguilles etc. L'homme s'est juste intéressé à  ces phénomènes, en a trouvé les caractéristiques communes avec dans l'idée de les utiliser à  son compte. Pensons à  Benjamin Franklin qui voulait dompter les éclairs pour en faire une force utilisable par l'homme : c'était un vieux rêve de l'humanité... L'application industrielle était en germe dans les recherches sur l'électricité, de même que sur le magnétisme (compas) etc.

Bref, je vois le bon côté là  où tu vois surtout le mauvais... :-p La charité n'est qu'un premier pas vers la co-production des savoirs, Etat, secteur privé et tiers-secteur réunis.

Notes

[1] C. Bonneuil illustre cela ainsi : "Ces dernières années ont vu le mouvement altermondialiste construire une forte expertise sur de grandes questions économiques, sociales, scientifiques et médicales de la planète. Depuis l'expérience clé du mouvement sida, d'autres groupes de malades ont développé des pratiques d'investigation et de production de savoirs, conduisant à  de nouvelles bases de partenariats avec les institutions biomédicales. Avec le logiciel libre, s'est affirmée, en marge des modèles standard de l'innovation, une technologie née de la libre coopération de passionnés. Pour prendre un dernier exemple dans le domaine de l'environnement, la conservation des ressources génétiques, qui était vue il y a deux décennies avant tout comme une affaire de scientifiques et de gestionnaires de parcs et de collections, a fait peu à  peu une place croissante à  des collectifs de paysans, de jardiniers ou de citoyens reconnus comme acteurs de la gestion dynamique de la biodiversité."