Si l'on montre une science différente (en mouvement, controversée) dans les médias, sans doute peut-on aussi la montrer différemment dans l'éducation. L'enseignement des sciences à  l'école, souvent figé et décevant, a fait l'objet de nombreuses critiques et des initiatives plus ou moins récentes explorent des voies de traverse : opération "la main à  la pâte", enseignement des questions vives, recommandations du rapport Rocard… On pourrait facilement être tenté de toutes les regrouper sous une même bannière, plus ou moins judicieusement.

Franchissons ce pas : ces initiatives originales, donc, visent à  montrer une science chaude. Une science qui se construit plutôt qu'elle ne dicte des réponses. Une science qui baigne dans le doute plutôt que dans la certitude. Une science qui est contingente et non pas transcendante. Donner cette image de la science aux élèves, dès le plus jeune âge (quand, dit-on, leurs capacités d'interrogation et d'émerveillement sont les plus grandes), pourrait ramener les jeunes vers la science. Mettre fin à  la désaffection des études scientifiques. Et éveiller de nouvelles vocations.

Ce n'est pas moi qui le dit mais deux chercheurs en sciences de l'éducation de l'université d'Oslo. En plus de certains critères déterminants (comme la gratification des carrières de scientifique ou le statut social des chercheurs), l'attractivité de la matière scientifique est cruciale. Or elle pourrait être améliorée par un enseignement renouvelé des sciences à  l'école :

Les jeunes sont très intéressés par la science et la technologie, mais pas tellement par la science et technologie qu'ils rencontrent à  travers leur cursus scolaire. Celui-ci se fonde traditionnellement sur la science "bien établie" — la science qui ne peut être mise en cause, et que les épistémologues appellent en anglais le textbook science. Le contraste est grand avec la "science réelle", dans laquelle les chercheurs sont engagés aujourd'hui, à  savoir celle qui provoque de vifs débats, de nouvelles expérimentations, des tentatives d'hypothèses, des conjonctures… Il s'agit là  des frontières de la recherche, où de nouveaux territoires de la connaissance se construisent, grâce à  des d'êtres humains bien réels. C'est souvent cette sorte de science qui est relatée (avec néanmoins de nombreux malentendus) par les médias. Beaucoup de jeunes aiment ces sujets, alors qu'ils peuvent détester la science présentée à  l'école.

Le passage de la théorie à  la pratique n'est pas simple et nombreux sont les colloques, séminaires, groupes de recherche qui se penchent ou se sont penchés sur le sujet. Mais on pourra aussi se souvenir d'un billet précédent sur les manuels scolaires où il était suggéré que, loin de brûler les manuels tels qu'ils sont aujourd'hui, il faudrait les re-contextualiser pour ne plus se cacher derrière une neutralité de façade. Par exemple, au lieu de présenter Toumaï comme le plus vieil hominidé, pourquoi ne pas rendre compte de la controverse scientifique qui hésite à  en faire plutôt l'ancêtre des grands singes ? Les chercheurs d'Oslo proposent autre chose :

un cursus de science devrait comprendre des débats sur l'astrologie, l'homéopathie, la divination, etc. Et même peut-être les relations entre la science et la religion. Mais traiter de ces sujets avec délicatesse, sans offenser ceux qui croient dans ces systèmes, n'est pas facile.

Des petites actions, des grandes actions, tout compte si l'on veut montrer un autre visage de la science aux élèves…