Une fois n'est pas coutume, voici le premier couplet d'une chanson très lyrique, qui permet de situer un peu le problème du "désenchantement du monde" que peut induire la science. C'est facile d'en retrouver l'auteur par Google, donc faites plutôt remuer vos méninges... Et vous êtes surtout invités à  réagir en commentaire !

Du temps que régnait le Grand Pan,
Les dieux protégaient les ivrognes
Des tas de génies titubants
Au nez rouge, à  la rouge trogne.
Dès qu'un homme vidait les cruchons,
Qu'un sac à  vin faisait carousse
Ils venaient en bande à  ses trousses
Compter les bouchons.
La plus humble piquette était alors bénie,
Distillée par Noé, Silène, et compagnie.
Le vin donnait un lustre au pire des minus,
Et le moindre pochard avait tout de Bacchus.

Mais en se touchant le crâne, en criant "J'ai trouvé !"
La bande au professeur Nimbus est arrivée
Qui s'est mise à  frapper les cieux d'alignement,
Chasser les Dieux du Firmament.

Aujourd'hui ça et là , les gens boivent encore,
Et le feu du nectar fait toujours luire les trognes.
Mais les dieux ne répondent plus pour les ivrognes.
Bacchus est alcoolique, et le grand Pan est mort.

[Mà J 08 février, 6h50] : Il s'agit bien de Georges Brassens, dans "Le Grand Pan". Il est intéressant de comparer cette vision "traditionnelle" du désenchantement du monde avec ce que lui répond la sociologie des sciences, et Bruno Latour en particulier (dans Nous n'avons jamais été modernes, La Découverte, 1991, p. 156) :

Comment serions-nous capables de désenchanter le monde, lorsque nos laboratoires et nos usines le peuplent tous les jours de centaines d'hybrides plus bizarres que ceux d'hier ? La pompe à  air de Boyle est-elle moins étrange que la maison des esprits Arapesh ? Construit-elle moins l'Angleterre du XVIIe siècle ? Comment serions-nous victimes du réductionnisme alors chaque savant multiplie par centaines les entités nouvelles afin d'en réduire quelques-unes ? Comment serions-nous rationalisés, alors que nous ne voyons toujours pas beaucoup plus loin que le bout de notre nez ? Comment serions-nous matérialistes alors que chaque matière que nous inventons possède des propriétés nouvelles qu'aucune matière ne permet d'unifier ? ( ) Comment pourrions-nous être glacés par le souffle froid des sciences, alors qu'elles sont chaudes et fragiles, humaines et controversées, remplies de roseaux pensants et de sujets eux-mêmes peuplés de choses ?