Rappel : premier et deuxième épisode.

Depuis janvier dernier, deux rebondissements ont eu lieu dans l'affaire opposant le rédacteur en chef du Journal of Cell Biology et Thomson Scientific, producteur du facteur d'impact. David (du C@fé des sciences) a aussi écrit dans Sciences et avenir un article qui aborde avec brio la question du facteur d'impact et mentionne, entre autres, la désormais célèbre "affaire du Journal of Cell Biology". L'occasion de revenir sur le sujet.

Dans la revue Laboratory Investigations, deux membres de son comité éditorial prennent un malin plaisir à  expliquer comment, eux, ont d'excellentes relations avec l'équipe de Thomson Scientific et comment leur utilisation des données fournies par cette entreprise leur a toujours permis de retrouver au centième près la valeur du facteur d'impact annoncée. Ils s'amusent même à  en donner la méthodologie complète, soulignant que les auteurs de l'article qui a mis le feu aux poudres s'en étaient dispensés ! Qui plus est, écrivent-ils, la constance, la transparence et l'utilité des données de Thomson Scientific sont confirmées par un petit exercice auquel ils s'étaient livrés : calculer, avant sa parution, le facteur d'impact 2006 de 6 revues de pathologie, en tenant compte de la dynamique temporelle observée. Résultat : Dans 5 cas sur 6, la prédiction était correcte à  95%.

En parallèle, Roger A. Brumback publiait dans la revue Journal of Child Neurology (décidément, c'est toute la communauté des biologistes qui s'est sentie concernée), dont il est le rédacteur en chef, un article provocateur intitulé "Chérir de fausse idoles : le dilemme du facteur d'impact". Il compare d'abord l'apparition du facteur d'impact à  l'invention de la dynamite par Alfred Nobel et de la fission nucléaire par Enrico Fermi : de paisibles découvertes qui ont eu littéralement des conséquences explosives et, dans le cas du facteur d'impact d'Eugene Garfield, menace de détruire l'activité scientifique telle que nous la connaissons. Et d'expliquer comment un simple indicateur de l'importance des revues, permettant de choisir lesquelles doivent être indexées dans les revues d'abrégés ou souscrites par les bibliothèques, est devenu le mètre étalon des revues scientifiques, des chercheurs, des comités d'évaluation et des gouvernements. Et il se livre à  son tour à  un décorticage en règle du facteur d'impact 2006 de sa revue, s'arrêtant notamment sur la disparité entre PubMed et les données de Thomson Scientific en ce qui concerne la nature des articles publiés (PubMed comptabilise 207 articles publiés en 2005, dont 33 revues de synthèse, alors que Thomson Scientific comptabilise 213 articles dont seulement 6 revues de synthèse). Certes l'écart peut s'expliquer par des différences de tour de main, et Dieu sait qu'elles existent et peuvent même se négocier au cas par cas chez Thomson Scientific, mais on revient à  la délicate question de la transparence des choix effectués. Car ce nombre, qui se retrouve en dénominateur, conditionne directement le calcul de l'impact facteur.

Enfin, on notera le dernier numéro de la revue en accès libre Ethics in Science and Environmental Politics consacré à  l'usage (et mauvais usage) des indicateurs bibliométriques dans l'évaluation de la performance de la recherche. Avec quelques plumes en vue, comme Stevan Harnad que l'on ne présente plus, Anne-Wil Harzing créatrice du logiciel "Publish or perish" et Philip Campbell, le rédacteur-en-chef de la revue Nature qui est un habitué du sujet...