Colloque CNRS "Sciences et société en mutation" : compte-rendu (1)
13
fév.
2007
Voici un debrefiefing rapide du colloque (programme) qui se tenait hier au siège du CNRS, à Paris, et que j'avais annoncé il y a plusieurs mois déjà . Toutes les interventions ont été filmées et sont visibles en ligne.
Participation
500 personnes s'étaient inscrites, malgré une publicité minime, avec 48 % de femmes (contre 42,5% au CNRS, soit une sur-représentation des femmes !), 20% de personnel non-CNRS et 29% de spectateurs venues des régions. Trois attentes ont été exprimées majoritairement par le public, lors de l'inscription :
- qu'est-ce que la communication : raison, méthodes, posture etc. ;
- besoin de comprendre quels sont les mécanismes à l'œuvre dans les connexions entre science et société (appel aux sciences humaines, et en particulier à la sociologie des sciences !) ;
- comment modifier les politiques de recherche en général pour intégrer l'éthique et les préoccupations de la société.
Introduction par la présidente du CNRS, C. Bréchignac
Introduction très moyenne, pleine de lieux communs : aux scientifiques la rationalité, au grand public l'émotion et la peur. Le but du colloque pour Bréchignac : apprendre à faire passer les messages dans la société
. De dialogue, point. On est mal parti !!
"Une prospective de la société de la connaissance"
Heureusement, Paraskevas Caracostas (conseiller à la DG Recherche de la Commission européenne) cadre le débat et détruit ces préjugés. Oui, il faut sortir du modèle de l'instruction publique. Non, l'autre solution n'est pas celle d'une recherche menée par les associations et ONG. Entre les deux extrêmes se déploie une palette d'interactions, et une multi-modalité des recherches, où la science n'est pas neutre, pure et désintéressée. De fait, la Commission européenne est passée d'un programme "Science et société" dans le 6e PCRD à un programme "Science en société" dans le 7e PCRD. Et Caracostas de citer Dominique Pestre à propos des nouveaux modes de production des savoirs, comprenant la question des modèles d'innovation ouverte et la critique des droits de propriété intellectuelle. Une excellente intervention !
La perception des attentes de la société par les scientifiques
Cette session a un parti pris original, qui sort de l'habituel refrain sur la "perception des scientifiques par le grand public". Il s'agit d'enquêter et d'interroger la perception qu'ont les scientifiques (du CNRS) des attentes de la société. Un film de Joà«lle Le Marec présente 18 entretiens réalisés avec des chercheurs, y compris Baudouin Jurdant.
Pabo Pablo Jensen fait une synthèse des rapports annuels d'activité des laboratoires et chercheurs du CNRS, et présente quelques statistiques : le CNRS organise 7000 actions de vulgarisation par an (conférences, portes ouvertes, interview, accueil de scolaires etc.), mobilisant environ 1/3 des chercheurs. A comparer avec les 3/4 des chercheurs anglais mobilisés dans des actions de vulgarisation, selon un rapport de la Royal Society. 3% des chercheurs vulgarisent très souvent, et sont des "semi-professionnels", représentant 30% des actions ! Les départements "Chimie" et "Vivant" sont les moins actifs et contrairement aux idées reçues, on trouve une corrélation positive entre activité de vulgarisation et promotion CR1 -> DR2 -> DR1 !
Enfin, Daniel Boy présente les résultats d'une enquête menée auprès d'un échantillon de 2075 chercheurs et ingénieurs représentatifs de la population du CNRS. Où l'on s'aperçoit que le désir de rendre service à la société est la deuxième motivation des chercheurs après la curiosité et que 2/3 des chercheurs se préoccupent de ce que la société pourrait attendre de leurs recherches. 28% des scientifiques pensent qu'il y a une crise entre la société et la science, contre 42% qui pensent qu'il n'y a pas de crise. 56% pensent qu'il y a une crise de vocation des jeunes, particulièrement dans le domaine des sciences de la vie ! 13% des scientifiques pensent que la science ne peut être faite que par des scientifiques et 27% pensent que les expériences de collaboration avec la société civile (associations de malades, etc.) sont intéressantes mais ne changent pas grand chose. Ce qui pourrait convaincre les chercheurs de communiquer encore plus sont d'abord la possibilité de développer des contacts favorables aux recherches, et ensuite d'obtenir des financements !
Je retiens enfin dans le débat l'intervention une chercheuse d'Aix-en-Provence, qui travaille sur la question de l'exclusion et interagit constamment avec politiciens d'une part et associations de la société civile d'autre part, pour qui valorisation et vulgarisation se confondent et, au-delà de cette transmission, le vrai enjeu est celui de la co-construction : ses propres travaux s'inscrivent dans des préoccupations de société et se définissent avec la participation directe du "tiers-secteur".
Commentaires
"Pabo Jensen" -> euh.. Pablo Jensen ?
C'est pas que je sois sensible sur les deformations de ce prenom mais bon :-)
"on s'aperçoit que le désir de rendre service à la société est la deuxième motivation des chercheurs après la curiosité " C'est a mon avis la deuxieme motivation revendiquee. Mais avouons qu'il peut y en avoir de moins nobles : prestige de l'intellectuel, stabilite de l'emploi et salaire decent, gout du pouvoir, etc.
Tiens, C. Brechignac qui ne mentionne pas la notion de dialogue, how strange (rire sarcastique).
La corrélation entre vulgarisation et avancement est peut-être explicable (en partie) par le fait que se lancer dedans, c'est aussi engager une réflexion plus globale et plus profonde, et que donc se donner les moyens de mieux maitriser le sujet.
Enfin bref, je sors d'un après-midi de discussion autour de la nécessité de la vulgarisation dans la construction du développement durable, donc je suis totalement acquis à cette cause.
La
en SDV en France est peut-être explicable par l'enseignement des SDV (donc de la SVT) au lycée. Ca reste un peu le parent pauvre de l'enseignement scientifique...Une explication plus judicieuse (de terrain, disons) de la correlation entre vulgarisation et avancement en France: les scientifiques qui disposent d'une armada de techniciens et d'etudiants ont beaucoup plus de temps pour faire de la vulgarisation, alors que ceux qui sont seuls pour faire avancer leur projet n'ont pas de temps a perdre. Devinez qui va avoir de l'avancement.