L'affaire Sokal ou le scientisme face au relativisme
18
nov.
2006
Comme promis dans mon précédent billet, voici quelques mots (trop longs...) sur l'affaire Sokal qui fit beaucoup de bruit il y a quelques années et posa la question du relativisme. L'affaire démarre avec l'envoi à la revue Social Text d'un article bidon (hoax) intitulé "Transgressing the boundaries: towards a transformative hermeneutics of quantum gravity". L'auteur est le physicien Alan Sokal, qui fait croire qu'il vient de passer d'une position réaliste à une position relativiste et justifie sa révélation dans un article truffé de raccourcis, d'analogies abusives et d'affirmations sans fondement. L'article est accepté et publié en 1996, preuve selon Sokal du manque de rigueur intellectuelle du courant relativiste. Mais pour Bruno Latour,
Que peut-on dire alors de cet article publié dans une revue sans comité de lecture ? Qu'il est typique d'un galimatias post-moderne qui fait bailler d'avance celui qui le lit. Sokal veut nous débarrasser de cette littérature ? Excellent ! Tout chercheur applaudira des deux mains. Qu'on nous débarrasse en effet des revues complaisantes, des articles répétitifs, des cliques et des clans. Qu'il n'y ait plus que des articles audacieux, précis, risqués, bien écrits, innovants ! (…) Pourquoi donc cet article rasant fut-il accepté par une revue complaisante? Parce que, tout simplement, c'est une mauvaise revue, comme il y en a tant, hélas, dans toutes les disciplines. "La science, comme le dit Roger Guillemin, Prix Nobel de Médecine, n'est pas un four auto-nettoyant"
Mais l'affaire Sokal n'est pas tant une imposture qu'un canular destiné à dénoncer l'attitude relativiste de certains sociologues (Latour, Bloor mais aussi les sociologues des cultural studies et même des philosophes comme Feyerabend), qu'on accuse de ne voir dans la science qu'un mode subjectif de connaissances parmi d'autres et dont les méthodes ne sauraient revendiquer une objectivité particulière. En 1997, Sokal publie avec le physicien belge Jean Bricmont le livre Impostures intellectuelles où il dénonce les thèses relativistes ; pour eux, "l'antiscience et le relativisme prônés par les postmodernes nuisent à la recherche, au progrès scientifique, contribuent à la marginalisation de l'activité rationnelle et critique ainsi qu'à la remise en cause de concepts essentiels comme ceux d'"universalité" et de "vérité"." (Terry Shin et Pascal Ragouet, Controverses sur la science, Liber Raisons d'agir, 2005). C'est pourquoi ils sont finalement plus des défenseurs du scientisme que du réalisme Le livre de Sokal et Bricmont épingle aussi à raison des intellectuels français comme Deleuze, Baudrillard ou Lacan pour leurs usages fantasques des concepts scientifiques (notamment le théorème d'incomplétude de Gà¶del et le théorème d'incertitude d'Heisenberg).
Pourtant, l'attitude relativiste est caricaturée par le livre de Sokal et Bricmont, ce qui montre qu'ils ne comprennent pas bien (ou feignent de mal comprendre) les travaux qu'ils accusent. En effet, la version totale ou extrême du relativisme est relativement rare : elle ne se retrouve à peine que chez Barnes, dans le programme fort de Bloor (qui s'en défend et affirme simplement que la notion de vérité n'est pas une donnée matérialisable dans le champ scientifique) et dans la théorie anarchiste de la connaissance de Feyerabend. On retrouve par contre abondamment ses versions faibles, comme chez Kuhn qui accorde à la science une place particulière mais affirme, dans la postface de La Structure des révolutions scientifiques, que
la connaissance scientifique est intrinsèquement la propriété commune d'un groupe, ou alors elle n'est pas. Pour la comprendre, il nous faudra connaître les caractéristiques particulière des groupes qui la créent et l'utilisent.
Encore une fois, le relativisme est une étiquette commode qui sert à ranger (la plupart) des études sociales des sciences. Or celles-ci ne cherchent qu'à prendre un point de vue nouveau sur la science, et à étudier comment les connaissances scientifiques se construisent concrètement au laboratoire : comment un paradigme émerge et devient un consensus, comment un chercheur détermine son objet d'étude et le modifie en même temps qu'il s'adapte à lui, quand est-ce qu'un chercheur décide qu'une expérience est terminée, comment les controverses se closent, comment la reproductibilité des résultats se traduit en pratique etc. Latour raconte ainsi qu'une maladie n'existe pas avant qu'on l'ait découverte, ce qui heurte effectivement notre façon réaliste d'envisager la science comme simple moyen de lever le voile sur la nature. On peut donc y voir du relativisme. Mais pour Latour encore,
Au lieu de définir une science par son détachement, on la définit par ses attaches. Au lieu de reconnaître une science à l'exactitude absolue de son savoir, on la reconnait à la qualité de l'expérience collective qu'elle monte avec d'autres, les pékins moyens qu'elle entraine dans son sillage. Evidemment, ce changement laisse quelques chercheurs sur le carreau, ceux qui pensent encore à une Science ferme-bouche qui permettrait de faire l'impasse sur la vie publique et politique des recherches. C'est à eux de se recycler, pas forcément aux autres de se remettre à marcher au pas. Après tout, le relativisme est une qualité pas une défaut. C'est la capacité à changer de point de vue, à établir des relations entre mondes incommensurables. Cette vertu n'a qu'un contraire: l'absolutisme.
On peut surtout regretter que dans la "guerre des sciences" (science war) qui a suivi, on ait jeté le bébé avec l'eau du bain et fustigé toute sociologie ou analyse transversale de l'activité scientifique. Pour Latour toujours,
Que vient faire dans cette galère, la sociologie ou l'histoire sociale des sciences ? Car enfin, voilà une discipline à peu près inconnue, qui propose de l'activité scientifique une vision enfin réaliste, dans tous les sens du mot. Elle met en lumière des groupes de chercheurs, des instruments, des laboratoires, des pratiques, des concepts. Elle se passionne pour les liens innombrables entre les objets des sciences et ceux de la culture et de l'histoire. Elle comprend d'une autre façon et sous un autre angle les textes produits par les grands scientifiques. Elle apprend à admirer d'une façon différente l'intelligence savante. Elle explore les liens stupéfiants qui se tissent entre le cosmos et la vie publique. Comment pourrait-on voir des ennemis à abattre dans ces chercheurs attentifs au monde réel de la recherche, à son histoire, à ses crises ? Il faut apprendre les dures réalités de la vie: les faits ne naissent pas dans des choux !
Que reste-t-il de cette affaire ? Laissons le dernier mot à Stephen Jay Gould (Le Renard et le hérisson, pp. 108-109, Le Seuil, 2005) :
Sokal avait clairement démontré quelque chose — mais quoi au juste ? Je dois avouer ici à l'égard de cette affaire des sentiments contradictoires, que mes discussions avec Sokal n'ont pu vraiment démêler. La parodie était brillante, et ses effets d'une grande drôlerie — d'autant que Sokal abonde dans "mon" sens. Mais la parodie est une arme à double tranchant. Trop de gens — et je sais que Sokal n'a pas souhaité un tel résultat — voient dans cette affaire une condamnation sans appel de toute critique sociale de la science, et de toute étude d'histoire des sciences mettant l'accent sur le contexte social plutôt que la seule logique scientifique.
Et pour ceux qui aimeraient en savoir (encore) plus, je les laisse fouiller dans ma collection de liens relatifs à l'affaire Sokal...
Commentaires
Le relativisme que je combats, c'est celui qui dit que la science n'a raison que dans un certain référentiel, d'un certain point de vue, que tout se vaut, science rationelle ou délire mystique. Je pense que c'est la version que tu qualifies de "forte". J'ai l'habitude de fréquenter des forums ufologiques, ou paranormaux, ou conspirationnistes, et crois-moi c'est très répandu :-D
Mais je ne comprends pas bien, par contre, la différence avec ce que tu présentes comme version "faible". Dire que la science dépend d'un groupe (et de ses habitudes, qu'il est je l'admets interessant d'étudier) ne revient-il pas à dire que ce que je découvre ici et maintenant n'est peut-etre pas vrai là -bas et plus tard ?
Tu as bien saisi la distinction que je fais entre le relativisme "fort" et le relativisme "faible". Mais le second ne revient pas au premier : dire des scientifiques qu'ils se mettent d'accord sur un objet scientifique par des moyens de négociations, par des stratégies rhétoriques etc. indique bien qu'ils finissent par se mettre d'accord sur quelque chose. Et c'est ce quelque chose — qui constitue un savoir intersubjectif et qui a un lien avec la nature qui rend la science "efficace" —, sur lequel la sociologie des sciences ne s'exprime pas, qui justifie le fait que la science n'est pas une simple opinion.
Il me semble qu'il y a un niveau de relativisme en science qui est relativement indépendant de toute construction sociologique. Construire une science nécessite d'individualiser des objets, et toute science est relative à la définition des objets. Pour moi, la science est une construction de l'esprit, et ce qui la différencie des croyances mystiques, ce n'est pas le fait qu'elle décrit la "réalité", mais que ces dernières sont en contradiction avec la logique.
Woody > Je suis d'accord avec toi pour affirmer que la science ne décrit pas la "réalité". Par contre, je ne vois pas trop ce que tu entends par "les croyances mystiques (...) sont en contradiction avec la logique". La science aussi défie la logique parfois : quand elle dit par exemple que la vitesse de la lumière est indépassable. Si c'est à la méthode scientifique et à la logique aristotélicienne que tu penses, ce sont les manquements à icelle qui font parfois faire les plus grands bonds de la science, comme dans le raisonnement par analogie (exemple rapporté par Henri Atlan : Ernst Mayr fonde en 1961 le paradigme de la génétique avec le syllogisme erroné "l'ADN est une séquence quaternaire facilement réductible à une séquence binaire ; tout programme informatique classique est réductible à une séquence binaire ; donc les déterminations génétiques fonctionnent comme un programme d'ordinateur inscrit dans les gènes"). La logique intervient relativement peu dans la clôture de certaines controverses comme celle sur la génération spontanée entre Pouchet et Pasteur etc. etc.
Je comprends ce que tu veux dire par
, et c'est effectivement tres interessant, j'avoue n'y avoir jamais réfléchi. Si je résume le relativisme faible, c'est "la science peut etre décomposée en un noyau factuel, objectif, et les pratiques sociologiques des scientifiques, la facon de definir les objets et les manipuler et en parler, qui est subjective", c'est ca ? oui, peut-etre, mais j'ai l'impression que le "consensus" entre scientifiques, est trop vu comme une négociation, ou chacun transige un peu avec ses propres vues, que comme un vrai débat scientifique.A Enro: Je pense que constance de la vitesse de la lumière heurte le sens commun, mais ne crée pas d'incohérence logique comme le créerait par exemple le voyage dans le temps. Si une pratique scientifique conduisait à admettre de telles incohérences, elle perdrait son statut de science.
Il est tout à fait juste de rappeler que le relativisme n'est pas aussi prégnant qu'un Boudon voudrait le faire croire (la vieillesse est un naufrage...), et que le travail des sociologues des sciences ne se résume pas aux caricatures qu'ont pu en faire Sokal et Bricmont.
Mais il y tout de même un problème, qu'il faudrait reconnaître. Cette question du relativisme travaille les sociologues (ainsi que les philosophes, les épistémologues ou les anthropologues des sciences), qui ne sachant pas trop comment s'en dépêtrer se débrouillent toujours pour noyer le poisson. Je suis agacé de devoir revenir sur la rhétorique lassante de Latour, cette anguille toujours prête à se replier sur des positions rien moins que triviales dès qu'on lui met sous le nez certaines de ses provocations, mais elle me semble symptomatique d'une stratégie d'évitement systématique qui consiste à refuser d'envisager pleinement les conséquences des travaux de ces dernières décennies. L'horizon des science studies est relativiste, tandis que les sociologues conséquents (je mets le maffesoliens et consort à part...), bien conscients qu'une telle position n'est pas tenable, ne le sont pas. D'où une tension, que l'on retrouvait déjà chez un Kuhn refusant de se trouver classer parmi les relativistes alors que son œuvre, sans évidemment être relativiste, renforce indéniablement ce courant. Si Sokal et Bricmont ont apporté qqch, c'est bien la mise à jour de ce malaise. Hélas, les choses n'ont pas bien avancé depuis, et l'on continue à faire comme si de rien n'était. Il faudra pourtant bien à jour prendre ce problème à bras le corps, et le régler (car je crois qu'il peut l'être). Prenons exemple sur nos collègues physiciens, qui n'ont pas peur d'affronter de semblables situations.
Il y autre point important que je voudrais aborder, que tu négliges dans ton exposé, et qui me semble-t-il suffirait à justifier l'exercice de S&B : c'est la question de la réception des science studies. Si aucun sociologue ne soutient vraiment une position relativiste, c'est ce qu'en retient une bonne part du grand public "éclairé" (j'ai dit une bonne part seulement, pas tous!) et surtout des décideurs. Et cela me semble assez dangereux. Très concrètement, il m'est arrivé par exemple d'entendre dans la bouche de politiques ou d'entrepreneurs qu'il était parfaitement légitime d'envisager un pilotage étroit (j'insiste sur "étroit") de la recherche au motif que les exigences d'autonomie (ou d'autonomie relative) des scientifiques reposaient sur des notions comme l'objectivité ou la vérité qui seraient fausses ou obsolètes "comme l'ont démontré les sociologues des sciences", ajoutent-ils... (En l'occurrence, les sociologues en question étaient Gibbons et Nowotny). Et combien de fois me suis-je entendu répondre, au détour d'une conversation sur un sujet pas forcément scientifique, que de toute façon "la vérité ça n'existe pas, comme l'ont montré..."? Là encore, le travail de S&B, même s'il est assez peu subtil, a peut-être aidé à remettre les pendules à l'heure. Evidemment, ça s'est fait sur notre dot, mais tant qu'on refusera, comme je l'écrivais ci-dessus, de prendre cette question du relativisme à bras le corps, il en faudra pas se plaindre...
Bien cordialement,
EL
PS : je vois que tu cites le bouquin de Terry Shinn et Pascal Ragouet dans ton port, mais qu'il ne figure pas dans la colonne "à lire". Pourtant, je trouve qu'il y aurait sa place, au moins autant que celui d'Helga Nowotny. A toi de voir...
Juste pour clarifier, il y a une double erreur dans le texte :
1)
C'est inexact, Sokal a visé un bastion du post-modernisme, Social Text, et par cet intermédiaire des auteurs comme feu Jacques Derrida ou Régis Debray, qui a répondu dans un ouvrage avec Jean Bricmont par ailleurs.
2)
Cette phrase laisse penser que le relativisme strict de Bloor et ses collègues correspond à l'acception de la science décrite dans le commentaire #1 de Matthieu : l'ufologie vaut la physique des particules, tout se vaut et ainsi de suite.
C'est inexact et montre plutôt que Bloor n'a pas été lu en France : personne n'oserait confondre le strong programme avec la version
de la science dans le monde algo-saxon !Heureusement un petit ouvrage vient de paraître en français pour éclaircir tout ceci. Je viens de lire les chapitres 1 et 2, et Dominique Pestre a fait un excellent travail de synthèse autour du strong programme notamment. Les références du livre sont dans mon post, cité plus haut.
Dernier point, qui achève de montrer comment les amalgames survivent en France : Latour et Bloor sont tous deux sur une ligne relativiste mais clairement distincte, il est impossible de les marier dans une même école. Au contraire, ils se sont plutôt engueulés jusqu'ici, en particulier parce que Latour se réclame d'un principe de symétrie encore plus radical que Bloor dans Science in Action.
En bref : peut-être peut-on accuser Latour d'être le relativiste dont parle ce billet et ses commentaires, mais en ce qui concerne le strong programme, c'est une erreur de taille. Il faut relire ma note, en particulier ce que j'évoque du relativisme méthodologique et l'article de Bricmont cité.
Ca y est, enfin une controverse dans le petit groupe de science en blogs ! Je peux appuyer une nouvelle fois chacun de mes points en cours de semaine si nécessaire.
@woody les anthropologues (pas ceux des sciences, les vrais, les old scools...) , mais également les historiens, ont bien montré que les mythes, bien loin d'être illogiques, forment au contraire des ensemble de croyances très cohérents. Ils sont certes empiriquement faux, mais c'est une autre histoire. Concrètement, penser que la danse de la pluie fait pleuvoir n'est pas illogique. C'est plutôt de penser que la dans de la pluie provoque la canicule qui serait illogique.
Plus fondamentalement, tu cherches à établir une ligne de partage entre science et mythe en t'appuyant sur la distinction logique/illogique. C'était grosso modo le programme des positivistes du cercle de Viennes du début du XXième, qui souhaitaient mettre à jour la grammaire de la science en partant de l'idée qu'elle est un langage (et un langage universel) doté de règles précises. Il fut porté en particulier par le premier Wittgenstein. Ce programme fut un échec complet. Il fut enterré par le second Wittgenstein... Il fallut attendre Popper et Quine pour mettre le dernier coup de pelle. Aujourd'hui, plus personne ne songe à défendre la singularité de la science en partant de sa structure logique. Par ailleurs, les théories scientifiques sont loin d'être toujours aussi cohérente que tu le crois. Et ces incohérences sont souvent très fertiles, comme le rappelle Enro.
Plus généralement, c'est le programme fondationnaliste qui est aujourd'hui en (très) grande difficulté. Personne n'arrive à définir un ou plusieurs critères permettant de bien distinguer ce qui est scientifique de ce qui ne l'est pas. Cela ne signifie pas que science et non science se confondent (conclure cela, c'est justement l'erreur qu'il ne faut pas commettre), mais aucun critère ne marche vraiment.
Matthieu > Content de t'amener à réfléchir ;-) Mais il serait trop facile de dire que science = faits objectifs + pratiques subjectives sachant que ce sont les pratiques qui déterminent les faits et les théories ! Et la sociologie des sciences s'est précisément attachée à étudier les pratiques. C'est ainsi qu'il est apparu que les scientifiques ne disent rien de la réalité mais des transcriptions médiatrices qu'ils en ont (les trajectoires de particules observables dans des synchrotrons, les séquences d'ADN fournies par le séquenceur etc.), qu'ils sont dépendants d'une certaine instrumentation (la controverse dans les années 1920 entre l'équipe de Rutherford à Cambridge et de chercheurs de Vienne à propos de la désintégration des noyaux d'azote s'est close quand les viennois ont adopté les mêmes instrument et technique de comptage des scintillations que Rutherford), que la théorie précède l'observation et donc les "faits" rapportés (Coulomb est réputé avoir observé une loi en 1/r^2, que l'on reconnaît aujourd'hui comme vraie car conforme à la loi de Maxwell qui a fait ses preuves à de multiples reprises, mais il est peu vraisemblable que Coulomb ait réellement observé une loi en 1/r^2 et qu'il s'agit juste du résultat qu'il souhaitait avoir dans son paradigme laplacien) etc. Pour revenir au débat sur le relativisme et t'éclairer peut-être encore plus, je viens de retomber sur cet extrait du livre Introduction aux Science studies de Dominique Pestre (2006) :
EL > Merci pour ce commentaire. Tu as raison à propos des sociologues des sciences qui souvent évitent cette question du relativisme alors qu'en effet, le concept est bel et bien opératoire dans d'autres arènes pour discréditer les positions des scientifiques et experts. Et Latour et al. portent une certaine responsabilité, au moins indirecte, mais qu'il est difficile d'assumer quand on voit son discours si nuancé être ainsi réduit au qualificatif de "relativiste" ! Je pense que l'ambivalence existe mais que Sokal et Bricmont ont fait plus de bien que de mal, de nombreux universitaires américains des sciences studies ayant perdu leur poste ou étant tombé en disgrâce sans doute inutilement après l'affaire. Quant à mes lectures recommandées, je pourrais effectivement y inclure le livre de Shinn et Ragouet, ainsi que celui de Pestre. Ma sélection est déjà ancienne (janvier) et donc mes centres d'intérêt ont aussi évolué depuis, merci de la suggestion ;-)
Pfiou, il devient difficile de suivre le rythme des commentaires ici !
François > Merci de souligner le point de la revue post-moderniste ''Social Text'' : je n'arrive précisément pas à relier ce ''hoax'' avec la critique du relativisme qui figure en bonne place dans le livre de Sokal et Bricmont ; si tu pouvais m'éclairer... Pour ce qui est du programme fort, tu fais bien de me reprendre, c'est Latour qui fut au centre des critiques avec sa conception de la découverte scientifique comme suite de négociations, traductions et enrôlements (pour faire vite). Cependant, le relativisme de Bloor (même méthodologique) n'a pas un rôle mineur dans l'histoire dans le sens où Bloor a ouvert la voie à toutes les études sociales des sciences et à Latour en particulier...
Pour être franc il faudrait que je revienne au texte de Sokal et Bricmont pour te répondre, mais je sais que leur but était de démolir les courants post-modernes en premier lieu, avec l'article de Social Text.
Ensuite, les deux auteurs ont ouvert la charge contre l'ANT (actor-network theory) de Latour. A un moment dans Laboratory Life, Latour écrit que Pasteur invente les microbes ; dans Science in Action, Latour prétend que les électrons sont modifiés par le contrat signé entre Millikan et General Motors (je crois). C'est contre ce type de déclarations vides de sens que les auteurs s'emportent.
Et ils ne sont pas les seuls : Bloor aussi ! Cf. son article
. D'où le paradoxe de la situer proche du relativisme latourien car lui-même s'en est clairement distancé, malgré une collusion de termes (relativisme et symétrie) prêtant à confusion.Tu le soulignes à juste titre, le strong programme a inspiré d'autres courants relativistes. Mais le strong progamme lui-même n'est pas si opposé au scientisme que cela : il est plutôt opposé... aux scientistes eux-mêmes et à leur manière d'écrire l'histoire des sciences à l'envers (cf. Pestre, premier chapitre, pour une introduction).
J'espère que ça aide.
@Fr Sur le premier point :
Non seulement Sokal cite (et donc moque implicitement) Kuhn, Bloor et Latour dans son papier-canular, mais également quelques autres stars des science studies (en particulier les "féministes" : Susan Haack, Donna Haraway, Sandra Harding, Luce Irigaray, ...). En conséquence, réduire sa petite plaisanterie à une attaque en règle du "textualisme" me semble un peu rapide. ça n'est d'ailleurs pas du tout comme ça que ce fut compris, malgré les tentatives de quelques auteurs de circonscrire l'incendie à la petite chapelle de Social Text (Latour, comme à son habitude, ne fut pas le dernier à se livrer cet exercice). De toute façon, S&B ont mis les pendules à l'heure dans le bouquin faisant suite au canular.
Sur le second :
Mouis... certes... c'est le genre de chose qu'on rappelle dans les papiers pour bien étaler son esprit de finesse. C'est qu'on est des universitaires, nous, des gens sérieux, hein, on ne mélange pas tout, attention... Et puis quand sonne l'heure du déjeuner, qu'on sort de la salle de conf' et qu'on se retrouve autour de l'assiette de pâtes (on a pas les moyens de se payer de la viande, en socio [1]), ce genre de subtilité toute byzantine tend bizarrement à s'estomper...
C'est tout de même essentiellement le principe de symétrie [2] qui vaut au programme fort ses procès en relativisme. Que Latour juge ce principe insuffisant n'enlève évidemment rien à l'acte d'accusation! Alors bien sûr, Bloor n'est pas Maffesoli, Latour non plus d'ailleurs, et personne ne dit ça (à ma connaissance). Mais leurs thèses respectives peuvent parfaitement être interprétées comme la manifestation de ce relativisme qui inquiète Mathieu (toujours à cause de ce principe de symétrie, généralisée ou pas). Bien sûr on peut toujours se débrouiller pour mettre ça sous le boisseau, et les auteurs concernés sont les premiers à se contorsionner pour l'y glisser, mais ça ne sert pas à grand-chose, et surtout ça ne convainc personne (même après l'heure du déjeuner)...
[1] petite touche de misérabilisme, à peine caricaturale, à l'adresse d'éventuel lecteur s'inquiétant de l'usage des subsides de l'Etat par la communauté des sociologues.
[2] grosso modo, les croyance vraies doivent être expliquées de la même manière que les croyances fausses.
Je m'aperçois à la relecture que mon commentaire peut semble inutilement agressif. Telle n'était pas mon intention, et je demande à Fr de bien vouloir m'en excuser (on s'emporte, on s'emporte…)! Mais sur Bloor je maintiens qu'il s'inscrit parfaitement dans le courant de la sociologie relativiste des sciences, qu'il en est même l'un des fondateurs, et que personne - sinon lui-même - ne songe à lui retirer ce titre.
EL : au contraire, c'est un excellent commentaire, parce que je suis d'accord avec toi pour dissiper certaines attitudes postprandiales, comme ces débats
en sociologie que l'on voit en conférence. Un peu de tranchage dans le vif rafraîchit le débat.(2) Second point
Il est évident que Bloor est à la fondation du relativisme en science studies, aux côtés de Harry Collins, Barry Barnes et Simon Shapin pour le pendant historique. Le SSK (sociology of scientific knowledge) n'est plus la seule école relativiste depuis l'ANT avec Latour et Callon, et les gender studies avec le principe Matilda, version sexuée de l'effet Mathieu de Merton.
Ce premier regroupement n'interdit aucune nuance entre ces auteurs, au contraire : J'ai eu l'occasion de voir Harry Collins en conférence, il est extrêmement critiqué par les étudiants du SSK (étudiants au sens propre : je tire cette observation de la conversation que j'ai eue dans le département directement après la conférence).
(1) Premier point
Les relativistes sont cités, c'est exact, mais :
(a) l'article est publié chez les post-modernes et ne singe qu'eux (difficile de singer les relativistes, un papier de Social Studies of Science ressemble généralement à un papier des Annales ESC : travail archivistique sur objet délimité).
(b) le livre concentre ses critiques sur (i) le post-modernisme (ii) le relativisme anti-empiriste, cà d. les auteurs qui estiment que l'on voit ce que l'on croit. Pour rappel, le strong programme partage avec le positivisme sa confiance dans les sens contre l'esprit : nous croyons ce que nous voyons (cours de SSK, discussion des papiers de Fodor).
En bref : la critique de Sokal et Bricmont n'est pas d'aussi longue portée que ce que les auteurs insinuent, et le strong programme ne peut pas être accusé d'anti-empirisme.
A mon avis le strong programme n'est pas déracinable (falsifiable) en passant par la critique habituelle
parce qu'il compte dans ses rangs des philosophes trop intelligents qui ont déjà réfléchi à la question et à une parade (suivez mon regard).A EL: Je maintiens ma distinction. Une réfutation au sens de Kuhn équivaut à établir une faille dans la logique. Et le fait que les mythes soient articulés de manière logique n'est pas incompatible avec le fait qu'ils soient réfutés par des connaissances extérieurs aux mythes. C'est en celà qu'ils sont non scientifiques : résistants aux réfutations, ils nous placent dans une faille logique. Et c'est très différent de l'idée de vouloir bâtir toute science sur la logique.
@Fr Sur le premier point, je crois que nous sommes d'accord. Bloor et Latour ne sont pas de la même école. Mais ils sont de la même famille. Et comme dans beaucoup de familles, les querelles sont parfois vives.
Sur le second point, je veux bien également te rejoindre (je me sens un peu irénique, du coup...). Je ne suis cependant pas certain que les auteurs distinguaient clairement les différentes écoles composant le paysage des science studies, et je pense toujours que leur coup d'éclat se voulait une attaque globale contre tous ces scientifiques mous prétendant remettre en question le Vrai, le Beau et (donc) le Bien. Et c'est bien ainsi, je crois, que cela a été interprété généralement. Que cet accrochage soit associé aux "Science Wars" me semble en être un indice probant. De surcroît, la catégorie du postmoderisme est devenue tellement flasque que l'on peut y mettre a peu près n'importe quoi se rapprochant de près ou de loin du relativisme (cet acide rongeant les piliers de la modernité…). Bref, je suis effectivement d'accord pour dire que le programme fort n'était pas la première cible de S&B, mais il n'était tout de même pas si loin de la ligne de front.
A propos de l'empirisme du PF, je suis parfaitement d'accord. C'est d'ailleurs également le cas de la TAR de Latour et Callon. L'une des (innombrables) critiques qui leur fut adressée portait précisément sur leur "hyperempirisme" (désolé, je n'arrive plus à mettre la main sur la référence). De manière générale, c'est tout le courant du constructivisme social (1) qui entretient un rapport étroit avec l'empirisme, avec Hume à Berkeley en grands ancêtres. C'est ce que rappelle très justement Hacking, et je me souviens également avoir lu une thèse établissant la proximité du constructivisme social et de la phénoménologie husserlienne. Que Latour puisse figurer dans une charge contre l'anti-empirisme montre surtout que S&B ne maîtrisait pas encore leur sujet. Mais si l'on veut bien accepter de prendre un peu de recul, on peut sans peine comprendre cette association étrange : pour S&B, les anti-empiristes et Latour se rejoignent dans le rejet d'un réalisme métaphysique qui, chez eux comme chez beaucoup de physiciens, devait fonder leur ontologie spontanée. Et cela vaut également pour le PF. De surcroît, mais je sens que cela va me mener trop loin, on peut tout de même faire le rapprochement entre le SC, dont celui de la TAR ou du PF, avec une certaine forme d'idéalisme. Hacking le relève également ("la maison de Kant"). Il ne s'agit cependant plus, évidemment, d'un idéalisme transcendantal, mais d'une forme d'idéalisme immanent, où les catégories par lesquelles le monde est constitué sont inscrites dans le tissu social et sont le produit d'une histoire particulière. Je m'arrête là sur ce point, je sens que ça devient illisible... En résumé, les traditions nourrissant le courant du SC, dans lequel s'inscrivent tant le PF que la TAR, sont si nombreuses et hétérogènes qu'il est délicat d'exclure le PF de la charge de S&B au motif qu'il est empiriste.
Je crois enfin qu'il est particulièrement grave que ce courant - mais cela vaut aussi pour les autres - se protège des accusations de relativisme. Car en effet, et je suis à nouveau en parfait accord avec toi, les auteurs du PF sont bien trop subtils pour se laisser avoir par les habituels procès en relativisme. Je crois même qu'il est parfaitement vain d'essayer de les intenter, que c'est une pure perte de temps. Voilà environ 2500 ans qu'est lancé ce genre d'attaque contre les différentes citadelles sceptiques, ça n'a jamais marché. Il serait peut-être temps d'arrêter les frais... Mais je crois aussi que les représentants de ces courants de la sociologie des sciences devraient eux-mêmes affronter le problème du relativisme. C'est cela que je trouve grave : en usant de divers stratagème pour éviter pour éviter d'aborder cette question de front, pour faire en sorte ne pas être déracinable comme tu dis, ils maintiennent un statu quo insupportable, entretiennent un malaise (que j'évoquais dans mon premier commentaire) qui débouche parfois sur des crises telles que celle de la guerre des science. Je crois que si l'on souhaite une sociologie des sciences apaisée, les Bloor, Latour et consort devraient commencer par admettre que oui, leurs thèses peuvent déboucher sur un relativisme intenable, que non, ce n'est pas une raison justifiant leur rejet pure et simple, et enfin que oui, on devrait bosser ensemble pour essayer de résoudre ce problème calmement. Tant qu'ils se mettront la tête dans le sable, les science studies auront toutes les peines du monde à avancer, et resteront la cible d'attaques faciles. Tu peux transmettre à Bloor :-)
(1) Oui, je place Callon et Latour parmi les constructivistes sociaux, quoi qu'ils en disent. Le jour où Callon reprendra son papier sur les coquilles St Jacques en adoptant le point de vue d'icelles, j'envisagerai peut-être de réviser mon jugement...
@ Woody
Je ne suis pas certain de bien te suivre. Suggères-tu que, contrairement aux sciences, les mythes ne se soumettent pas à l'épreuve des faits? Si oui, je peux faire deux remarques. En premier lieu, il ne s'agit pas là d'un problème de cohérence logique. Mais bon, passons sur ce point, il est inutile de se chamailler sur la notion de cohérence. Ma seconde remarque est plus importante : les théories scientifiques ne se soumettent pas si facilement que ça aux faits. Et c'est d'ailleurs là l'un des apports de Kuhn. Les scientifiques rechignent à renoncer à leurs théories, et trouvent toujours des moyens pour remettre en cause les "faits" qu'on leur oppose, ou pour bidouiller leur théorie à la marge. La science n'est pas aussi facilement réfutable, elle "résiste" également, ce qui brouille considérablement la frontière avec les mythes. Et je le répète, cela n'entraîne aucun problème d'ordre logique. Prenons la théorie du big bang. Les physiciens ont découvert que cette théorie ne pouvait expliquer la formation des galaxies. Qu'a cela ne tienne, ils ont imaginé de phénomène de l'hyperinflation. Pareil pour les mythes. Prenons les créationnistes. Pour eux la terre à 5000 ans. Problème : on découvre des fossiles et on les date de plusieurs millions d'années. Qu'a cela ne tienne : les procédures de datations sont fausses. Ou bien, éventuellement, Dieu à décidé de placer sur terre ce genre d'artefact pour éprouver la foi des fidèles… Et hop, le tour est joué. Tu vas me dire, c'est tout de même un peu facile. En effet, c'est une explication ad hoc. Mais revenons alors à l'hyperinflation, et demandons nous si ça non plus ça ne ressemble pas à une explication ad hoc. Bien sûr, la cosmologie est une science un peu particulière. Mais elle n'a pas le monopole de ce genre d'artifice.
EL : ton post achève de préciser le problème, du coup je n'ai rien à rajouter sauf quelques rejoinders, tirés de mon expérience personnelle auprès de Bloor notamment.
Je réponds à tes propositions suivantes :
, et .Le cours de Sociology of Scientific Knowledge commence sur une séance d'introduction à Kuhn. Mais le premier séminaire, qui vient tout de suite après et qui est une discussion de groupe autour d'articles choisis, porte sur un article de Science sorti dans l'entre-deux guerres, où un physicien allemand tentait une démonstration de la supériorité de la physique aryenne (matérialiste) sur celle des Juifs (Einstein et la relativité). A partir de cet article, le séminaire explique clairement que défendre une approche SSK peut amener à considérer cet article symétriquement à la théorie de la relativité, autrement dit : il y a des thèses relativistes insoutenables. C'est un problème irrésolu.
Il y en a d'autres pour Bloor : le
de ce qu'il appelle les explications par les intérêts (interest explanations), c'est qu'elles passent pour des théories du complot. Une conspiration de l'industrie pharmaceutique pour contaminer la planète, par exemple (genre Cauchemar de Darwin généralisé). C'est une extrapolation de réalités économiques, et c'est encore une fois permis si l'on ne se tient pas sur ses gardes.Je n'illustre pas plus : Bloor est sur le point de partir à la retraite et il sait que des problèmes restent irrésolus dans son approche. Au lieu de se démarquer de ses ennemis, il a récemment consacré plus de temps à démontrer que la plupart des scientifiques exercent une forme de relativisme ou une autre, cà d. que le terme est trop plastique pour être utile, sauf par opposition au dogmatisme, généralement religieux. Je pense à la charge du pape contre le
, justement.C'est un cas particulier de boundary demarcation : le strong programme s'est moins bien émancipé de programmes déviants qu'il n'a montré au reste des études des sciences où se trouvaient leurs propres failles. Bloor nous fera lire son article sur la croisade de Benoît XVI contre le
dans quelques semaines, j'attends ça impatiemment.A part publier les cours de Bloor, je ne pas en faire plus. Si je continue ce soir, je rate mon vol vers Londres. Je suis content que cette discussion ait eu lieu, c'est toujours sympa de pouvoir poser quelques cartes autour de ces questions.
Merci également pour cet échange, et bon vent pour Edimbourg! J'espère que nous aurons le privilège de lire sur ton blog tes commentaires sur l'analyse de Bloor de la croisade de Benoît XVI. Et merci aussi à Enro de nous avoir donné l'occasion de cette discussion. Bien cordialement, EL
Ce post ne doit pas être plus très suivi, mais juste une précision au cas où quelqu'un aurait eu l'idée d'y revenir : je crois que les science studies ont trop tendance à prendre Sokal "pour eux". Je veux dire que ce qu'attaque Sokal c'est les études postmodernes dans leur ensemble, et en fait ce que les américains nomment la "French Theory" (dont Sokal enlève Foucault), c'est-à -dire cet ensemble d'idées et d'auteurs assez confus. Pour des précisions là dessus,voir l'excellent bouquin de François Cusset. Sokal s'attaque donc à des auteurs très connus et très cités dans le contexte américains, lus dans ce contexte : Iragaray, Virilio, Deleuze,... Et Latour aussi, qu'ils assimilent à ce courant. L'erreur est monumentale puisque Latour considère que "nous n'avons jamais été moderne" et donc qu'il n'y a aucune raison d'être postmoderne non plus (et là dessus, contrairement à la question du relativisme, il a toujours été très clair). Bref, le débat lancé par Sokal, que je trouve plutôt intéressant (plutôt parce qu'il révèle, dans les deux "camps", que parce qu'il a produit) ne doit pas être réduit à une attaque contre les science studies. Elle y est, bien sûr, mais dans un ensemble beaucoup plus large.