Conférence de citoyens sur les nanotechnologies
18
oct.
2006
Samedi et dimanche derniers a eu lieu le premier week-end de formation des 16 citoyens profanes choisis représentativement (par l'Ifop) pour s'exprimer sur les nanotechnologies.
Cette conférence de citoyens organisée par la Région Ile-de-France a pour but de :
- placer les nanotechnologies, leurs enjeux, leurs risques potentiels, au centre des réflexions publiques
- alimenter la réflexion des élus à partir de suggestions argumentées
- inscrire le soutien régional à la recherche dans une démarche participative et responsable
- démontrer la capacité de simples citoyens à se former sur des questions scientifiques complexes.
Les profanes auront donc à s'exprimer sur la question du rapport risque/bénéfices dans les nanotechnologies et ce qu'ils voudraient voir advenir de la recherche sur ce sujet en France. Sont prévus trois week-end de formation par des experts[1], déterminés par le Comité de pilotage et choisis par le panel, suivis d'une conférence ouverte au public (les 20 et 21 janvier 2007) et d'une après-midi consacrée à la réflexion et à l'écriture de l'avis.
Rendez-vous est pris le 22 janvier 2007 pour la diffusion du compte-rendu et de l'avis final du panel. Enfin, un de mes futurs billets (que je promets depuis longtemps) sera consacré plus en détail aux conférences de citoyens...
Notes
[1] Côté science studies, on trouve parmi les formateurs le sociologue et historien des sciences Dominique Pestre et dans le Comité de pilotage, l'historienne et philosophe des sciences Bernadette Bensaude-Vincent.
Commentaires
Bonjour, Merci de cette information. Quelques remarques sur cette conférence de citoyens. 16 candides, cela ne me parait pas bien sérieux comme représentation statistique de 10 (?) millions de francilliens. Je suppose que cette limitation dans le nombre est la volonté d'éviter le chaos dans la rédaction de la synthèse finale. Synthèse finale qui devra être consensuelle bien qu 'il soit indiqué : "Le consensus est recherché, mais s’il n’est pas obtenu, les avis divergents devront être mentionnés dans l’avis." On peut néanmoins parier qu'il y aura bien peu d'avis divergents, d'autant plus que les citoyens choisis auront bien peu de temps pour se forger un opinion détaillée. J'ai toujours beaucoup de mal à comprendre pourquoi les responsables politiques ont besoin de l'avis de citoyens lambda pour prendre leur décision (mise à part la volonté - noble - de prendre leur décision au nom du peuple, ce pourquoi ils ont été élus, soit dit en passant). D'autant plus qu'il est clairement indiqué, dès le départ, et par un bel encadré, que la région IdF finance déjà abondamment les recherches sur le sujet (donc, c'est que la décision a déjà été prise). Par exemple, une audition séparée (ou un débat contradictoire - si on arrive à les faire cohabiter sans invective) entre tenants des nanos et farouches opposants (sans oublier les sans opinions, a priori) par une commission regroupant élus et citoyens suffirait amplement à faire remonter du "terrain" les attentes et les interrogations. Cela éviterait ensuite les retranscriptions qui génèrent souvent un affaiblissement dramatique de l'épaisseur du sens et aboutissent à des avis mous. Un bon élu est celui qui comprend ses concitoyens sans avoir besoin de médiateur.
Sur le fond, on peut déjà prédire (en susbtance) les grandes conclusions:
"les nanos sont une grande chance pour le développement économique du pays et le combat contre certaines maladies. Il faut donc continuer à les soutenir, notamment par le soutien accru aux programmes de recherche en ce domaine. Néanmoins, des études complémentaires et poussées doivent être menées, dès maintenant, sur l'éventuelle toxicité des matériaux à l'échelle nanométrique. La conférence souligne également le risque lié à la restriction des libertés individuelles et à l'utilisation sans contrôle de puces de dimensions réduites, etc."
Bon et ensuite, quoi de neuf ?
Cordialement, Denis
Salut, merci pour l'info. Concernant le débat proprement dit, je m'interroge sur les "risques". Autant pour les OGM il me paraît y avoir des risques immédiats et compréhensibles par tous, autant pour les nanotechnologies, les risques potentiels me paraissent pour l'instant relever de la science-fiction (je me trompe peut-être). Connaissant quelques scientifiques travaillant dans le domaine, il me semble qu'on est très très loin de l'autoassemblage et cie... As-tu des infos là -dessus ?
Denis "Inactuel" > Tu soulèves des questions importantes, merci. C'est vrai que l'on pourrait croire qu'ajouter un peu de régulation démocratique dans l'organisation de la recherche consiste à laisser faire les députés, comme pour d'autres domaines, et c'est d'ailleurs à ça que sert l'OPECST. Mais :
Quant au contenu de l'avis, on en reparle le 22 janvier ;-)
Tom > Pour les risques, je te propose de jeter un coup d'œil au rapport Nanoscience and nanotechnologies — Opportunities and uncertainties (chap. 5) de la Royal Society & Royal Academy of Engineering et, pour l'aspect mesure et gestion du risque, le rapport Les nanotechnologies : éthique et prospective industrielle (chap. 1.2). Mais n'oublions pas qu'il y a aussi la question de l'éthique, de la main-mise du complexe militaro-industriels etc. et finalement du monde que nous voulons pour demain.
Bonsoir, >"la société a besoin d'être réconciliée avec sa recherche (on parle beaucoup de "nouveau contrat entre la science et la société")."
Euh, je ne vois pas très bien pourquoi la recherche a besoin d'être réconciliée avec la société. Aurais-je manqué un épisode ? Je me félicite à l'avance si ce genre de conférence permet un meilleur dialogue entre chercheurs et citoyens.
Sur le deuxième point, c'est plutôt à une réconciliation entre la puissance public (l'Etat) et les citoyens qu'il faut souhaiter. En effet, c'est à elle qu'incombe l'organisation et l'utilisation des recherches publiques (on aura toujours du mal à organiser quoi que ce soit dans le privé) et surtout de légiférer pour assurer à chacun la sécurité, le contrôle d'éventuels dangers, etc. Je suis sans doute dans le faux mais j'ai l'impression que c'est là qu'il faut mettre la pression.
En effet, pas de débat possible entre chercheurs et les ultras qui sont contre. Ici à Grenoble, on a quelques beaux specimen de ces drôles d'oiseaux qui, à force d'outrances, d'invectives finissent même par gâcher leur cause: ils ne sont entendus de personne, d'ailleurs peu leur importe, dans le fond, puisqu'ils ne croient en rien.
A propos du complexe militaro-industriel, je n'ai toujours pas compris pourquoi cela était tant sujet de débat. Quel est le problème, pour une démocratie, d'avoir une industrie militaire (comme il y a une industrie papétière) tant que celle-ci est sous le contrôle des lois en vigueur (nous ne sommes pas en Russie) et qu'elle sert, en grande partie, à la défense de nos concitoyens (sur l'amalgame avec les médias, je concède que c'est une tout autre histoire). Je crois qu'il faut cesser d'agiter ce chiffon rouge.
Vivement les prochains billets...
Réaction à Inactuel à propos du nombre de citoyens.
La méthodologie des conférences de citoyens (ou de consensus) est éprouvée depuis de nombreuses années (première en 1998 en France). Initiée notamment au Danemark, sa formule connaît quelques variantes mais la représentativité n'est pas recherchée, il s'agit plutôt de faire le tour d'une problématique qui engage la société et pour laquelle des citoyens d'origines diverses vont être formés et informés afin de donner un avis. L'expérience montre qu'un avis de néophytes précédé d'interventions expertes auprès d'eux apporte un regard nouveau sur les problèmes posés.
Qu'ensuite, cela conduise à mettre en oeuvre un dispositif de consultation représentatif est une autre question.
Pour en savoir plus, je vous invite à lire un petit ouvrage très bien fait "Conférences de citoyens, mode d'emploi" écrit par Dominique Bourg et Daniel Boy (un des méthodologue de la conférence "nano") édité en 1998 par les éditions Charles Léopold Mayer http://www.eclm.fr
Merci à vous, cher Monsieur Denis Pansu, de vos éclaircissements. >"L'expérience montre qu'un avis de néophytes précédé d'interventions expertes ". Oui, mais si cet avis expert vient des experts (ce que je suppose) il est déjà un peu biaisé, non ? A moins de trouver un chercheur particulièrement intègre (ou un peu schyzo) et rigoureux, il me parait difficile à la fois de "vendre sa boutique" et cinq minutes plus tard en détailler tous les problèmes (solubles ou insolubles). Imaginer le boucher dire à ses clients: "manger de la viande" puis ensuite "attention, la consommation importante de viande non maigre est suspectée d'être à l'origine de nombreux cancers (mettons)". Maintenant si les ""experts"" sont des journalistes scientifiques ayant eux-mêmes synthétisés une synthèse, quid du débat équitable là -dedans ? Bon, je pinaille, cette conférence a, sans doute, bien du bon. J'attends donc avec impatience les notes la concernant sur ce blog-ci et les résultats de la dite conférence. Denis.
Denis "Inactuel" > Merci de rester fidèle, je vais en effet bloguer abondamment sur ce thème. Pour répondre à la question des experts, la procédure est la suivante (et c'est celle mise en œuvre pour la présente conférence des nanotechnologies) : un lot d'experts choisis par le comité de pilotage est présenté au panel de citoyens lors du premier week-end de formation. Ceux-ci posent des questions et donnent les thématiques qu'ils veulent voir traitées pour les deux week-end restants. Le comité de pilotage choisit alors les experts adéquates, ce qui permet une expertise "à la carte" en fonction des vraies questions et préoccupations des profanes. Ce qui permet aussi de mettre le panel en situation active et pas seulement passive. Du coup, les experts convoqués peuvent être plus critiques mais l'idée est surtout d'avoir une vision complète, englobant tous les aspects d'une technologie (sociaux, scientifiques, environnementaux, philosophiques, éthiques, règlementaires, économiques etc.).
L'urgence de debattre sur les choix scientifiques et techniques est la raison d'etre de l'organisation VIVAGORA que j'ai fondée avec d'autres journalistes il y a 3 ans.
VIVAGORA a réalisé cette année 6 debats sur les nanos à Paris (cycle NANOMONDE - avec 17 recommandations disponibles sur notre site www.vivagora.org) et nous avons developpé - sur demande des Elus grenoblois - un autre cycle dédié à la convergence NanoBio - cycle NANOVIV - à Grenoble
Les programmes, Les Comptes-rendus sont en ligne... Ces 2 cycles consacrés aux "nanos" déboucherons sur le colloque NANO & SOCIETE en juin 2007 qui permettra d'interpeller les acteurs.
Nous pensons le DEBAT PUBLIC comme une nouvelle forme de Media interactif qui permet de construire une véritable réflexivité avec la société : c'est pourquoi nous sommes jumellé avec l'espace NANOMONDE de la revue Vivantinfo.com qui diffuse des analyse pluraliste sur les nanos depuis deux ans. je vous signale d'ailleurs sur ce site un article intitulé "Débattre des nanotechnologies : il y a urgence !".
VIVAGORA promeut la mise en place" d'un OBSERVATOIRE EUROPEEN des TECHNOLOGIES CONVERGENTES (voir sur le site l'implication européenne de VIVAGORA). Il apparait que la convergence Nano-Bio-Info-Cognisciences constitue le point majeur d'interrogation sociale et ethique avec les pb de potentialisation , de transformation du vivant et donc de controle.
Enfin VivAgora diffuse VIVAGOVEILLE, Newsletter de veille sur les débats publics dans le monde, la transparence des in formations et les contre-pouvoirs pour des choix humains, durables et solidaires.
Notre seule ambition est de pallier aux manques de structures dans l'hexagone pour soutenir le dialogue entre parties-prenantes et batir une reflexion collective sur nos priorités ....
En espérant que cette information interessera ceux qui veulent soutenir les efforts pour la démocratie technique. DBB
Dorothée > Effectivement, merci de votre intervention. Je me permets d'ajouter que j'ai déjà mentionné les débats "Nanomonde" de Vivagora ici-même en février dernier.
Bonsoir, je viens de parcourir la page d'accueil de Vivagora et je tombe sur "ces formes de protestation s'expliquent par l'absence de démocratie qui continue de caractériser les choix scientifiques et technologiques en France, par des décisions peu transparentes alors que leurs incidences sociales sont considérables. Je trouve que cette affirmation est un peu fort de café. Les choix scientifiques dont vous parlez un peu haut dans cette page d'accueil (Minatec, etc.) sont la décision de représentants du peuple, élus aux suffrage universel direct. Peut-être qu'il vous faudrait préciser que c'est l'absence de démocratie parcipative qui vous pose problème. Jusqu'à preuve du contraire, celle-ci doit se placer derrière la démocratie élective même si les deux formes, les deux représentations peuvent cohabiter (je vous le concède), au bénéfice des citoyens. Jusqu'à maintenant, seul le choix émis le jour du vote par le peuple à force de représentativité. Denis.
Bonsoir. Pour compléter cette note et la discussion, je me permets d'insérer ici le lien vers les 18 préconisations sorties du cycle Nanoviv 2006. Denis.
Il le sera toujours en fonction des instigateurs pro ou anti nano de ces débats en question. L'opinion des gens se fait souvent en fonction de la première impression et de la façon dont l'on va leur apprendre les choses. S'informer sur le site de PMO ou du gouvernement en premier fera de vous un inconditionnel opposant ou fan de nanotechnologies.
Cela reste limitatif vous ne trouvez pas ? En ce qui me concerne, je pense que c'est l'absence de vision sur les possibles qui limite la prise de position d'une société mal informée par le sujet. A l'image de l'arbre des possibles de Bernard Werber par exemple, je pense que c'est surtout l'absence de scénarisation des probables qui fait défaut aujourd'hui. En même temps, la fracture technologique qui en découlera par rapport à certains concepts augmentera. L'acceptation générationnelle est de plus en plus rétissente à des innovations technologiques toujours de plus en plus rapide aujourd'hui. Deux courants s'affronteront surtout : les pro et les anti-technologies.