La science, la cité - Vulgarisation
"La science, la cité" par Enro, alias Antoine Blanchard
2022-01-02T10:30:39+01:00
Antoine Blanchard
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Dotclear
Science froide et crise des vocations
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2008-02-13T06:57:26+00:00
2008-02-13T11:01:48+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
éducation
<p>Si l'on montre une <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2008/02/09/255-cette-science-chaude">science différente</a> (en mouvement, controversée) dans les médias, sans doute peut-on aussi la montrer différemment dans l'éducation. L'enseignement des sciences à l'école, souvent <a href="http://blogue.sciencepresse.info/physique/item/307">figé et décevant</a>, a fait l'objet de nombreuses critiques et des initiatives plus ou moins récentes explorent des voies de traverse : <a href="http://tomroud.com/2007/12/10/la-main-a-la-pate-a-pisa/">opération "la main à la pâte"</a>, <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2008/02/01/253-controverses-et-experimentation#c10948">enseignement des questions vives</a>, recommandations du <a href="http://www.eurosfaire.prd.fr/7pc/doc/1182154816_report_rocard_on_science_education_en.pdf" hreflang="en">rapport Rocard</a>… On pourrait facilement être tenté de toutes les regrouper sous une même bannière, plus ou moins judicieusement.</p>
<p>Franchissons ce pas : ces initiatives originales, donc, visent à montrer une science chaude. Une science qui se construit plutôt qu'elle ne dicte des réponses. Une science qui baigne dans le doute plutôt que dans la certitude. Une science qui est contingente et non pas transcendante. Donner cette image de la science aux élèves, dès le plus jeune âge (quand, dit-on, leurs capacités d'interrogation et d'émerveillement sont les plus grandes), pourrait ramener les jeunes vers la science. Mettre fin à la désaffection des études scientifiques. Et éveiller de nouvelles vocations.</p>
<p>Ce n'est pas moi qui le dit mais <a href="http://ec.europa.eu/research/research-eu/special_education/01/article_edu07_fr.html">deux chercheurs en sciences de l'éducation de l'université d'Oslo</a>. En plus de certains critères déterminants (comme la gratification des carrières de scientifique ou le statut social des chercheurs), l'attractivité de la matière scientifique est cruciale. Or elle pourrait être améliorée par un enseignement renouvelé des sciences à l'école :</p>
<blockquote><p>Les jeunes sont très intéressés par la science et la technologie, mais pas tellement par la science et technologie qu'ils rencontrent à travers leur cursus scolaire. Celui-ci se fonde traditionnellement sur la science "bien établie" — la science qui ne peut être mise en cause, et que les épistémologues appellent en anglais le <em>textbook science</em>. Le contraste est grand avec la "science réelle", dans laquelle les chercheurs sont engagés aujourd'hui, à savoir celle qui provoque de vifs débats, de nouvelles expérimentations, des tentatives d'hypothèses, des conjonctures… Il s'agit là des <em>frontières de la recherche</em>, où de nouveaux territoires de la connaissance se construisent, grâce à des d'êtres humains bien réels. C'est souvent cette sorte de science qui est relatée (avec néanmoins de nombreux malentendus) par les médias. Beaucoup de jeunes aiment ces sujets, alors qu'ils peuvent détester la science présentée à l'école.</p></blockquote>
<p>Le passage de la théorie à la pratique n'est pas simple et nombreux sont les colloques, séminaires, groupes de recherche qui se penchent ou se sont penchés sur le sujet. Mais on pourra aussi se souvenir d'un <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/09/15/194-a-propos-des-manuels-scolaires">billet précédent sur les manuels scolaires</a> où il était suggéré que, loin de brûler les manuels tels qu'ils sont aujourd'hui, il faudrait les re-contextualiser pour ne plus se cacher derrière une neutralité de façade. Par exemple, au lieu de présenter Toumaï comme le plus vieil hominidé, pourquoi ne pas rendre compte de la controverse scientifique qui hésite à en faire plutôt l'ancêtre des grands singes ? Les chercheurs d'Oslo proposent autre chose :</p>
<blockquote><p>un cursus de science devrait comprendre des débats sur l'astrologie, l'homéopathie, la divination, etc. Et même peut-être les relations entre la science et la religion. Mais traiter de ces sujets avec délicatesse, sans offenser ceux qui croient dans ces systèmes, n'est pas facile.</p></blockquote>
<p>Des petites actions, des grandes actions, tout compte si l'on veut montrer un autre visage de la science aux élèves…</p>
Les 70 ans du Palais de la découverte
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2007-11-29T06:30:02+00:00
2007-11-29T06:36:34+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
colloquerelations science-sociétésondage
<p>Pour fêter ses 70 ans, le Palais de la découverte demandait : <q>Aimez-vous la science ?</q>. C'était en effet le titre d'un colloque de deux jours qui s'interrogeait sur la place de la science dans la société en France. Je ne vais pas rendre compte de ces débats en détail (d'autant que je n'y étais pas et que les interventions sont <a href="http://www.palais-decouverte.fr/index.php?id=1628">mises en ligne</a> petit à petit)<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/11/29/240-les-70-ans-du-palais-de-la-decouverte#pnote-240-1" id="rev-pnote-240-1">1</a>]</sup>. Ce qui m'a surtout intéressé, c'est un sondage récent sur les attitudes des Français à l'égard de la science et une synthèse par Daniel Boy des résultats de ces sondages sur 35 ans. De quoi mettre quelques idées au clair.</p>
<p>Le <a href="http://www.palais-decouverte.fr/fileadmin/fichiers/visiter/conferences_evenements/70_ans_palais/resultats_SOFRES_nov_2007.pdf" hreflang="pdf">sondage TNS Sofres</a> nous apprend que la science est l'institution dans laquelle les Français ont le plus confiance (90% lui font confiance ou plutôt confiance), devant la police (70%) et l'administration (66%). 55% des personnes interrogées déclarent s'intéresser à la science et 59% estiment qu'il faut développer les recherches scientifiques même quand on ne sait pas si elles auront des applications pratiques. Une majorité des sondés estiment que la science apporte à peu près autant de bien que de mal. 76 % d'entre sont d'accord avec le fait que la science n'a pas le droit de faire certaines choses parce que cela transformerait trop la nature. Et une majorité considère que le développement de la connaissance ne rend pas forcément l'homme meilleur.</p>
<p><a href="http://www.palais-decouverte.fr/fileadmin/fichiers/visiter/conferences_evenements/70_ans_palais/Enquetes_CSA_SOFRES_Daniel_BOY.pdf" hreflang="pdf">Remis en perspective</a> par <a href="http://www.cevipof.msh-paris.fr/chercheurs/chercheurs_fiches/boy.html">Daniel Boy</a>, ces résultats ne sont pas étonnants : l'intérêt pour la science est relativement stable au cours du temps, tout comme la confiance qu'on y accorde (autant donc pour la soi-disant défiance généralisée envers la science). Par contre, les proportions se sont inversées sur la question de la recherche finalisée : en 1997, 59% des sondés considéraient qu'il faut développer les recherches scientifiques seulement quand on pense qu'elles auront des applications pratiques ! Et même s'ils sont toujours minoritaires, la proportion de ceux qui pensent que le développement de la connaissance scientifique rend l'homme meilleur ne cesse presque pas d'augmenter depuis 1982 tandis que ceux qui sont <em>tout à fait d'accord</em> avec l'affirmation selon laquelle les chercheurs scientifiques sont des gens dévoués qui travaillent pour le bien de l'humanité ont été divisés par deux !</p>
<p>Daniel Boy présente également des données intéressantes sur la vision du métier de chercheur qu'avaient les lycéens et les étudiants en 2000 : pas brillant. A côté d'une position sociale élevée et d'un bon salaire, ils notent que le métier de scientifique est tellement critiqué aujourd'hui que cela ne donne pas envie d'entreprendre ces études et qu'il est particulièrement difficile d'obtenir un poste dans la recherche publique. Et sur les parasciences, on apprend que l'astrologie perd du terrain depuis 1994, à l'inverse de la sorcellerie, de la prémonition et de la guérison par magnétiseur…</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/11/29/240-les-70-ans-du-palais-de-la-decouverte#rev-pnote-240-1" id="pnote-240-1">1</a>] Je ne dirai donc rien de la ministre Valérie Pécresse qui ressort la rengaine selon laquelle <q>on ne craint viscéralement que ce qu'on ne connaît pas</q> et la science, en venant au contact du public, <q>dissipe d'elle-même les ambiguïtés et les angoisses qui l'accompagnent et que ses avancées parfois suscitent</q>.</p></div>
Nom de science
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2007-09-21T06:46:15+00:00
2007-09-21T06:47:54+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
vulgarisation
<p><q>Je retiens, pour cette chronique animale d'aujourd'hui, un diptère. Une mouche des plus extravagantes. Une mouche de Malaisie ; son nom de science, c'est Cyrtodiopsis dalmanni.</q> Voici comment Stéphane Deligeorges <a href="http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/emissions/continent_sciences/fiche.php?diffusion_id=52726">ouvrait l'émission</a> "Continent sciences" du 12 août dernier.</p>
<p>L'expression "nom de science" m'a immédiatement interpellé. C'est vrai, d'ordinaire on parle de "nom scientifique" et ça vous pose un nom : pas un nom commun, pas un nom quelconque mais un nom donné par des messieurs sérieux en blouse blanche. En latin, même. Et selon une nomenclature rigide : nom du genre d'abord, avec une majuscule, puis nom caractéristique de l'espèce, en minuscules. C'est le "binôme linnéen", même si l'Homme dans sa magnanimité s'est attribué un trinôme pour lui-même : <em>Homo sapiens sapiens</em>. Deux fois sage, et donc deux fois plus de raisons que ses "noms scientifiques" soient traités avec respect.</p>
<p>En effet, "nom scientifique" rime souvent avec "nom exact", "nom savant", "nom érudit", et c'est donc un nom qui discrimine : il y a d'un côté ceux qui connaissent <em>Pyrrhocoris apterus</em> et de l'autre ceux qui connaissent le <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Gendarme_%28insecte%29">gendarme</a>. La fille d'un ami, bien qu'âgée de 5 ans, fait partie des premiers, ce qui ne rend pas peu fier son papa ! Or voilà , si <em>Pyrrhocoris</em> nous indique qu'il s'agit d'une "punaise rouge", le nom "gendarme" évoque bien plus poétiquement ses couleurs rouges et noires, qui étaient celles des anciens uniformes des gendarmes. Elle ne fait pas encore de grec (eh oui, ce nom-ci vient du grec, exception qui confirme la règle) mais la voilà qui sermonne déjà ses petits camarades de maternelle qui, eux, naïvement, appellent ça des gendarmes…</p>
<p>Ainsi donc, il m'apparut qu'il est inconvenant de vouloir à tout bout de champ asséner le "nom scientifique" et prétendre ainsi imposer sa loi ! Par contre, parler du "nom de science" d'un être vivant en plus de son nom commun, n'est-ce pas lui donner une seconde vie ? N'est-ce pas lui ajouter un supplément d'âme, tellement sérieux mais si gentiment désuet ? Lecteurs, je vous en conjure : à partir d'aujourd'hui, n'utilisez plus que l'expression "nom de science". Et soyez reconnaissants aux gendarmes et à Stéphane Deligeorges de nous l'avoir soufflée…</p>
<p class="center"><a href="http://www.flickr.com/photos/tranuf/301732791/" title=" Looking up during a walk along the Loire... grabbed this instant shot of microcosmos, almost stroking the tree to feel its mangled texture..."><img src="http://farm1.static.flickr.com/118/301732791_4e8656608e_m.jpg" alt=" Looking up during a walk along the Loire... grabbed this instant shot of microcosmos, almost stroking the tree to feel its mangled texture..." style="border: solid 1px #999; padding:6px;"></a> <small>©© tranuf</small></p>
Le cerveau et ses mises en scène
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2007-07-17T10:28:01+00:00
2007-07-17T15:21:48+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
journalisme scientifiquemédecinemédiasvulgarisation
<p><q>On compare souvent notre cerveau à un ordinateur</q> constate le magazine <em>La Recherche</em> en ouverture de son dossier "Spécial cerveau" (n° 410, juillet-août 2007). Mais voilà , un journaliste du temps de Descartes aurait pu écrire : <q>On compare souvent notre cerveau à une clepsydre</q>. Et un journaliste du temps de Platon écrire : <q>On compare souvent notre cerveau à une <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Tablette_de_cire">tablette de cire</a> vierge</q>. C'est ce que met en évidence J. David Bolter dans son livre <em>Turing's Man</em> (University of North Carolina Press, 1984) : à chaque époque, le cerveau a été comparé à la technologie la plus avancée, représenté tour à tour par un dispositif d'écriture, une prouesse mécanique et horlogère ou un outil de calcul.</p>
<p>Plus près de nous, Igor Babou a enquêté pour <a href="http://sciences-medias.ens-lsh.fr/scs/article.php3?id_article=162">sa thèse</a> sur les représentations du cerveau à la télévision : il en a tiré un livre, <em><a href="http://www.puf.com/Book.aspx?book_id=015783">Le cerveau vu par la télévision</a></em>. Un article <a href="http://eprints.ens-lsh.fr/archive/00000144/">disponible sur Internet</a> nous donne un aperçu de ses thèses... Pour lui, étudier la manière dont les médias et les chercheurs ont vulgarisé le cerveau revient à <q>décrire les interactions entre des processus historiques, sociaux et communicationnels de construction des discours à propos de sciences</q>. Aini, il constate que la mise en scène du cerveau par la télé évolue entre les années 1975-1982, 1987 et 1994.</p>
<p class="center"><img src="http://www.enroweb.com/blogsciences/images/Babou.png" alt="" /></p>
<p>Comme l'illustre le schéma ci-dessus, le discours scientifique et le discours télévisuel (médiatique) ont une légitimité qui évolue, au sein même de la télé (en bas du schéma). Ce qui correspond à divers modalités d'énonciation (en haut du schéma). Ainsi, entre 1975 et 1979, la télévision se déplace dans les lieux de science, fait longuement s'exprimer les chercheurs, les expériences sont exposées en détail : <q>la médiation télévisuelle s'efface devant les contenus scientifiques considérés comme un spectacle suffisant et légitime</q>. Au début des années 1980, le discours télévisuel et la médiation s'impose : le journaliste est valorisé (ce qui correspond également à une évolution sociologique de son champ professionnel) et reformule la parole du scientifique, la parole profane est convoquée (micro-trottoirs etc.). Les adresses verbales aident à faire exister le téléspectateur en tant que tel. En 1987, la télévision apparaît encore plus en position dominante <q>et prend plus radicalement ses distances avec les scientifiques : ils sont exclus de l'image et les lieux scientifiques ne sont plus filmés. Le discours de la télévision est alors celui de l'évidence naturelle (...) et le savoir scientifique est présenté comme si les faits parlaient d'eux-mêmes</q>. Cette évolution est sans doute liée à une perte de légitimité de la science dans la sphère publique, la télé s'érigeant à la place <q>comme détenteur d'un savoir indépendant</q>. En 1994, la science revient sur le devant de la scène car elle a plus de choses à montrer : elle ne produit plus seulement un discours mais des images (IRM, scanners etc.) et des vidéos (tests de comportement ou de psychologie) qui s'introduisent naturellement dans la médiation télévisuelle. Celle-ci se met donc à citer abondamment toute sorte de matériel audiovisuel : c'est l'ère de l'autoréférence. Dans le même temps, les scientifiques à qui l'on donne la parole (sur le plateau et non plus dans leur laboratoire) sont confrontés à des profanes : ils ne sont pas mis en scène seuls, leur parole ne fait sens que confrontée au vécu de chacun.</p>
<p>Mais le cerveau est-il un objet particulier pour la vulgarisation ? Ou bien est-il traité comme le seraient les OGM, l'eau ou l'exploration spatiale ? Etonnamment, il apparaît que l'<a href="http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/expo/tempo/defis/cervint/flash/">exposition de 2002 à la Cité des sciences</a> privilégie le registre des émotions et du sujet individuel, comme le montre son découpage thématique : "Ce qui agit en moi", "Ce que je ressens", "Ce que je sais", "Ce que je pense" et "Ce que je suis". Le volume sonore de l'exposition rend les conversations presque impossibles et de nombreux dispositifs muséographiques sont prévus pour une seule personne. L'exposition met donc l'individu face à lui-même, dans une <q>ambiance d'immersion sensorielle</q>. Bref, <q>tout se passe comme si la scénographie prenait appui sur certains acquis des neurosciences concernant le rôle de l'émotion dans le raisonnement, mais sans intégrer l'émotion au raisonnement.</q> Et comme si l'artiste prenait le pas sur le politique ou le scientifique...</p>
<p>Mais nous refermons déjà le numéro de <em>La Recherche</em>, en lisant sur la quatrième de couverture (une publicité pour <a href="http://www.frc.asso.fr/">le neurodon</a>) :</p>
<blockquote><p>Investissez dans l'ordinateur le plus précieux au monde : le cerveau.</p></blockquote>
<p>S'il fallait enfoncer le clou...</p>
Horizon 2020 : 1 objectif parmi les 12 du CNRS
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2007-07-05T07:01:43+00:00
2007-10-11T21:11:02+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
CNRSdémocratie scientifiquerelations science-société
<p>Après <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/07/03/189-une-ethique-de-la-diffusion-des-resultats-de-recherche">un billet</a> qui a été largement enrichi par les commentaires des lecteurs (que je remercie), revoilà le <acronym title="Centre national de la recherche scientifique">CNRS</acronym> qui a publié hier la <a href="http://www.cnrs.fr/fr/organisme/docs/horizon2020.pdf">version 4.2</a> (encore provisoire mais votée par le Conseil scientifique) de ses objectifs pour 2020.</p>
<p>Evidemment, je m'intéresse surtout au chapitre sur "Le CNRS : acteur dans la société" (pp. 28-33) tandis que d'autres s'intéresseront plus aux engagements pour l'interdisciplinarité, la croissance économique ou les ressources humaines. Qu'y lit-on ?</p>
<blockquote><p>La thématique « Science et société » a toujours été importante pour le CNRS. Elle prend aujourd’hui une signification nouvelle. Il ne s’agit plus seulement de faire pénétrer la science dans la société, mais de répondre à la pénétration multiforme de la science par la société. Le CNRS doit se situer dans un contexte mondial marqué par la privatisation de la connaissance et par la demande de participation civile. <strong>Dans ce but, il adaptera ses missions traditionnelles de promotion de la culture scientifique et technique, d’expertise et d’évaluation, de diffusion de l’information scientifique et technique, et de communication.</strong></p></blockquote>
<p>Ouah, on ne nous dit pas comment mais on nous promet déjà des "adaptations" ! Par contre, rien sur la première mission du CNRS, celle de la production de connaissances, qui n'aurait donc rien à voir avec la société. <em>Exeunt</em> les <a href="http://boutiquedessciences.free.fr/">boutiques de science</a> et autres <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/08/21/45-partenariats-institutions-citoyens-pour-quels-programmes-de-recherche">programmes PICRI</a> ? Ah non, c'est six paragraphes plus loin :</p>
<blockquote><p>Enfin le CNRS développera des moyens d’analyse de participation de la société civile à l’élaboration des politiques de recherche. A l’heure actuelle, la capacité scientifique de l’organisme d’<strong>analyse de la participation civile</strong> fonctionne pour l’essentiel soit en interne, soit à la demande des décideurs politiques ou économiques. Elle sera désormais aussi conçue comme une <strong>expertise susceptible de soutenir la participation civile à l’élaboration des politiques de recherche</strong>.</p></blockquote>
<p>Remarquez quand même le vocabulaire que j'ai mis en gras, très très prudent et laissant, je crois, une très faible marge de manœuvre. Mais continuons :</p>
<blockquote><p>l’organisme valorisera la diffusion des connaissances et les activités de médiation scientifique parmi les chercheurs. <strong>L’organisme incitera les chercheurs à prendre en considération la diffusion des connaissances dans leur stratégie de publication, en valorisant davantage cette activité dans les carrières.</strong> La formation des chercheurs et des ingénieurs aux pratiques de médiation scientifique sera assurée.</p></blockquote>
<p>La vache... Déjà en 1992, à la suite de la Loi d'orientation et de programmation de 1982, le <a href="http://sciences-medias.ens-lsh.fr/scs/IMG/pdf/rapport_Kunth-3.pdf">rapport Kunth</a> jugeait <q>particulièrement préoccupant que la vulgarisation scientifique ne soit pas prise en compte dans la carrière des chercheurs par les commissions nationales des organismes de recherche</q> (p. 4) ! On finirait donc par y arriver ?...</p>
<p>Attention, le summum :</p>
<blockquote><p>le CNRS adoptera un autre régime d’échange avec le public. Il est essentiel que le public comprenne la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances, et ne soit plus traité comme un pur récepteur passif.</p></blockquote>
<p>Alors là , excusez-moi mais je ne vois pas en quoi se faire expliquer <q>la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances</q> rend l'auditeur actif ! Certes c'est une bonne idée, c'est ce que je vais moi-même m'essayer de faire dans quelques semaines au <a href="http://www.paris-montagne.org">festival Paris-Montagne</a>, en expliquant les mécanismes de l'écrit scientifique, de la publication évaluée par les pairs etc. Mais bon, le public aura entre 9 et 18 ans. Au-delà , franchement, il faut penser de nouvelles pédagogies (je pense par exemple à ce que pratique la Cité des sciences et de l'industrie en comparaison du Palais de la découverte) mais plus globalement de nouveaux modes d'interaction et d'immersion de la science dans la société ou bien celui qui aura compris la complexité de la science en train de se faire ne pourra pas plus agir !</p>
<p>Puis une idée qui me semble un peu nouvelle et peu être intéressante si elle est bien organisée (mais qui n'est malheureusement pas reprise dans la synthèse des premières pages) :</p>
<blockquote><p>Le défi pour le CNRS est de devenir capable de mettre aussi son expertise à la disposition du système social. La relation d’expertise ne doit pas être confondue avec les interactions diverses entre le système économique, le système politique et le système social. Le CNRS ne peut offrir qu’une évaluation cognitive (une expertise scientifique). Mais, s’il veut affirmer sa fonction sociétale, il doit au moins contribuer à démocratiser l’expertise. <strong>Il y a pour le CNRS et pour ses personnels un devoir d’écoute sociale, un devoir d’alerte et de prospective, un devoir de mettre en place l’organisation appropriée à un tel rapport à la société.</strong></p></blockquote>
<p>Par exemple les lanceurs d'alerte <a href="http://sciencescitoyennes.org/spip.php?article119">pourraient être protégés</a> et institutionnalisés : parfait... Enfin, le petit paragraphe qui fait plaisir (plaisir égoïste, je vous l'accorde) :</p>
<blockquote><p>Le CNRS favorisera le développement de recherches philosophiques, historiques, sociologiques, économiques, politiques et éthiques sur la science et la technologie. Le succès de telles recherches a trois conditions : que des communautés de spécialistes (philosophes, historiens, sociologues) soient repérées et structurées ; deuxièmement, que les études sur la science soient développées et appropriées par les disciplines scientifiques elles-mêmes ; enfin, que ces réflexions soient nourries par des échanges réels avec le public et les décideurs. Le CNRS favorisera le développement de telles études, en garantissant un vivier de compétences aujourd’hui déficitaire dans notre pays, en garantissant leur excellence scientifique, et en structurant les réseaux de collaboration interdisciplinaire et de communication externe qui leur sont indispensables.</p></blockquote>
Les dessous des "Scientists of America"
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2007-06-27T06:33:51+00:00
2007-06-30T20:55:46+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
humourInternetjournalisme scientifiquevulgarisation
<p>Matthieu <a href="http://chezmatthieu.blogspot.com/2007/06/actualit-scientifique-3.html">l'annonçait sur son blog</a> la semaine dernière (et blop <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/06/17/161-publier-des-resultats-negatifs#c9529">en commentaire ici-même</a> deux jours avant), c'est la dernière sensation de l'Internet scientifique : <em><a href="http://scientistsofamerica.com/">Scientists of America</a></em> propose des articles de vulgarisation mis à jour fréquemment, accessibles gratuitement et réutilisables sous licence Creative commons. Sauf que… rien de ce qui est raconté n'est à prendre au premier degré, et les "faits scientifiques" annoncés sont rédigées à la demande des lecteurs qui cherchent une caution pour se rattraper après avoir sorti une grosse bêtise à leur dernier dîner mondain.</p>
<p>Le supplément "Ecrans" de <em>Libération</em> <a href="http://www.ecrans.fr/spip.php?article1525">nous l'apprend</a>, c'est le Français Jean-Noà«l Lafargue qui se cache derrière ce site, à l'apparence bien… américaine ! Il explique cette <q>blague</q>, et avoue ne pas savoir si c'est une œuvre artistique, ce dont on peut douter quand on le connaît pour l'avoir côtoyé sur Wikipédia.</p>
<p class="center"><a href="http://scientistsofamerica.com/"><img src="http://www.ecrans.fr/local/cache-vignettes/L450xH295/arton1525-35088.jpg" alt="" /></a></p>
<p>Car comme une œuvre d'art, il nous prend à contre-pied et nous amène à nous poser quelques questions. Voici les miennes, voici la lecture que je fais de ce "happening" dont j'espère qu'il ne sera pas (trop) éphémère.</p>
<p>Ce site a d'abord le mérite de nous rappeler que la science est avant tout un discours : il n'y a pas de science s'il n'y a personne pour raconter ce qu'il a fait, observé ou compris. On retrouve le sens premier de l'adjectif "scientifique" <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/05/08/159-le-dessein-intelligent-enfin-scientifique">selon Bruno Latour</a> : ce qui renvoie dans les cordes la sagesse populaire, le bavardage mondain et les rumeurs oiseuses, parce <q>qu'il n'y a plus à discuter</q>. En ce sens, voilà un site qui prétend fabriquer du scientifique, de l'absolu ! C'est bien <a href="http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=13">son argument central</a> : <q>vous assister dans vos efforts rhétoriques, (…) donner à vos affirmations péremptoires un poids scientifique véritable.</q></p>
<p>Il joue ensuite avec les codes de l'écriture du journalisme scientifique, sur tous les modes (<a href="http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=29">interview avec un chercheur ou expert</a>, <a href="http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=34">présentation de résultats inédits</a>, <a href="http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=36">courrier des lecteurs</a>, <a href="http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=18">article prenant le prétexte de l'actualité</a> etc.) et avec tous les outils (données, graphiques, citations de chercheurs et experts etc.). Il fait avec beaucoup d'humour et de réussite <a href="http://www.pianotype.net/doc/tomatotopic.htm">ce que Georges Perec avait fait</a> avec la littérature scientifique primaire : la parodier, en reprendre les codes pour mieux la détourner.</p>
<p>Les <em>Scientists of America</em> lancent aussi un défi au journalisme scientifique pour sortir de ces schémas préformatés, du simple compte-rendu de faits sensationnels ou contre-intuitifs ! <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique">Innovez</a>, surprenez-nous, sortez du copier-coller de communiqué de presse — et ne mêlez surtout pas les deux en nous racontant une étude bidon sur <a href="http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=21">les carrières des stars hollywoodiennes expliquées par leur patronyme</a> !</p>
<p>Et finalement, ils montrent que les mêmes mécanismes cognitifs qui nous attirent vers un article de <em>Science & vie</em> nous attirent vers un faux article de vulgarisation : curiosité, envie d'être étonné, d'être surpris, goût pour les études étayées et les réponses (ou ce qui est présenté comme tel). Et que l'attrait de la "vérité" est peut-être bien secondaire…</p>
<p>Bref, je vois les <em>Scientists of America</em> autant comme un amusement que comme une interpellation des journalistes scientifiques et de tout ceux qui fabriquent ou consomment du discours scientifique à la pelle — un sondage par là , une étude par ci : écoutez-vous un peu parler, prenez de la distance et mesurez votre excès… Et laissez nous respirer !</p>
<p>Conclusion : moi aussi j'ai commandé mon article pour 10 â¬, qui a été accepté. Voyons comment ils se sortent du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Paradoxe_du_menteur">paradoxe du menteur</a> puisque l'article montrera que "Tous les articles publiés par <em>Scientists of America</em> sont faux" !</p>
Un point sur la vulgarisation scientifique
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2007-06-25T09:00:13+00:00
2007-06-25T09:00:42+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
journalisme scientifiquevulgarisation
<p>Le journalisme scientifique n'a pas bonne presse, il est souvent accusé de sensationnalisme, d'imprécision ou de simplification, voir même parfois d'être trop timoré. La vulgarisation scientifique en général peut être accusée de ces maux. A un niveau plus fin, on leur reproche de considérer leur public comme des ardoises vides où viendrait s'inscrire la "bonne parole scientifique", dotée naturellement d'une autorité et d'une universalité incontestables : <q>l'immense public des "profanes" est invité au grand spectacle de la science qui, implicitement, en raison même de l'identification des exclus à des profanes, relève du "sacré"</q><sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#pnote-182-1" id="rev-pnote-182-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>En ce qui concerne les journalistes scientifiques, ces travers sont sans doute en partie dus à l'embargo imposé par les journaux (et le rédacteur en chef du <em>Lancet</em> <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.1135374" hreflang="en">ne dit pas autre chose</a>). Selon cette pratique désormais habituelle, <em>Nature</em>, <em>Science</em> ou les autres mettent les articles importants à la disposition des journalistes quelques jours avant publication, à condition que ceux-ci ne sortent pas leur article avant le jour de publication, ou la veille. Alors, les journalistes se croyant dépositaires d'un savoir rare et déférents vis-à -vis des sources d'information dont ils dépendent, considèrent qu'il suffit d'être <q>la caisse de résonance des maîtres du Verbe</q><sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#pnote-182-2" id="rev-pnote-182-2">2</a>]</sup> (sans regard critique !) pour faire leur travail. De plus, les communiqués de presse diffusés par les mêmes revues ou parfois les équipes de recherche (aux Etats-Unis) favorisent le journalisme paresseux et l'information homogène.</p>
<p>Mais alors, que faudrait-il ? Eh bien, pour reprendre les arguments de Franco Prattico<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#pnote-182-3" id="rev-pnote-182-3">3</a>]</sup>, il ne faudrait plus "traduire" le langage ésotérique du savant dans le langage "vulgaire" du public mais chercher à en identifier les points communs, les viaducs et les isthmes. Mais pour cela,</p>
<blockquote><p>il faut construire une nouvelle figure d'intellectuel disposant d'une vaste formation, non seulement scientifique et philosophique, mais aussi littéraire et artistique, qui soit en mesure de lire notre époque de manière critique sans préjugés. Cette nouvelle figure doit se faire porte-parole d'une prise de conscience, d'une part, de la pénétration de la technologie (et donc la lire avec un regard critique), d'autre part du fait que l'image du monde que nous avons héritée des siècles passés est désormais déstructurée, et que ce tremblement de terre (…) concerne aussi l'imaginaire et demande donc une reconstruction des points de repère et des valeurs. (pp. 206-208)</p></blockquote>
<p>Les scientifiques qui font de la vulgarisation doivent aussi éviter de penser que seule la "vérité" (sur l'origine de la vie, les causes du cancer, les mécanismes du réchauffement climatique…) intéresse leur public alors qu'eux-mêmes sont intéressés par toute autre chose, et qu'ils n'attendent pas de leur collègue qu'il s'intéresse à un énoncé scientifique sous le seul prétexte qu'il est vrai. Comme l'écrivent Françoise Bastide <em>et al.</em>, <q>il faut trahir la science, c'est-à -dire trahir ce que les scientifiques ne disent pas au "public", ce par quoi ils trahissent eux-mêmes la différence qu'ils font entre publics et collègues</q><sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#pnote-182-4" id="rev-pnote-182-4">4</a>]</sup>.</p>
<p>A la lumière de ces principes, j'ai essayé de réécrire une brève de <em>Science & vie</em> consacrée à la toxoplasmose et <a href="http://le-doc.info/2007/05/27/127-science-vie-et-lactualite">brocardée par Timothée</a>. Pas facile, surtout dans ce format aussi court. Mais je persiste à croire que c'est possible — et après tout, il existe bien <a href="http://www.univ-paris-diderot.fr/formation/Specialite.php?NS=819">des formations</a> où les journalistes scientifiques pourraient apprendre à s'y mettre !</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#rev-pnote-182-1" id="pnote-182-1">1</a>] Baudouin Jurdant (1996), "<a href="http://master-cs.u-strasbg.fr/IMG/doc/art-bj.doc">Enjeux et paradoxes de la vulgarisation scientifique</a>", Actes du colloque <em>La promotion de la culture scientifique et technique : ses acteurs et leurs logiques</em>, Université Paris 7 - Denis Diderot, 12-13 décembre, pp. 201-209.</p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#rev-pnote-182-2" id="pnote-182-2">2</a>] Franco Prattico (1998), "<a href="http://www.tribunes.com/tribune/alliage/37-38/pratt.htm">Divulgation scientifique et conscience critique</a>", <em>Alliage</em>, n° 37-38, pp. 204-210.</p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#rev-pnote-182-3" id="pnote-182-3">3</a>] <em>Op. cit.</em></p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/25/182-un-point-sur-la-vulgarisation-scientifique#rev-pnote-182-4" id="pnote-182-4">4</a>] Françoise Bastide, Denis Guedj, Bruno Latour et Isabelle Stengers (1987), "Il faut trahir la science", <em>Le résistible objet des films scientifiques</em>, club Scientifiction.</p></div>
Trouvez l'auteur : Science et littérature
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2007-05-21T00:48:37+00:00
2007-05-22T06:35:47+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
communication scientifiqueculture scientifique
<p>Voici l'extrait d'un texte en français, que je ne vais pas dater pour compliquer votre tâche (mais les noms cités permettent de situer à peu près). Le nom de l'auteur, à défaut du titre de l'ouvrage, fera l'affaire :</p>
<blockquote><p>Souvent, dans la littérature proprement dite, les écrivains parlent pour ne rien dire. Il me semble, au contraire, que l'on devrait surtout écrire dans un but d'instruction générale. Pourquoi un écrivain scientifique, un d'Alembert, un Laplace, un Arago, un Claude Bernard, un Poincaré, serait-il, par définition, inférieur à un écrivain purement littéraire, à un peintre de mœurs ou à un historien ? La littérature a trop longtemps célébré des fictions plus ou moins ingénieuses ; laissons-la aujourd'hui nous montrer le spectacle de l'univers, éternellement digne de notre enthousiasme ! Et en pénétrant dans l'auguste sanctuaire de la vérité, ne nous étonnons point d'être émus parfois devant les révélations inattendues que peut offrir à nos pensées attentives l'être invisible caché dans le mystère des choses.</p></blockquote>
<p><b>[Mà J 22/05, 6h33]</b> : Bravo à blop, lecteur fidèle qui a reconnu Camille Flammarion, vulgarisateur et scientifique dont <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/12/29/82-le-retour-de-la-science-populaire">j'ai déjà parlé sur ce blog</a>, dans ses <em><a href="http://www.europeana.eu/ark:/12148/bpt6k2101681">Contemplations scientifiques</a></em> (1870-1887). Pour nuancer les critiques de Flammmarion, on peut noter que l'Académie française, qui admet aujourd'hui un scientifique comme <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=690">François Jacob</a>, a autrefois compté <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=219">d'Alembert</a>, <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=336">Laplace</a>, <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=419">Claude Bernard</a>, <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=450">Louis Pasteur</a>, <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=509">Henri Poincaré</a> et <a href="http://www.academie-francaise.fr/immortels/base/academiciens/fiche.asp?param=582">Louis Pasteur Vallery-Radot</a> parmi les siens… Je renvoie les lecteurs intéressés par ce type d'ouvrages et d'écriture à un <a href="http://www.procrastin.fr/blog/index.php?2006/10/26/113-avebury">très beau billet</a> de Procrastin.</p>
Internet et usage de l'information scientifique
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2007-03-08T19:50:46+00:00
2007-03-08T19:52:04+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
culture scientifiqueinformation scientifiqueInternetvulgarisation
<p>J'ai souvent défendu l'idée, <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/09/23/50-la-democratie-avant-l-education-scientifique">ici</a> ou <a href="http://www.le-doc.info/index.php/2006/11/07/56-blogs-vers-une-science-citoyenne-ou-pas#c117">ailleurs</a>, que <q>le Web en entier devient une source importante d'information scientifique — ou, plus exactement, une source vers laquelle se tournent préférentiellement les profanes pour obtenir des informations ponctuelles d'ordre scientifiques, surtout lorsque celle-ci est liée à des controverses de société</q> et que l'information sur la science nourrit le désir de s'informer. Alors, <q>à nous de faire en sorte que la "meilleure" information possible soit à leur disposition.</q></p>
<p><a href="http://scienceblogs.com/framing-science/2007/02/the_physics_of_the_buffyverse.php" hreflang="en">Via</a> le blog "Framing Science", je (re)découvre <a href="http://www.pewinternet.org/report_display.asp?r=191">une enquête</a> du Pew Institute qui me donne raison : 20% des sondés américains (internautes ou non) expliquent qu'ils utilisent Internet comme source principale d'information sur la science (contre 41% pour la télévision), ce qui commence à faire beaucoup !</p>
<p>Mais voilà , c'est bien le désir de s'informer qui constitue le plus gros obstacle :</p>
<ul>
<li>65% des américains sondés qui ont eu connaissance d'information sur la science par Internet s'étaient connectés pour autre chose ;</li>
<li>78% de ceux qui ont eu connaissance d'information sur la science par Internet se décrivent comme "très" ou "assez" informés des nouvelles découvertes scientifiques, contre 58% des internautes.</li>
</ul>
<p>On voit donc le rôle que joue le hasard et les prédispositions (goût personnel) dans l'acquisition d'information scientifique sur la toile !</p>
<p>Une des solutions pour attirer vers la science consiste alors à faire du sensationnel, jouer sur le registre de l'émotion, comme dans l'exemple du reportage de Canal+ sur les <acronym title="Organisme génétiquement modifié">OGM</acronym> qui <a href="http://www.le-doc.info/index.php/2007/02/05/115-les-ogms-sont-ils-dangereux-pour-la-sante-l-etude-qui-desinforme">a récemment mobilisé l'attention</a>. Ou à parler de la science autrement, <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/01/02/95-deux-experiences-de-culture-scientifique">par l'art</a>, <a href="http://owen.monblogue.branchez-vous.com/2007/02/26#135623">par l'humour</a>... afin de décloisonner les catégories selon lesquelles M. X s'intéresse au tiercé et pas aux sujets scientifiques et Mme Y à la politique et pas à l'actualité technologique. Mais rien ne remplacera la prime accordée à la conscience du citoyen, qui seule développera sa compétence (pour <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/09/23/50-la-democratie-avant-l-education-scientifique">paraphraser Jean-Marc Lévy-Leblond</a>) ! Et cela grâce à la <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?tag/democratie-scientifique">démocratie technique</a>, qui le fait venir aux problématiques scientifiques en l'invitant de plein droit à y mettre son nez.</p>
Après la science, réenchanter le monde
urn:md5:ad99bdd7fe9a72d2fcf5e8c8d6e42043
2007-02-17T08:46:35+00:00
2007-02-17T15:33:11+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
physiquepseudo-sciencevulgarisationépistémologie
<p>Matthieu <a href="http://chezmatthieu.blogspot.com/2006/10/antimatire-et-patascience.html">le regrettait</a> récemment, Georges Lochak l'écrit mieux que quiconque dans <em>Défense et illustration de la science : le savant, la science et l'ombre</em> (Ellipses, 2002, p. 261) :</p>
<blockquote><p>Journalistes (non scientifiques), historiens (pas ceux des sciences), philosophes (les moins scientifiques possible), sociologues, penseurs en tout genre, médecins, tous ont une opinion, basée sur une méconnaissance solidement assise sur des lectures de seconde main. Et une opinion sur quoi ? Pas sur des sujets techniques, bien sûr. Ce qui les intéresse, c'est l'univers (au moins), les rapports entre science et religion, le hasard, le désordre, la complexité, l'action à distance, tout ce qui incline à la magie.<br /> <strong>Les sujets les plus courus sont des probabilités, le chaos, l'indéterminisme, les fractals, les incertitudes, l'ordre émergent du désordre, les états virtuels, le stochastique, la décohérence, la téléportation, les attracteurs étranges, le vide quantique, les catastrophes, l'intrication, l'effet papillon, les fluctuations, le paradoxe EPR...</strong> Plus des notions astronomiques qu'on adore ne pas comprendre : les quasars, les lentilles gravitationnelles, les pulsars, les trous noirs, la masse manquante, le sacro-saint big bang. Et quelques mots mathématiques comme les "résultats indécidables" qui fleurent bon l'impuissance.</p></blockquote>
<p>Une attitude consiste en effet à regretter la popularité de ces <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Marronnier (journalisme)">marronniers</a> pseudo-scientifiques, et n'y voir qu'un effet de plus de la perte de terrain de la culture scientifique du grand public. Mais ces concepts colorés ne font-ils pas aussi parti de la culture scientifique ? Ne sont-ils pas aussi un moyen de venir à la science, comme peuvent l'être les textes poétiques d'Hubert Reeves ou les films de Jacques-Yves Cousteau ?</p>
<p>Plus encore, on peut y voir une réaction salutaire pour échapper au <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/02/07/115-trouvez-l-auteur-science-et-desenchantement-du-monde">désenchantement du monde</a> induit par la science. Ainsi, <a href="http://eastes.free.fr/">Richard-Emmanuel Eastes</a> et <a href="http://www.ldes.unige.ch/info/membres/fp/fp.htm">Francine Pellaud</a>, dans un article à paraître sur "Le rationnel et le merveilleux", notent :</p>
<blockquote><p>lorsque la science, par de nouvelles élucidations du monde, contribue à le désenchanter, elle ne met pas longtemps à <strong>faire renaître l'émerveillement en lançant, par le biais de la vulgarisation scientifique, des problématiques fantastiques alimentées par moult contradictions (jumeaux de Langevin, paradoxe de Fermi), concepts à larges affordances (effet papillon, effet tunnel, principe d'incertitude) et objets mystérieux (attracteurs étranges, trous noirs)</strong>. Autant de chemins empruntés ensuite par la métaphysique, la science-fiction, les arts, les parasciences ; autant de soupapes de sécurité dans une conception scientifique du monde qui ne souffre pas la présence du merveilleux mais qui, par l'invention de ces problématiques et leur vulgarisation, semble s'assurer que ses frontières en demeurent constamment imprégnées.</p></blockquote>
Colloque CNRS "Sciences et société en mutation" : compte-rendu (1)
urn:md5:31c324c735677c4b0e09cb00c9ccbe43
2007-02-13T00:46:44+00:00
2007-03-26T07:12:54+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
CNRScolloquerelations science-sociétésondage
<p>Voici un debrefiefing rapide du <a href="http://www.cnrs.fr/colloques/sciences-societe/">colloque</a> (<a href="http://www.cnrs.fr/colloques/sciences-societe/programme/">programme</a>) qui se tenait hier au siège du <acronym title="Centre national de la recherche scientifique">CNRS</acronym>, à Paris, et que <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/07/18/40-colloque-cnrs-sciences-et-societe-en-mutation">j'avais annoncé</a> il y a plusieurs mois déjà . Toutes les interventions ont été filmées et sont <a href="http://w3appli.u-strasbg.fr/canalc2/video.asp?idEvenement=294">visibles en ligne</a>.</p>
<p><strong>Participation</strong></p>
<p>500 personnes s'étaient inscrites, malgré une publicité minime, avec 48 % de femmes (contre <a href="http://www.cnrs.fr/mpdf/article.php3?id_article=201">42,5% au CNRS</a>, soit une sur-représentation des femmes !), 20% de personnel non-CNRS et 29% de spectateurs venues des régions. Trois attentes ont été exprimées majoritairement par le public, lors de l'inscription :</p>
<ul>
<li>qu'est-ce que la communication : raison, méthodes, posture etc. ;</li>
<li>besoin de comprendre quels sont les mécanismes à l'œuvre dans les connexions entre science et société (appel aux sciences humaines, et en particulier à la sociologie des sciences !) ;</li>
<li>comment modifier les politiques de recherche en général pour intégrer l'éthique et les préoccupations de la société.</li>
</ul>
<p><strong>Introduction par la présidente du CNRS, C. Bréchignac</strong></p>
<p>Introduction très moyenne, pleine de lieux communs : aux scientifiques la rationalité, au grand public l'émotion et la peur. Le but du colloque pour Bréchignac : apprendre à <q>faire passer les messages dans la société</q>. De dialogue, point. On est mal parti !!</p>
<p><strong>"Une prospective de la société de la connaissance"</strong></p>
<p>Heureusement, <a href="http://www.cnrs.fr/colloques/sciences-societe/programme/docs/Caracostas.pdf">Paraskevas Caracostas</a> (conseiller à la DG Recherche de la Commission européenne) cadre le débat et détruit ces préjugés. Oui, il faut sortir du <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/11/10/53-de-la-co-construction-des-savoirs">modèle de l'instruction publique</a>. Non, l'autre solution n'est pas celle d'une recherche menée par les associations et ONG. Entre les deux extrêmes se déploie une palette d'interactions, et une multi-modalité des recherches, où la science n'est pas neutre, pure et désintéressée. De fait, la Commission européenne est passée d'un programme "Science et société" dans le 6e <acronym title="Programme-cadre de recherche et développement">PCRD</acronym> à un programme "Science en société" dans le 7e PCRD. Et Caracostas de citer <a href="http://www.koyre.cnrs.fr/article.php3?id_article=153">Dominique Pestre</a> à propos des nouveaux modes de production des savoirs, comprenant la question des modèles d'innovation ouverte et la critique des droits de propriété intellectuelle. Une excellente intervention !</p>
<p><strong>La perception des attentes de la société par les scientifiques</strong></p>
<p>Cette session a un parti pris original, qui sort de l'habituel refrain sur la "perception des scientifiques par le grand public". Il s'agit d'enquêter et d'interroger la perception qu'ont les scientifiques (du CNRS) des attentes de la société. <a href="http://c2so.ens-lsh.fr/article.php3?id_article=107">Un film</a> de Joà«lle Le Marec présente 18 entretiens réalisés avec des chercheurs, y compris <a href="http://www.koyre.cnrs.fr/article.php3?id_article=213">Baudouin Jurdant</a>.<br />
<del>Pabo</del> <a href="http://perso.ens-lyon.fr/pablo.jensen/">Pablo Jensen</a> fait une synthèse des rapports annuels d'activité des laboratoires et chercheurs du CNRS, et présente quelques statistiques : le CNRS organise 7000 actions de vulgarisation par an (conférences, portes ouvertes, interview, accueil de scolaires etc.), mobilisant environ 1/3 des chercheurs. A comparer avec les 3/4 des chercheurs anglais mobilisés dans des actions de vulgarisation, selon <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/07/16/39-chercheurs-et-grand-public-un-echange-a-double-sens">un rapport</a> de la <em>Royal Society</em>. 3% des chercheurs vulgarisent très souvent, et sont des "semi-professionnels", représentant 30% des actions ! Les départements "Chimie" et "Vivant" sont les moins actifs et contrairement aux idées reçues, on trouve une corrélation positive entre activité de vulgarisation et promotion CR1 -> DR2 -> DR1 !<br />
Enfin, Daniel Boy présente les résultats d'une enquête menée auprès d'un échantillon de 2075 chercheurs et ingénieurs représentatifs de la population du CNRS. Où l'on s'aperçoit que le désir de rendre service à la société est la deuxième motivation des chercheurs après la curiosité et que 2/3 des chercheurs se préoccupent de ce que la société pourrait attendre de leurs recherches. 28% des scientifiques pensent qu'il y a une crise entre la société et la science, contre 42% qui pensent qu'il n'y a pas de crise. 56% pensent qu'il y a une crise de vocation des jeunes, particulièrement dans le domaine des sciences de la vie ! 13% des scientifiques pensent que la science ne peut être faite que par des scientifiques et 27% pensent que les expériences de collaboration avec la société civile (associations de malades, etc.) sont intéressantes mais ne changent pas grand chose. Ce qui pourrait convaincre les chercheurs de communiquer encore plus sont d'abord la possibilité de développer des contacts favorables aux recherches, et ensuite d'obtenir des financements !<br />
Je retiens enfin dans le débat l'intervention une chercheuse d'Aix-en-Provence, qui travaille sur la question de l'exclusion et interagit constamment avec politiciens d'une part et associations de la société civile d'autre part, pour qui valorisation et vulgarisation se confondent et, au-delà de cette transmission, le vrai enjeu est celui de la co-construction : ses propres travaux s'inscrivent dans des préoccupations de société et se définissent avec la participation <em>directe</em> du "tiers-secteur".</p>
Quand les célébrités disent des bêtises, les scientifiques ne valent pas forcément mieux...
urn:md5:6cb431901a2f9dc7da0bf48fb0aec8ae
2007-01-19T17:46:23+00:00
2007-01-19T17:58:26+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
cancerpesticidespeurrelations science-sociétévulgarisation
<p>Autant j'aime beaucoup d'habitude le travail de l'organisation <em>Sense about Science</em> (notamment en matière de <a href="http://www.senseaboutscience.org.uk/index.php/site/project/29/" hreflang="en">sensibilisation au <em>peer review</em></a>), autant leur dernière campagne est largement critiquable. Dans un <a href="http://www.senseaboutscience.org.uk/pdf/ScienceForCelebrities.pdf" hreflang="en">document PDF de 2 pages</a> (<a href="http://www.20min.ch/ro/rechercher/story/25335613">repris</a> par le <em>20 minutes</em> de Genève), ils répondent à quelques jugements considérés comme erronés, impliquant la science et tenus par des célébrités (tant qu'à faire...).</p>
<p>Si <strong>Madonna</strong> en prend avec raison pour son grade (parce qu'elle imagine qu'il est possible de neutraliser les radiations), d'autres réponses sont moins justifiées. Ainsi, à la mannequin <strong>Elle MacPherson</strong> qui se dit <q>heureuse de pouvoir nourrir sa famille avec de la nourriture qui évite des pesticides inutiles (<em>unnecessary</em>) et des additifs alimentaires nocifs</q>, un toxicologue répond que les pesticides sont une part nécessaire de l'agriculture et une diététicienne ajoute que les additifs ne sont pas nocifs pour la plupart des personnes. La première de ces réponses est fausse puisque si l'alimentation de MacPherson, ou le bio en général, n'emploient pas de pesticides (sous-entendu "de synthèse") c'est bien parce que ceux-ci ne sont pas nécessaires (dans le sens de "qui ne peut pas ne pas être"). A moins de comprendre que dans le cadrage (implicite) de cet expert, l'agriculture se réduit à l'agriculture productiviste et ne s'envisage pas autrement. Quant à la seconde réponse, elle généralise en parlant de <q>la plupart des personnes</q>, ce qui est bien la position épistémologique de la science, mais ne répond pas aux préoccupations d'un individu en particulier, à savoir Elle MacPhersen.</p>
<p>Autre exemple : à l'actrice <strong>Joanna Lumley</strong> qui considère qu'<q>on ne peut continuer à gaver les animaux de produits chimiques et d'hormones de croissance</q>, en mentionnant notamment l'explosion des cas de cancer, un docteur répond : 1) que le cancer n'explose pas, 2) qu'il est plus fréquent parce que les gens vivent plus vieux, 3) qu'il faut se baser sur les faits et non sur des peurs, 4) qu'il n'y a pas de preuve absolue que des additifs alimentaires causent le cancer et 5) que nous savons en revanche que la moitié des cancers sont dus au mode de vie (obésité etc.). Bref, il pinaille entre la réponse 1) et 2), en 4) il répond additifs alimentaires là où Lumley parle d'hormones de croissance (alors qu'évidemment le problème n'est pas le même, souvenons-nous qu'en Europe la viande aux hormones américaine a été très controversée, y compris par les experts) et il se dédouane un peu trop facilement sur le mode de vie en 5) alors que des indices croissants laissent penser qu'il y a un lien avec des activités comme l'<a href="http://www.mdrgf.org/pdf/NYAS_1076_765_777%20final.pdf" hreflang="en">agriculture</a>.</p>
<p>Attitude hautaine (les scientifiques interrogés sont à tu et à toi avec les stars citées et prennent un malin plaisir à les détromper), citations sorties de leur contexte etc., voilà un travail qui (à mon avis) ne fait pas vraiment honneur à la science ! Pas forcément par mauvaise volonté de la part des auteurs mais par la nature même du discours scientifique, qui ne peut s'empêcher d'être moralisant -- et qui est limité par ses propres présupposés : généralisation, réductionnisme etc. Surtout, en agissant ainsi et en se concentrant sur les faits, on rate la dimension cognitive et sociologique de ces discours profanes, et on retombe dans le malheureux travers du <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/11/10/53-de-la-co-construction-des-savoirs">modèle de l'instruction publique</a>...</p>
Deux expériences de culture scientifique
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2007-01-02T15:48:22+00:00
2007-01-02T20:27:45+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
culture scientifique
<p>Comme François parle de plus en plus de musique dans ses <a href="http://phnk.com/blog/categorie/petites-choses/">Petites choses du mardi</a>, à mon tour d'évoquer le groupe Strup X, <a href="http://www.volubilis.net/festivals/trans_2004/samedi/strup_x_01.php">vu aux Transmusicales de Rennes 2004</a>. Et notamment son clip "A robot is missing" : de la bonne musique électronique et un univers à la Ed Wood, pas sérieux pour un sou...</p>
<p style="text-align:center;"><object width="425" height="350"><param name="movie" value="http://www.youtube.com/v/_FugOHMBxrI"></param><param name="wmode" value="transparent"></param><embed src="http://www.youtube.com/v/_FugOHMBxrI" type="application/x-shockwave-flash" wmode="transparent" width="425" height="350"></embed></object></p>
<p>Mais pourquoi en parler sur ce blog ? Parce que le clip est tourné dans le <a href="http://www.palms.univ-rennes1.fr/ASTROEXP/">laboratoire d'astrochimie expérimentale</a> de l'Université Rennes-I. Et que c'est une élégante manière de détourner la science à des fins artistiques, de montrer les laboratoires sous un autre jour, de mettre la science en scène, bref de créer une culture scientifique. Comme le fait le <a href="http://www.mabiodiv.cnrs.fr/Rubriques/Annuaire/Equip3PMF.htm#Blanc">botaniste Patrick Blanc</a> avec ses <a href="http://bourianeverte.blogspot.com/2006/12/atypiques.html">murs végétaux</a> ou l'<a href="http://www.edf.com/72384i/Accueil-fr/Fondation-EDF/Agenda/illustrations/illustration-agenda-Patrick-Blanc.html">exposition "Folies végétales"</a> à l'Espace EDF-Electra (Paris), que je vous encourage fortement à aller visiter !</p>
<p style="text-align:center;"><a href="http://www.flickr.com/photos/enro/331889512/" title=" En robe d'hiver..."><img src="http://farm1.static.flickr.com/139/331889512_d493d2be93_m.jpg" alt=" En robe d'hiver..." style="border: solid 1px #999; padding:6px;"></a></p>
<p>Les objets scientifiques, mais aussi ses méthodes et ses outils sont, dans nos deux exemples, déplacés vers d'autres univers pour devenir à la fois plus accessibles et autrement intéressants. C'est un des aspects de la "culture scientifique" décidément riche de nombreuses facettes. Et ici, le soi-disant dialogue "art et science" sort des sentiers battus : au lieu de proposer d'étudier l'art par le spectre de la science (les exemples, essentiellement peu intéressants pour nous, abondent), c'est l'art qui s'approprie la science. Peut-être plus intéressant encore que <a href="http://happybene.blogspot.com/2005/03/arts-et-science.html">la science qui se fait art</a> mais reste toujours science
Un nouvel éléphant blanc, l'Institut des hautes études pour la science et la technologie ?
urn:md5:52596309831f6e88412f0fc153a73914
2006-12-26T22:41:31+00:00
2006-12-26T22:47:43+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
culture scientifiquerelations science-société
<p>Le président Chirac l'avait promis le 25 septembre dernier, il vient de tenir parole (si si !) :</p>
<blockquote><p>Pour permettre une meilleure diffusion, dans la société, de la culture scientifique et technique, j'ai demandé au gouvernement de créer, avant la fin de l'année un Institut des hautes études pour la science et la technologie (IHEST).</p></blockquote>
<p>L'IHEST, inscrit dans le Pacte pour la recherche<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2006/12/26/93-un-nouvel-elephant-blanc-l-institut-des-hautes-etudes-pour-la-science-et-la-technologie#pnote-93-1" id="rev-pnote-93-1">1</a>]</sup>, existe donc depuis le mois dernier. Concrètement, son fonctionnement est assez flou, malgré le <a href="http://www.recherche.gouv.fr/ihest/">site Internet dédié</a>. Il semblerait que l'institut organisera un cycle annuel de formation, destiné à une cinquantaine de membres de la société civile... <a href="http://www.recherche.gouv.fr/ihest/selection.htm">choisis</a> sur leur CV et lettre de motivation, après contribution de 3000 € (qui peuvent être pris en charge par l'employeur au titre de la formation continue).</p>
<p>La forme est originale, a le mérite de considérer la culture scientifique dans un sens assez large et fera probablement quelques heureux. Mais si c'est avec cette initiative isolée et centralisée que l'on espère promouvoir "une culture de la recherche et de l’innovation dans la société", je reste perplexe. Pourquoi ne pas s'être appuyé sur les nombreux Centres culturels scientifiques, techniques et industriels (CCSTI) <a href="http://www.ccsti.fr/index.php?option=com_content&task=view&id=79&Itemid=139">qui parsèment notre territoire</a> depuis une dizaine d'années maintenant, et ont acquis depuis une certaine expérience ?...</p>
<p>Bref, éléphant blanc peut-être, mais il ne faut pas cracher dessus non plus. En fervent partisan de la "mise en culture" de la science<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2006/12/26/93-un-nouvel-elephant-blanc-l-institut-des-hautes-etudes-pour-la-science-et-la-technologie#pnote-93-2" id="rev-pnote-93-2">2</a>]</sup> chère à Jean-Marc Lévy-Leblond, je ne refuse aucun dispositif nouveau et croit en la diversité des initiatives. Pourtant, nous avertit Lévy-Leblond, il faut pour cela aller "à l'encontre d'une politique technocratique ou paternaliste". C'est pas gagné...</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2006/12/26/93-un-nouvel-elephant-blanc-l-institut-des-hautes-etudes-pour-la-science-et-la-technologie#rev-pnote-93-1" id="pnote-93-1">1</a>] D'après le Pacte pour la recherche adopté en novembre 2005, "l'IHEST assurera une mission de formation et contribuera à la diffusion de la culture scientifique dans la société (pouvoirs publics, entreprises, associations, syndicats, chercheurs, enseignants, journalistes) et à l'animation du débat autour de la science et de ses progrès".</p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2006/12/26/93-un-nouvel-elephant-blanc-l-institut-des-hautes-etudes-pour-la-science-et-la-technologie#rev-pnote-93-2" id="pnote-93-2">2</a>] Pour "mettre en culture la science et la technique", "il ne s'agit pas seulement de partager le savoir, mais de le changer. Multiplier les échanges des milieux scientifiques techniques avec le corps social doit modifier, et la science et la société. On ne peut mettre la science en culture sans la mettre en question." ("Pour des centres culturels scientifiques et techniques" <em>in L'Esprit de sel</em>, Points Seuil, 1984) (<a href="http://www.enroweb.com/wiki/wakka.php?wakka=CommunicationVulgarisationSciences#titelanker7">voir l'extrait complet</a> sur mon wiki)</p></div>
Blaise Pascal et la diffusion des sciences
urn:md5:df7880b0f6013598802f75d7a44decea
2006-12-15T20:27:36+00:00
2006-12-15T20:44:08+00:00
Antoine Blanchard
Vulgarisation
vulgarisationépistémologie
<p>A voir, la <a href="http://www.ens-lyon.fr/asso/groupe-seminaires/seminaires/voirsem.php?id=gwormser">conférence-débat de Gérard Wormser</a> à l'ENS Lyon, intitulée "Science et société (la société a ses raisons que la raison ignore)". Le fondateur du site <a href="http://www.sens-public.org">sens-public.org</a> y développe une approche très philosophique, dont je retiens l'argument basé sur la citation suivante de Blaise Pascal (tirée de <em>De l'esprit géométrique</em>), donnée en introduction :</p>
<blockquote><p>On peut avoir trois principaux objets dans l'étude de la vérité. L'un, de la découvrir quand on la cherche. L'autre, de la démontrer quand on la possède. Le dernier, de la discerner d'avec le faux quand on l'examine. Je ne parle point du premier, je traite particulièrement du second car il enferme le troisième. (...) Il faut auparavant que je donne l'idée d'une méthode encore plus éminente et plus accomplie mais où les hommes ne seraient jamais arrivés, car ce qui passe la géométrie nous surpasse et néanmoins il est nécessaire d'en dire quelque chose quoi qu'il soit impossible de la pratiquer. Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s'il était possible d'y arriver, consisterait en deux choses principales : l'une, à n'employer aucun terme dont on n'eût auparavant expliqué nettement le sens ; l'autre, de n'avancer jamais aucune proposition qu'on ne démontra par des vérités déjà connues. C'est-à -dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions. (...) Certainement, cette méthode serait belle mais elle est absolument impossible, car il est évident que les premiers termes qu'on voudrait définir en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions que l'on voudrait prouver en supposeraient d'autres qui les précéderaient, et ainsi il est clair qu'on n'arriverait jamais aux premières. (...) <strong>D'où il paraît que les hommes sont dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit soit dans un ordre absolument accompli.</strong></p></blockquote>
<p>La science ne peut parvenir à cette situation idéale où elle pourrait démontrer l'ensemble des thèses lui permettant d'accéder à la vérité, en particulier à cause des limitations du langage... Il est donc difficile de passer des intuitions de la connaissance aux démonstrations, sachant qu'une partie des hypothèses de nos démonstrations ne sont fondées que sur des convictions, suffisamment partagées pour paraître valides mais non démontrées. On est loin ici des relations science/société, mais Wormser conclut ainsi sa conférence :</p>
<blockquote><p>La conséquence de la phrase de Pascal que je citais en commençant est que seule une communauté scientifique produit la validation des hypothèses qui nous permettent, à défaut de connaissance sur les fondements même du savoir, de disposer d'hypothèses partagées. A l'autre bout, seul un dialogue permanent de la science et des scientifiques avec les composantes moins scientifiques des sociétés dans lesquelles nous nous trouvons peut permettre de rétablir la confiance là où elle aurait été entamée. Sur ce point, je pense qu'il faut avoir une très grande confiance dans la capacité de l'esprit humain, puisque les mêmes qualités qui ont permis à l'esprit humain de développer toute la science et toute la technologie dont nous bénéficions et dont nous sommes les acteurs, ces mêmes qualités peuvent venir à l'œuvre dans le dialogue avec les scientifiques, <strong>dès lors que ce dialogue n'est pas fondé sur l'idée qu'il n'y a pas de partage possible, qu'il n'y a pas de consentement possible ou qu'il n'y a pas d'objection possible à ce que chacun, dans notre laboratoire, aurions développé de manière solitaire.</strong></p></blockquote>
<p>P.S. : En réponse à une question du public, Wormser constate que nous sommes aujourd'hui actifs face à l'information (en particulier scientifique) diffusée par les médias, et capables d'exercer un contrôle. J'y vois moi une apologie des blogs et de l'interactivité qu'ils permettent ;-)</p>
<p>P.P.S. : Il y a toujours dans ce genre de débats un moment où la discussion s'échauffe. Ici, c'est à partir de 1h24'50''...</p>