La science, la cité - Mot-clé - politique
"La science, la cité" par Enro, alias Antoine Blanchard
2022-01-02T10:30:39+01:00
Antoine Blanchard
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Dotclear
Faut-il encore interroger les candidat.e.s sur leur politique scientifique ?
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2017-02-20T22:24:00+01:00
2017-02-20T22:28:23+01:00
Antoine Blanchard
Général
politique
<p><em>Cette tribune a été </em><a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2017/02/20/antoine-blanchard-l-exercice-du-questionnaire-aux-politiques-est-inutile-et-depasse_5082443_1650684.html"><em>publiée par</em> Le Monde</a> <em>sous le titre « L’exercice du questionnaire aux politiques est inutile et dépassé »</em></p>
<p class="c5"><span>En 2011 j’étais l’un des fondateurs de l’</span><span class="c2"><a class="c3" href="https://www.google.com/url?q=http://www.votonspourlascience.fr/">initiative “Votons pour la science”</a></span><span class="c0"> qui visait à interpeller les candidat.e.s à la présidentielle française sur une série de questions, afin de comprendre comment ils/elles appréhendaient les questions scientifiques et se positionnaient sur les thématiques suivantes : énergie, éducation, régulation des technologies et organisation de l’expertise, innovation. Portée par des passionnés qui font vivre depuis plus de 10 ans le débat scientifique à travers blogs, sites web, chaînes Youtube et comptes Twitter, “Votons pour la science” succédait à des mobilisations de blogueurs de science initiées aux États-Unis (élection présidentielle de 2008) puis au Canada (élection fédérale de mai 2011). L’exercice a fait florès : l’élection présidentielle de 2013 au Chili, l’élection du président du conseil de 2013 en Italie, l’élection présidentielle de 2016 aux États-Unis… ont toutes eu leur questionnaire de politique scientifique.</span></p>
<p class="c5"><span>Pourtant, nous avons choisi de ne pas renouveler l’initiative pour les élections présidentielles de 2017. Non pas que l’exercice n’intéresse plus : les journalistes scientifiques </span><span class="c2"><a class="c3" href="https://www.ajspi.com/fr/actualites/questionnaire-a-l-intention-des-candidats-a-la-presidentielle-2017">réunis au sein de l’AJSPI</a></span><span> d’une part, et les prestigieux scientifiques signataires de </span><span class="c2"><a class="c3" href="http://science-et-technologie.ens.fr/">Science-et-technologie.ens.fr</a></span><span class="c0"> d’autre part, ont d’ores et déjà publié leur questionnaire en ligne. Mais nous arguons qu’il est inutile et dépassé. Certes, huit candidat.e.s, plus deux candidat.e.s à la primaire socialiste, nous avaient répondu : de quoi comparer largement leurs programmes ! Nous apprenions ainsi que Jacques Cheminade est fasciné par les nouvelles sources d’énergie (anti-matière, supraconductivité, stockage par chaleur sensible ou chaleur latente…) ; que Marine Le Pen s’entoure d’experts ayant “une réelle pratique de la science et [ayant], pour certains d’entre eux, poursuivi une carrière scientifique de premier plan” afin “de bien comprendre les grands enjeux associés à certaines problématiques scientifiques” ; qu’Eva Joly veut “faire des universités un lieu de formation majeur des cadres du pays” ; que Jean-Luc Mélenchon souhaite “inscrire dans la Constitution le droit des citoyens à intervenir dans le développement de la recherche”. C’était éclairant…</span></p>
<p class="c5"><span>À peine François Hollande élu, il multiplia les signes de bonne volonté en déposant une gerbe en hommage à Marie Curie et en saluant les chercheurs amassés à l’Institut Curie. Jusqu’au choc de mi-mandat : le 17 octobre 2014, Sciences en marche mobilisait massivement la communauté scientifique contre la crise profonde traversée par le secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche. </span><span class="c2"><a class="c3" href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2017/02/20/q=https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/191014/francois-hollande-soutient-sciences-en-marche">Dans son discours à la tribune</a></span><span>, le chercheur Pascal Maillard mettait le président Hollande face à ses engagements de campagne présentés sur notre site : redéployer une partie du Crédit impôt recherche pour les organismes et les Universités, revenir sur les financements de projets à court terme qui n’incitent pas à la prise de risque et qui enferment la recherche dans le conformisme, reconnaître le doctorat dans les grands corps d’État. En pratique, ce programme fut préparé par le député Jean-Yves Le Déaut, qui couvrait </span><span class="c6">avec Geneviève Fioraso les sujets liés à l’innovation et à la recherche ; une fois élu, Hollande nomma Fioraso au Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et s’entoura de conseillers à l’Elysée d’où Le Déaut était absent. Quel poids ces “promesses” peuvent-elles donc avoir quand la parole politique est de plus en plus discréditée et les contraintes du pouvoir (notamment budgétaires) de plus en plus fortes ? N’engagent-elles que celles et ceux qui y croient ?</span></p>
<p class="c5"><span>En 2012, nous avons vu les équipes de campagne remplir des questionnaires à tout va, émanant de groupes d’intérêt divers et variés où les scientifiques ne semblaient pas avoir plus de poids que les chasseurs ou le secteur des services à la personne… alors que les valeurs scientifiques sont menacées de toute part. La guerre culturelle dans laquelle nous sommes entrés pour faire face à la désinformation, à la post-vérité, aux biais cognitifs (écho de croyance, raisonnement motivé…) – auxquels n’échappent aucun bord politique – nécessite autre chose qu’un petit clientélisme s’attachant à quelques points de programme. Quand tout un système de valeurs fondamentales est mis en cause, la vigilance de tous les instants, la dénonciation, l’éducation… s’imposent à nous. Selon le politologue Brendan Nyhan </span><span class="c2"><a class="c3" href="http://internetactu.blog.lemonde.fr/2016/12/10/fake-news-peut-on-repondre-a-la-desinformation/">cité par Hubert Guillaud</a></span><span>, nous n’avons pas connu d’âge d’or démocratique : les faits n’ont jamais dominé l’opinion publique, les médias ou le discours politique. Voilà sur quoi il faut se battre, à l’instar de </span><span class="c2"><a class="c3" href="https://www.nytimes.com/2017/02/06/science/donald-trump-scientists-politics.html">ces scientifiques américains qui s’engagent en politique depuis la victoire de Trump et se présentent aux élections sénatoriales de 2018</a></span><span> </span><span class="c0">— sans que des questionnaires nous soient d’aucun secours.</span></p>
Lecture printanière : "La science pour qui ?" sous la direction de Janine Guespin-Michel et Annick Jacq
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2014-05-01T23:19:00+02:00
2014-05-02T14:01:49+02:00
Antoine Blanchard
Général
démocratie scientifiqueinnovationlivreorganisation de la recherchepolitique
<p>Coordonné par deux chercheuses en biologie et microbiologie mais co-écrit avec cinq autres, ce petit livre paru fin 2013 s’inscrit dans la <a href="http://croquant.atheles.org/enjeuxetdebatsespacesmarx">collection “Enjeux et débats”</a> de l’<a href="http://www.espaces-marx.net/">association Espaces Marx</a> et des Éditions du Croquant. Il synthétise des années de débat et d’analyse au sein d’Espaces Marx (en lien avec d’autres mobilisations) <q>visant à replacer les difficultés de la recherche publique à la fois dans le cadre d’un capitalisme financiarisé en mal d’innovation et dans celui du déficit démocratique marquant les relations entre la science et la société</q> (p. 13). On sent les auteurs passionnés par ces questions, convoquant tour à tour des travaux académiques de philosophie des sciences ou des ouvrages plus « grand public », le programme de certains partis politiques ou les conclusions d’un Conseil européen récent.</p>
<p>Les auteurs structurent leur ouvrage de façon thématique, avec quatre parties encadrées d’une introduction et d’une conclusion. Je vais essayer ici de rendre compte plutôt de la progression logique de leur argumentation.</p>
<p style="center;" class="center;"><img src="http://www.enroweb.com/blogsciences/images/9782365120357FS.gif" alt="9782365120357FS.gif" title="9782365120357FS.gif, mai 2014" style="margin: 0 auto; display: block;" /></p>
<p>La première partie du livre s’attache à un état des lieux de la recherche française et occidentale. Revenant au tiraillement historique des sciences entre une autonomie nécessaire et une dépendance à l’égard des financeurs et des attentes de la société, ils traitent d’abord de cette question délicate de l’autonomie : <q>la revendication du retour à l’autonomie imprègne une partie de la communauté scientifique</q> (p. 20). Elle trouve des relais dans les mouvements de chercheurs comme “Sauvons la recherche”, qui s’opposent aux <q>normes externes de rentabilité et d’efficacité imposées par le “nouveau management public”</q> (p. 22). Mais comment faire abstraction de l’intrication très forte entre sciences et technique (à visée économique) ?</p>
<p>Les auteurs nous amènent alors à étudier les rapports entre sciences et technique. La technique, écrivent-ils, est consubstantielle à l’humanité en ce qu’elle est partout présente dans nos actes quotidiens, tout ce qu’on sait faire, ce qu’ont transfère à des outils, et le rapport qu’on établit avec eux (p. 23) — au-delà même des activités de production. Vers 1820, les grandes écoles d’ingénieurs <q>ont développé le concept des sciences appliquées pour désigner les techniques mises en œuvre dans l’industrie naissante</q> (p. 25). C’est là qu’est née l’idée de techniques de productions rationnelles — comme directement issues des sciences —, devenue <q>un des thèmes centraux du libéralisme puis de l’esprit républicain</q>. Aujourd’hui, le terme de « technologie », plus noble, a remplacé chez les élites celui de « technique », d’où sont exclues les sciences humaines et sociales. Et dans la guerre économique mondiale, la technologie est devenue la base de la compétitivité avec le mot-clé « innovation ».</p>
<p>Les auteurs s’attaquent alors à cette notion d’innovation, qui apparaît au sein du vocable « recherche et innovation » comme l’alpha et oméga des relations entre science et société. L’occasion de rappeler la stratégie de Lisbonne lancée en 2000 par le Conseil européen, pour faire de l’Europe la première « économie de la connaissance » du monde. De fait, l’innovation se retrouve placée au cœur de l’économie, et la recherche devient un maillon essentiel de la prospérité économique. Toute la recherche publique s’oriente alors dans le but de produire des innovations, la recherche fondamentale étant même réduite à des champs disciplinaires susceptibles de produire de l’innovation à très court terme, et la R&D privée reportée sur le public avec des dispositifs comme le Crédit d’impôt recherche (CIR). L’imprévisibilité et le hasard heureux (sérendipité), qui seuls peuvent déboucher sur du vraiment neuf, n’existent plus. Le champ libre est laissé à une économie de la promesse, basée sur la promesse de bienfaits sans précédent pour l’humanité, tellement spéculative qu’elle <q>contribue à générer des bulles technologiques qui finissent forcément par éclater</q> (p. 34). Alors qu’une innovation doit rencontrer un imaginaire social pour trouver son marché, les politiques d’innovation actuelles échouent à la fois à engager le consommateur pour définir des valeurs d’usage définies collectivement, et à trouver dans le citoyen un soutien acceptant les risques engendrés par les innovations.</p>
<p>C’est alors que les auteurs abordent la question des publics de la science (au sens de John Dewey) : comment peuvent-ils <q>investir les questions posées par la science et ses effets qui les concernent ?</q> (p. 50). Sur le plan de l’éducation, la culture technique reste une « culture du pauvre » distinguant les filières professionnelles et techniques des filières générales, alors même que toute culture générale devrait inclure une réflexion sur la technique. Les actions de culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) vont dans ce sens mais elles restent <q>notoirement insuffisantes</q> (en quantité ou en qualité, les auteurs ne le précisent pas). Sur le plan de l’intervention citoyenne, le débat sur les choix scientifiques et techniques reste confisqué ou exclut les profanes, laissant dans la course les seules <q>associations dont les membres, professionnellement ou socialement, sont très proches des producteurs de science et de technologies</q> (p. 54). L’expert est valorisé voire sacralisé, quand bien même la spécialisation des formations scientifique et la césure entre sciences de la nature et sciences humaines <q>revient à faire des scientifiques des êtres quasiment incultes dans tous les domaines dont ils ne sont pas spécialistes, des ingénieurs formatés, (…) ou des décideurs sans formation scientifique</q> (p. 55).</p>
<p>Après cet état des lieux de la recherche scientifique, les auteurs reviennent sur les mobilisations et les luttes des quinze dernières années. Qui se souvient que l’European Research Council, destiné à soutenir la recherche fondamentale, fut un cadeau de l’Union européenne aux chercheurs en colère (p. 40) ? Que l’Unesco publia en 1998 une <a href="http://www.unesco.org/education/educprog/wche/declaration_fre.htm">Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle</a>, si humaniste et opposée à l’éthique néo-libérale (p. 106) ? Que le syndicat de l’enseignement supérieur SNESUP a participé en 1998 à la création de l’association Attac, puis en 2000-2011au lancement du Forum social mondial (avec le syndicat de la recherche SNCS) ? Les luttes décrites par les auteurs, dont les mouvements Sauvons la recherche (2004) et Sauvons l’université (2009), sont mues <q>par l’idée que la recherche est un bien commun universel, qui ne peut être défendu que dans le cadre d’un service publics</q> (p. 61). Malheureusement, elles n’ont pas toujours été couronnées de succès : les recommandations des états généraux de la recherche conclus à Grenoble en octobre 2004 ont été perverties <q>par les équipes ministérielles successives en charge de la recherche (…) au bénéfice de la stratégie de Lisbonne</q> (p. 64) et si les mesures portant atteinte à l’indépendance statutaire des enseignants-chercheurs ont été retirées, aucun des autres aspects de la loi Pécresse n’a été modifié. Quant aux <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid60952/assises-de-l-enseignement-superieur-et-de-la-recherche-concertation-transparence-et-confiance.html">Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche</a> organisées à l’automne 2012, des promesses ont été faites à la communauté scientifique dont <q>il ne reste à peu près rien</q> (p. 65).</p>
<p>Enfin, les auteurs énoncent un ensemble de propositions qui sont autant de pistes pour redéfinir l’entreprise scientifique. Admettant avec humilité que leur réflexion les a <q>conduits à faire face à de nombreuses contradictions, tensions, difficultés</q> (p. 16), et à défaut de pouvoir en donner des résolutions définitives, ils proposent des leviers pour avancer, dans un esprit de pluralisme et de diversité. Ainsi, ils recommandent d’abord de recontextualiser la recherche, les chercheurs se devant d’être impartiaux mais pas d’être neutres : à eux de tenir compte <q>de tout le contexte d’actions, de valeurs, de représentations, d’expériences</q> (p. 86) dans lesquels s’insère le phénomène qu’ils étudient — une <a href="http://www.espaces-marx.net/IMG/pdf/Lechopier_Sciences_Valeurs_Lacey_version_pre-publication.pdf">notion empruntée au philosophe Hugh Lacey</a>, mais aussi à la <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2011/03/02/450-vers-une-science-feministe">philosophie féministe des sciences</a>. Ils décrivent également la recherche participative, tout en pointant ses limites. Ils proposent de redonner du sens à la notion de science comme bien commun (l’une des co-auteurs du livre, <a href="http://www.cersa.cnrs.fr/spip.php?article58">Danièle Bourcier</a>, est responsable scientifique des <a href="http://creativecommons.fr/">licences Creative Commons</a> pour la France). Ils défendent l’importance d’un débat citoyen pour définir les priorités de recherche (et pas seulement trancher les choix techniques), qu’ils ne veulent pas confier aux seuls scientifiques. Ils invitent les travailleurs scientifiques et les citoyens à se rencontrer pour inventer une démocratie scientifique, et convoquent les militants des mouvements sociaux et des partis de gauche pour qu’ils s’emparent des questions scientifiques au lieu de les déléguer aux seuls scientifiques — et, ce faisant, <q>aux détenteurs du capital</q> (p. 103).</p>
<p>Le cri central de l’ouvrage est un appel à la vigilance citoyenne pour résister <q>contre les risques et les dérives de la technoscience, et pour le développement de recherches “libres”</q> (p. 49). Mais tout en se revendiquant de gauche, les auteurs n’hésitent pas à égratigner le gouvernement actuel et sa ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, quand elle soutient l’<a href="http://www.yvelines.fr/economie-et-emploi/economie/grands-projets-strategiques/les-operations-dinteret-national/oin-paris-saclay/">Opération d’intérêt national (OIN) du plateau de Saclay</a> lancée par la droite ou qu’elle poursuit avec la loi Fioraso la même vision du rôle de la recherche que dans la loi Pécresse.</p>
<p>Ce travail synthétique donne des armes pour comprendre la politique contemporaine de la recherche. Bien qu’émaillé d’exemples concrets, ses formules définitives manquent parfois d’illustrations concrètes. Par exemple, quand les auteurs regrettent <q>la réduction des champs disciplinaires à ceux qui paraissent susceptibles de produire de l’innovation à très court terme</q> (p. 31) : comment expliquer alors que l’Inra s’éloigne de la recherche appliquée à l’agriculture pour aller vers une recherche d’apparence plus fondamentale en génomique, biologie des systèmes etc. ? Ceci s’explique par le mouvement concomitant de mondialisation de la recherche qui nécessité de publier dans des revues à fort facteur d’impact.</p>
<p>Les auteurs concluent leur propos en regrettant que <q>la science [soit] détournée au seul service de la rentabilité d’un capital concentré aux mains d’une oligarchie financière de plus en plus réduite et puissante</q> (p. 121). Ce langage connoté politiquement ne doit pas éloigner le lecteur curieux des transformations actuelles de la recherche, qui trouvera dans cet ouvrage un vade-mecum utile à la réflexion et l’action.</p>
Quels sont les effets de la médiation scientifique en général, et de l'art-science en particulier ?
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2014-03-22T22:56:00+01:00
2014-04-09T22:56:39+02:00
Antoine Blanchard
Général
communication scientifiqueculture scientifiquepolitiquevulgarisation
<p>Pas plus tard que mardi dernier, je discutais avec trois étudiants du <a href="http://www.u-bordeaux3.fr/fr/formations/offre_de_formation/MLMD/SCINFO/msh-21.html">master bordelais de médiation scientifique</a>. Ils s'étonnaient du nombre relativement élevé de formations universitaires (ou écoles de journalisme) en médiation-communication des sciences, pour un domaine qui n'est finalement qu'un microcosme ou presque. Ce fut l'occasion de leur sortir la fameuse hypothèse de Joëlle Le Marec, qui continue de "fonctionner" 5 ans plus tard. Lors d'une <a href="http://www.ens-lyon.fr/asso/groupe-seminaires/seminaires/voirsem.php?id=jlemarec">conférence donnée à l'ENS Lyon</a>, elle proposait l'idée que le développement des actions de culture scientifique avait moins fait pour le développement des filières scientifiques que pour celui… des filières de médiation scientifique. Qu'on pense aussi à tous les scientifiques arrivés jusqu'en licence ou en master et qui bifurquent vers les formations puis les métiers de la communication scientifique (si je me fie aux CV de candidats stagiaires reçus chez Deuxième labo, par exemple). Et on peut sans doute les comprendre vu l'état anémique des carrière scientifiques à l'université française, là où la médiation scientifique a le vent en poupe. Ainsi, la justification de "lutter contre la désaffection des étudiants pour les sciences" par la culture scientifique ne serait qu'un alibi ?</p>
<p>C'est l'une des deux ambiguïtés (pour ne pas dire plus) du discours institutionnel sur la culture scientifique, technique et industriel (CSTI) dont je parle dans une <a href="http://www.deuxieme-labo.fr/article/evaluer-la-csti-note-biblio/">note bibliographique publiée sur le blog de Deuxième labo</a>. La seconde ambiguïté, puisque la question vous brûle les lèvres, concerne la cible véritable de la vulgarisation : Baudoin Jurdant défend depuis longtemps l'hypothèse selon laquelle la CSTI remplirait une fonction d'oralisation de la science profitant avant tout au scientifique qui vulgarise, plutôt qu'au public qu'il est censé informer. En effet, combien de fois avons-nous entendu <q>je vulgarise pour mieux comprendre ce que je fais</q> ? Voici une autre position à contre-courant de la "pensée unique" sur la CSTI. Et, sans prétendre me mesurer à ces iconoclastes, <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2010/07/07/431-a-quoi-sert-la-vulgarisation">j'avais décrit de mon côté</a> l'idée d'une vulgarisation visant simplement à engager la conversation et créer du lien social, autour des sujets rassembleurs, étonnants… que sont les sujets scientifiques. Une hypothèse, écrivais-je, qui <q>joue beaucoup moins sur les cordes sensibles des financeurs et institutionnels de la recherche…</q>.</p>
<p>D'où l'intérêt, finalement, de mieux comprendre les effets des actions et politiques publiques de CSTI, pour passer des objectifs imaginés aux accomplissements réels. C'est l'objet de cette <a href="http://www.deuxieme-labo.fr/article/evaluer-la-csti-note-biblio/">petite note bibliographique</a>. J'y défends le principe d'une évaluation sérieuse de la CSTI, qui est étonnamment très très rare. En insistant sur <a href="http://www.deuxieme-labo.fr/article/evaluer-la-csti-note-biblio/#comment-58959">la nuance introduite par Pascal Lapointe en commentaire</a> : il ne sert à rien de mesurer la "culture scientifique" hors de tout contexte en interrogeant à intervalles réguliers un panel de citoyens sur quelques connaissances scientifiques, comme le fait par exemple l'Eurobaromètre. C'est au mieux inutile (les scores <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/01/03/1-pourquoi">n'ayant pas bougé entre 1992 et 2001</a>, comme sous l'effet d'un fond culturel à grande inertie) et au pire contre-productif (car on s'imagine qu'être cultivé scientifiquement, c'est savoir que la Terre tourne autour du soleil). Par contre, un questionnaire adapté à l'activité de CST auquel le public vient de participer est tout à fait pertinent pour comprendre les effets de cette activité.</p>
<p>Je citerai un très bon exemple tiré de l'ouvrage de 2013 dirigé par Masseran et Chavot, <a href="http://lectures.revues.org/13109">dont j'ai donné un compte-rendu par ailleurs</a> : il s'agit d'une étude de Joanne Clavel sur la réception par le public d'un spectacle de danse à contenu scientifique. Elle part du postulat selon lequel <q>la dimension esthétique et sensible apporte une autre forme de communication</q>, l'art proposant en particulier <q>une quasi absence de contrôle du sens vis-à-vis du destinataire</q>. Ce qui nous emmène dans une <em>terra incognita</em> par rapport aux pratiques classiques de vulgarisation. D'où l'importance de se demander ce que le public fait du spectacle auquel il assiste, et comment il en construit le sens.</p>
<p>Sans entrer dans le détail, Joanne montre que le prospectus "scientifique" qui accompagne le spectacle est finalement très peu lu. Les spectateurs sont surpris par le spectacle de danse qui se déroule dans les allées de la ménagerie du Jardin des plantes et s'arrêtent pour y assister. Une fois leur intérêt enclenché, ils comprennent ce qu'ils voient (plus de 80% des spectateurs ont reconnu une interprétation d'oiseaux), et ressenti des émotions assez fortes (note moyenne de 3,5 sur une échelle allant de -5 à 5). Il s'agit clairement d'une approche alternative à la transmission de connaissances : <q>la médiation par la danse renvoie ici aux dimensions esthétiques et éthiques de la biologie de la conservation et pas uniquement à sa dimension cognitive classique</q>. Mais les résultats de l'évaluation montrent bien que cette approche donne des résultats.</p>
<p>Cette recherche n'est pas anodine. D'une part, elle aide les professionnels de la médiation à comprendre le statut des spectacles art-science : <q>toucher le spectateur par l'enchantement du monde qu'elle propose</q> ? Fournir un marchepied à la vulgarisation classique ? Renvoyer à d'autres dimensions de la science comme l'éthique ? D'autre part, elle concerne aussi les décideurs qui élaborent les politiques de culture scientifique. En effet, la médiation des sciences par l'art ("art-science") a le vent en poupe, et s'institutionnalise de plus en plus. Ainsi, la région Île-de-France précisait dans son <a href="http://www.iledefrance.fr/soutien-promotion-culture-scientifique-citoyenne" hreflang="fr">appel à projets 2014 de soutien à la promotion de la culture scientifique</a> que, pour être éligibles, les actions à dimension artistique <q>auront comme objectifs premiers la culture scientifique et devront également être accompagnés par une médiation scientifique ou une mise en débat</q>. Or si 77 % des spectateurs ne lisent pas le prospectus scientifique, et que le dispositif transmet bien des connaissances transformées en émotion et en expérience, on peut se demander au nom de quoi il faudrait l'enrober de ceci ou cela…</p>
L'évaluation et la gestion du risque climatique, parent pauvre du GIEC
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2010-12-30T22:44:43+00:00
2011-01-02T13:11:42+00:00
Antoine Blanchard
Général
expertise scientifiquepolitiquerisqueréchauffement climatique
<p>Dans le dernier numéro de sa feuille de choux (décembre 2010), la <em>British Science Association</em> <a href="http://www.britishscienceassociation.org/NR/rdonlyres/92B5B66E-98CA-4DD1-86DE-EA04FFFC48DB/0/Opinion.pdf" hreflang="en">consacre un intéressant article</a> au travail du <acronym title="Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat">GIEC</acronym>. Vous vous souvenez qu'en mars dernier, le Secrétaire Général des Nations Unies et le Président du GIEC ont chargé le Conseil Inter-Académique (qui <q>rassemble l’ensemble de l’expertise et de l’expérience d’Académies nationales des sciences de toutes les régions du monde</q>) d'étudier le GIEC et de recommander des <q>façons de renforcer les processus et les procédures qui serviront à la préparation de ses futures évaluations</q>. <a href="http://reviewipcc.interacademycouncil.net/ReportNewsReleaseFrench.html">Dans ce rapport publié en août</a>, il est dit notamment que <q>toute action basée sur des preuves scientifiques implique forcément une estimation du risque et une procédure de gestion du risque</q>. Pourtant, ce point n'est pas plus développé.</p>
<p>Dans son article, donc, <a href="http://www.pewclimate.org/about/staff/gulledge.cfm" hreflang="en">Jay Gulledge</a> (directeur du <em>Science and Impacts Program</em> au <em>Pew Center on Global Climate Change</em>), écologue de formation et spécialiste des échanges gazeux entre le sol et l'atmosphère, regrette que le GIEC ait tant contribué à montrer depuis deux décennies que le climat est en train de changer à cause de l'action de l'homme, tout en laissant les décideurs dépourvus d'outils pratiques pour faire face à l'immense question de politiques publiques qui s'ensuit. Depuis son premier rapport publié en 1990, le GIEC semble considérer que les politiques publiques découleraient naturellement de la résolution des incertitudes scientifiques. S'il y a une "valeur" propre au GIEC et aux climatologues, comme se le demandaient ICE, Benoît Urgelli et Gayané Adourian et <a href="http://www.prismedetete.net/debat-a-lacademie-des-sciences-le-triomphe-de-claude-allegre/">dans une discussion sur le Pris(m)e de tête</a>, c'est probablement celle-là.</p>
<p>Or, pour réduire l'incertitude on doit poser de nouvelles questions, et cela augmente bien souvent l'incertitude ! De plus, <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/02/03/112-les-coulisses-du-giec">la structuration du GIEC en groupes de travail</a> a conduit à séparer les sciences de la nature des sciences sociales, au détriment de l'interdisciplinarité voulue pour une bonne estimation du risque. Ainsi, les économistes ont longtemps estimé les coûts du changement climatique en utilisant les températures moyennes que leurs fournissaient les modèles du climat futur. Or ce sont bien souvent les températures et événements climatiques extrêmes qui détruisent les cultures ou bloquent un pays ! Les moyennes sont peu utiles à l'estimation du risque, et privent les décideurs d'outils pratiques pour gérer le risque et l'adaptation au climat de demain.</p>
<p>Certes, les choses commencent à changer lentement et dans son rapport de 2007, le GIEC reconnaissait que <q>répondre au changement climatique implique un processus itératif de gestion du risque qui inclut à la fois l'adaptation et l'atténuation, et qui prend en compte les dégâts du changement climatique, les <a href="http://mediawikirfrc.cetmef.equipement.gouv.fr/mediawiki/index.php/Cob%C3%A9n%C3%A9fices">cobénéfices</a>, la durabilité, l'équité et les comportements face au risque</q>. Mais en pratique l'interdisciplinarité n'est pas organisée et reste sous-financée. Je signale d'ailleurs aux lecteurs intéressés que <a href="http://www.nss-journal.org/index.php?option=com_toc&url=/articles/nss/abs/2010/03/contents/contents.html">le dernier numéro</a> de la revue <em>Natures Sciences Sociétés</em> est consacré à l'adaptation aux changements climatiques...</p>
Pourquoi Paris 7 recrute un prix Nobel
urn:md5:74d324c9d264b663532255f5853f5ed3
2010-02-03T14:58:46+00:00
2010-02-03T16:26:55+00:00
Antoine Blanchard
Général
organisation de la recherchepolitiquerechercheévaluation de la recherche
<p>La nouvelle est tombée avec quelque fracas : l'université Paris-Diderot vient de recruter comme professeur le cosmologiste George Smoot. Et alors, me direz-vous ? Elle a recruté <a href="http://www.univ-paris-diderot.fr/recrut.php">14 professeurs en 2009</a> et le <a href="http://www.apc.univ-paris7.fr/APC_CS/">laboratoire Astroparticule et cosmologie qui l'accueille</a> compte <a href="http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/le-nobel-georges-smoot-embauché-à-paris7.html">rien de moins que 180 personnes</a>. Non, la grosse nouvelle, c'est que George Smoot a obtenu en 2006, avec John C. Mather, le prix Nobel de physique pour ses travaux sur le fond diffus cosmologique. Et ça, c'est pas n'importe quoi. Après la surprise, voire l'émotion, vient l'étonnement : que diable vient faire George Smoot à Paris ? Lui-même <a href="http://www.univ-paris-diderot.fr/Mediatheque/spip.php?article93">s'explique dans une vidéo</a> qu'il a bien voulu enregistrer pour nous et que l'université a bien voulu sous-titrer. En bref, il est déjà venu à Paris (Collège de France) pendant quelques semaines en 2002 et avait noué de bonnes relations avec les membres du laboratoire APC. Il est revenu en 2008 grâce à une chaire Blaise Pascal et entérine sa collaboration avec Paris 7 par ce recrutement.</p>
<p>Mais ce qui m'intéresse, ce sont les raisons pour lesquelles cette université, en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par la loi sur l'autonomie des universités, a voulu ce recrutement. Quelques hypothèses :</p>
<ul>
<li><a href="http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/le-nobel-georges-smoot-embauché-à-paris7.html">d'après Sylvestre Huet</a>, avec un prix Nobel dans ses rangs, Paris 7 va faire un bond dans le classement de Shangaï : le nombre de prix Nobel dans le corps professoral de l'institution compte en effet pour 20 % de sa note finale, et celle qui patine aujourd'hui <a href="http://www.arwu.org/ARWU2009_2.jsp">entre les 101e et 151 rangs</a> pourrait remonter dans le top 100 mondial. <strong>Sauf que</strong> le classement de Shanghaï crédite l'institution à laquelle le chercheur était affilié au moment où il reçoit son prix, et pas celle(s) qu'il a rejoint ensuite<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2010/02/03/422-pourquoi-paris-7-recrute-un-prix-nobel#pnote-422-1" id="rev-pnote-422-1">1</a>]</sup> !</li>
<li>un prix Nobel va pouvoir mener une recherche d'excellence (selon l'expression consacrée). Les travaux d'Yves Gingras et son équipe québecoise de bibliométrie <a href="http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0004048">ont effectivement montré</a> qu'après 50 ans (Smoot a 65 ans), les chercheurs ont une baisse de productivité et donc diluent moins leurs articles à fort impact, qui restent en nombre à peu près constant — augmentant ainsi la visibilité et l'excellence nette de leur institution ;</li>
<li>en digne prix Nobel, George Smoot possède un excellent réseau constitué de personnes-clés et mène de nombreuses activités qui font vivre ce réseau (comme <a href="http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/le-nobel-georges-smoot-embauché-à-paris7.html">l'écrit S. Huet</a> avec un soupçon d'ironie : <q> il avait un avion pour le Japon et dirige un centre en Corée</q>). Ne doutons pas qu'il saura développer de nombreux partenariats au sein de Paris 7 ;</li>
<li>enfin, comme je l'écrivais dans un <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2008/10/12/322-a-quoi-sert-un-prix-nobel">billet précédent</a>, les prix Nobel ne sont pas que des experts de leur domaine et possèdent souvent une "expertise projetée" qui consiste à appliquer à un domaine l'expertise acquise dans un autre et leur permet de parler à chacun, d'évaluer différentes options, de faire les choix qui se révéleront finalement les plus pertinents — bref, d'être l'huile qui va faire mieux tourner les rouages de la science. Dans le cas du laboratoire APC, cela augure d'une dynamique positive et d'un bon développement pour les années à venir.</li>
</ul>
<p>Cette dernière hypothèse semble la plus fondée puisque le <a href="http://sciences.blogs.liberation.fr/files/smoot_cp_2010.pdf">communiqué de presse de l'université</a> (<a href="http://sciences.blogs.liberation.fr/home/2010/02/le-nobel-georges-smoot-embauché-à-paris7.html">via Sylvestre Huet</a>) explique que G. Smoot <q>ambitionne (…) de créer un centre de cosmologie, comme celui qu’il a su développer à l’Université de Berkeley</q>, lequel <q>permettrait de renforcer la cohérence des laboratoires parisiens</q> en même temps que <q>George Smoot travaillera en interaction avec les différentes équipes de ce laboratoire et orientera ses travaux vers les développements des futures missions spatiales en cosmologie</q>. Finalement, même si les bénéfices seront indirects et longs à venir, je ne pense pas <a href="http://twitter.com/tomroud/status/8586574055">comme Tom Roud</a> que George Smoot prend la place d'un jeune chercheur. Ce qu'il va faire à Paris, sans doute nul autre n'aurait été à même de le faire, et cela bénéficiera en retour à la communauté avec encore plus de postes et de crédits ! Où l'on voit également que les insinuations rapides sur la classement de Shanghaï son mal fondées (ou alors l'université Paris-Diderot a bien mal calculé son coup)…</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2010/02/03/422-pourquoi-paris-7-recrute-un-prix-nobel#rev-pnote-422-1" id="pnote-422-1">1</a>] Comme le précise la <a href="http://www.arwu.org/ARWUMethodology2009.jsp">note méthodologique</a> : <q>Award = the total number of the staff of an institution winning Nobel Prizes in Physics, Chemistry, Medicine and Economics and Fields Medal in Mathematics. Staff is defined as those who work at an institution at the time of winning the prize</q></p></div>
Chronique britannique 1 : les carrières scientifiques
urn:md5:e37e04450f7dc8226eee498511ccc0f9
2009-03-04T17:09:32+00:00
2009-03-04T18:18:03+00:00
Antoine Blanchard
Général
carrièrepolitiqueRoyaume-Uni
<p>Je mentionnais dans ma <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2009/03/02/374-chronique-de-blogs-version-suisse">dernière chronique radio</a> la question des carrières scientifiques alternatives, dont parle abondamment l'ami Pablo <a href="http://www.pabloachard.eu/Blog.html">sur son blog</a>. L'animatrice de la Radio suisse romande, Nancy Ypsylantis, avait réagi en direct à ce sujet un peu inhabituel : <q>Non mais là ça m'intéresse, quelles sont ses propositions, ou en tous cas une de ses propositions qui vous a semblé très originale ?</q>.</p>
<p>En feuilletant le <em>Guardian</em> de la semaine dernière, dans le supplément Travail du week-end, on pouvait voir ce que signifient concrètement ces carrières alternatives dans un pays comme la Grande-Bretagne. Parmi les 22 offres d'emploi des rubriques "Management" / "General" / "Marketing & PR" / "Creative & Media" / "Sales", 5 s'adressaient à un potentiel scientifique. Le Centre technique pour la coopération agricole et rurale basé à Wageningen (Pays-Bas) <a href="http://announcements.cta.int">cherche</a> un chargé de mission marketing et un chargé de mission publication. Les jardins botaniques royaux de Kew, à Londres, cherchent un directeur du développement. Les presses universitaires d'Oxford cherchent un chef de publication senior et un assistant responsable de produit. La société zoologique de Londres recherche un attaché de presse. Enfin, l'Université de Greenwich cherche un chargé des relations publiques assistant. Autant de métiers où la familiarité avec le monde scientifique ou universitaire est essentiel, mais surtout l'aptitude à la communication et sa conciliation avec le contexte socio-économique.</p>
<p>Deux semaines auparavant, je lisais dans le même supplément un lecteur qui s'adressait au journal pour obtenir des conseils d'orientation en "civil engineering". Le spécialiste du <em>Guardian</em> soulignait que l'obtention d'un Master était incontestablement un plus, prouvant une volonté d'aller au fond des choses. Le lecteur français doit déjà se pincer pour être sûr qu'il ne rêve pas. Mais le conseil ne s'arrête pas là et on lit que la thèse de doctorat serait un excellent atout pour la carrière, ne limitant pas forcément aux carrières académiques ! Aaaargh !</p>
<p>Une dernière information pour la route : lors de son <a href="http://www.timesonline.co.uk/tol/news/politics/article5818273.ece">discours à l'Université d'Oxford</a> le 27 février dernier, le Premier ministre Gordon Brown a affirmé son refus d'amputer les dépenses publiques pour la recherche en cette période de crise. En matière d'emploi, il a également annoncé un programme visant à offrir à tout chômeur ayant un bagage scientifique (quelque soit le métier occupé auparavant) une reconversion dans l'enseignement des sciences et mathématiques. La science venant au secours des carrières touchées par la crise, qui l'eût crû ?</p>
L'histoire des sciences, une arme dans la bataille du CNRS
urn:md5:5567e2d7cefd315682d435c0b87d7365
2008-06-11T08:29:51+00:00
2008-06-11T08:38:56+00:00
Antoine Blanchard
Général
CNRShistoirepolitique
<p>En octobre 2007, Bertrand Monthubert, président du mouvement "Sauvons la recherche", <a href="http://listes.univ-rennes1.fr/wws/arc/theuth/2007-10/msg00143.html">lançait cet étrange cri d'alarme</a> sur une liste de diffusion des historiens des sciences :</p>
<blockquote><p>Nous souhaiterions recueillir des textes, de préférence brefs, de personnalités scientifiques ou littéraires de toutes les époques soulignant l'importance de l'autonomie des savants, et en particulier de ne pas les soumettre à une vision de leur activité exclusivement à court terme et finalisée.</p></blockquote>
<p>Vous aurez saisi le contexte : il s'agissait d'appuyer les revendications du mouvement (contre, je cite, les <q>multiples atteintes portées à l'autonomie de l'enseignement et la recherche dont sont porteuses la réforme des universités (LRU) et celle du CNRS</q>) par les sages paroles de doctes personnalités historiques. En effet, outre le terrain habituel de l'argumentation logique, les appels à l'argument d'autorité font toujours leur petit effet dans un débat !</p>
<p>Sur le moment, j'ai surtout perçu l'ironie de cet appel (on refuse la vision à court terme et finalisée de la recherche mais on ne se prive pas de réutiliser quelques citations hors contexte conformes à une unique lecture, à court terme et finalisée). Puis récemment, je suis tombé sur un <a href="http://www.cnrs.fr/cnrs2020/IMG/pdf/Instituts_nationaux.pdf" hreflang="pdf">texte d'avril 2008</a> signé de Denis Guthleben, du <a href="http://www.cnrs.fr/ComiHistoCNRS/">Comité pour l’histoire du CNRS</a>. Consacré à l'histoire des Instituts nationaux au CNRS, il se réclame d'une remise en perspective, afin d’éclairer le débat que la lettre de mission de Valérie Pécresse à la présidente du CNRS a fait naître au sein de la communauté scientifique. Objectif louable. Mais on ne peut s'empêcher d'y voir une réponse du berger à la bergère…</p>
<p>Car à la lecture, ce texte fait bien passer la pilule de la <a href="http://alasource.aliceblogs.fr/blog/_archives/2008/5/22/3705431.html">division du CNRS en institut disciplinaires</a>. On y apprend par exemple qu'au sein du Comité des douze sages créé en 1958 par le Général de Gaulle, le chimiste <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Charles_Sadron">Charles Sadron</a> proposait déjà de fédérer les grandes disciplines scientifiques présentes au CNRS (on ne parle pas encore de départements, ni de directions scientifiques puisque celles-ci ne voient le jour qu’en 1966) dans une douzaine d’instituts nationaux, devant fonctionner comme des <q>usines de recherche</q> ; jusqu'à ce que le Premier ministre Michel Debré s'exprime contre cette proposition. En 1966, la réforme du système de recherche prévoit la possibilité d'instituts nationaux, soutenue par deux membres du Comité des douze sages qui souhaitent regrouper les moyens de gestion (en particulier la construction des gros instruments) en astronomie et en physique nucléaire ; mieux que le CNRS, de tels instituts devraient permettre une planification des besoins de la discipline avec un affichage clair, <q>afin que les directeurs d’organismes et le gouvernement y comprennent quelque chose</q>. Ainsi, l'INAG (astronomie et géophysique) voit le jour en 1967, et l'IN2P3 suit en 1971, avec un peu de retard dû à la ferme opposition du CEA, portée jusqu’au sein du conseil d’administration du CNRS par le haut-commissaire à l'énergie atomique Francis Perrin. Ces avatars de la <em>big science</em> des années 1960 vont ensuite évoluer, l'INAG élargissant par exemple en 1985 son champ à l'ensemble des sciences de l'Univers en devenant l'INSU. En 1975, alors que le CNRS est incité à investir dans la recherche dans les énergies alternatives, le solaire divise les partisans d'un institut national et les partisans d'un programme interdisciplinaire de recherche (PIR). Les premiers mettent en avant la solidité et la visibilité de la structure, les seconds les avantages de la souplesse. Ils vont l'emporter et le programme interdisciplinaire de recherche pour le développement de l’énergie solaire (PIRDES) ne va pas moins gérer de grands instruments comme le four solaire d’Odeillo. Formule qui sera largement exploitée ensuite, au dépens de celle des instituts nationaux : en 1985, le CNRS compte huit PIR, tandis qu’aucun autre institut national n’a vu le jour. Cette année là , justement, le ministre de la Recherche et de la technologie <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Hubert_Curien">Hubert Curien</a> fait un discours sur la <q>restructuration</q> du CNRS et affiche sa volonté de passer à <q>un nouveau mode d’organisation du milieu scientifique</q>. Le ministre ne parle pas d’une organisation en instituts mais de réseaux qui y ressemblent beaucoup :
regroupement de laboratoires autour d’une <q>tête de réseau</q>, intégration des grands équipements, gestion plus autonome que celle des départements scientifiques etc. ; le directeur général du CNRS n'est pas contre mais le projet est tué dans l’œuf après les élections législatives de 1986.</p>
<p>Bref, une seule conclusion s'impose après ce survol historique :</p>
<blockquote><p>La feuille de route de février 2008 s’inscrit ainsi dans le fil d’une réflexion engagée il y a exactement 50 ans et qui, depuis lors, a animé régulièrement l’histoire du CNRS.</p></blockquote>
Plaidoyer pour la diversité en science
urn:md5:05c496dbf4a9758bd6c1dd1746a77453
2008-05-03T00:27:45+00:00
2010-03-15T11:08:52+00:00
Antoine Blanchard
Général
organisation de la recherchepeer reviewpolitique
<p>Pour rattraper le <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2008/04/15/269-comment-le-retard-vient-aux-francais">retard omniprésent dans le discours politique sur la science française</a>, une solution est couramment avancée : créer des pôles mondiaux de compétitivité, sélectionner les meilleurs laboratoires et fermer les autres. La science française ne serait-elle pas plus performante avec uniquement des chercheurs qui sortent du lot ?</p>
<p>Le problème de cette rhétorique, c'est qu'elle nie un aspect élémentaire de la recherche scientifique : celle-ci ne se nourrit pas que des meilleurs chercheurs, des prix Nobel. Ce sont les labos moyens qui construisent le terreau sur lequel les meilleurs peuvent pousser et qui forment le chercheur de demain. On peut aussi penser que sont les explorateurs de la science normale d'où émergera la prochaine révolution scientifique (au sens de Kuhn), même si selon <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.mehy.2006.12.006" hreflang="en">certains travaux</a> <q>la différence entre la performance d'un pays dans la science normale et la science révolutionnaire semble suggérer que ces deux systèmes de recherche évoluent vers la séparation. Clairement, la croissance des deux types de science ne va pas toujours de paire.</q></p>
<p>Ecrémer la recherche par le haut, c'est aussi réduire sa diversité. Or comme le notait le paléo-anthropologue Pascal Picq sur France inter <a href="http://www.radiofrance.fr/franceinter/em/ruedesentrepreneurs/index.php?id=66926">samedi dernier</a>, il y a deux façons d'avancer en science :</p>
<ul>
<li>la démarche dite "ingénieur", qui cherche des solutions à des problèmes bien identifiés ;</li>
<li>la démarche fondée sur la diversité, qui explore l'ensemble des voies possibles sans but immédiat.</li>
</ul>
<p>Et les biologistes évolutionnistes savent qu'en cas de modification de notre environnement, ce sont les richesses de la diversité qui permettent la survie de quelques uns. Sans diversité et faculté de s'adapter rapidement, c'est tout le monde qui est menacé. Un <a href="http://ec.europa.eu/research/research-eu/53/article_5311_fr.html">excellent exemple</a> : six semaines après l'identification du virus du SRAS, l'équipe de Rolf Hilgenfeld (Institut de biochimie de l'Université de Lübeck) publia la structure tridimensionnelle d'une protéine indispensable à la réplication du SRAS-CoV, ouvrant ainsi la voie à l'élaboration de médicaments. En pleine flambée pandémique.</p>
<blockquote><p>"Cette histoire illustre le fait que la recherche ne peut être financée uniquement par des grands programmes planifiés par des agences", souligne le chercheur. "Il faut maintenir une recherche de pointe motivée par la seule curiosité." Cette curiosité avait conduit Rolf Hilgenfeld, dès 2000, à se demander pourquoi les coronavirus étaient tenus pour inoffensifs chez l'homme, alors qu'ils peuvent provoquer des maladies très graves chez le porc ou le chat. Il entama alors des recherches sur les mécanismes de réplication de ces virus pathogènes d'animaux, quand la crise du SRAS éclata. Dans l'urgence, il étendit par modélisation informatique les résultats de ses travaux au SRAS-CoV, qui en était très proche. Sa publication dans <em>Science</em> le 13 mai 2003, mondialement commentée, suggérait également d'utiliser une molécule déjà commercialisée, le AG 7088, comme point de départ pour l'obtention d'un médicament.</p></blockquote>
<p>La diversité se traduit aussi à travers l'existence de revues moins "butées" que leurs consoeurs, plus ouvertes aux hypothèses nouvelles et orthodoxes. Dans <a href="http://www2.uah.es/jmc/ai53.pdf" hreflang="en">un des articles</a> que je citais pour mon <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2008/04/23/160-quand-les-articles-sont-rejetes">billet sur le rejet des articles scientifiques</a>, on lit ceci (p. 741) :</p>
<blockquote><p>(…) nous avons besoin de nouveaux canaux de communication pour les théories et opinions alternatives. En économie par exemple, quelques journaux comme l<em>'International Journal of Forecasting</em> publient des articles qui mettent en cause les pratiques et croyances communes. Les scientifiques qui mettent en cause les paradigmes dominants utilisent souvent des revues alternatives qui, assez curieusement, utilisent également le système de revue par les pairs (<em>peer review</em>). Parmi ces revues alternatives figurent le <em>Journal of Scientific Exploration</em>, <em>Medical Hypotheses</em> et le <em>Electronic Journal of Mathematics and Physics</em>.</p></blockquote>
<p><strong>MàJ 15/03/2010</strong> : Une erreur s'est glissée dans ce passage, en fait les articles de la revue <em>Medical Hypotheses</em> <a href="http://dx.doi.org/10.1126/science.327.5971.1316" hreflang="en">ne sont pas revus par les pairs</a>.</p>
<p>La revue <em>Medical Hypotheses</em> citée ici vaut le détour, et le <a href="http://medicalhypotheses.blogspot.com/" hreflang="en">blog de son rédacteur en chef</a> également. Dans un <a href="http://medicalhypotheses.blogspot.com/2008/03/death-can-be-cured.html" hreflang="en">récent billet-éditorial</a>, il expliquait par exemple pourquoi la science a besoin d'une revue comme la sienne :</p>
<blockquote><p>(…) l'absence de publication d'une idée qui aurait pu être vraie fait plus de mal que la publication d'une douzaine d'idées qui se révèlent être fausses. Les idées bizarres ont tendance à attirer l'attention et peuvent stimuler des réponses de valeur ” même quand un article est essentiellement erroné. Un article peut avoir des défauts mais contenir malgré tout les germes d'une idée qui pourra être développée.</p></blockquote>
<p>Pour autant, le comité de rédaction de la revue <a href="http://medicalhypotheses.blogspot.com/2007/07/why-medical-hypotheses-does-not-publish.html" hreflang="en">évite de tomber</a> dans le piège de la pseudo-médecine ou du relativisme à tout crin (<q><em>Medical Hypotheses</em> est ouvert à la publication de théories scientifiques dans le domaine de la bio-médecine, mais les autres types de théories non-scientifiques sont en dehors de son champ</q>) et reste conscient de son particularisme (<q>la science ne fonctionnerait pas efficacement si toutes les revues étaient comme <em>Medical Hypotheses</em> : il y aurait trop de bruit dans le système</q>). Là encore, la diversité est nécessaire dans tous les sens</p>
Les OGM, science contre science
urn:md5:bfa09df4de66d2ec2a9c5d4a26abaef9
2008-01-19T08:00:29+00:00
2008-01-19T08:02:12+00:00
Antoine Blanchard
Politique
expertise scientifiqueOGMpolitique
<p>Un des messages de mon <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/10/27/204-science-et-pas-science-au-grenelle-de-l-environnement">billet sur le Grenelle de l'environnement</a> était que très souvent dans ce type de débats, il n'y a pas d'un côté la science et de l'autre les peurs, l'opinion ou la pseudo-science. Et que la science se retrouvant face à elle-même, c'est la politique qui permet de trancher.</p>
<p><a href="http://www.nytimes.com/2007/12/26/business/worldbusiness/26corn.html" hreflang="en">Un article</a> du <em>New York Times</em> paru le 26 décembre, précisément intitulé "Both sides cite science to address altered corn", ne dit pas autre chose. Avant la <a href="http://bacterioblog.over-blog.com/article-15614972.html">décision française sur le MON810</a>, c'est le Commissaire européen Dimas qui décidait unilatéralement de s'opposer à l'autorisation de mise sur le marché de nouvelles plantes OGM. En se basant sur de nouvelles études montrant que le maïs Bt n'est pas exempt d'incertitudes et de risques à long terme. Car contrairement aux apparence, l'article nous apprendre vite que <q>le Commissaire Dimas a une foi absolue en la science</q>. Ah ! Mais simplement, <q>il y a des fois où des points de vue scientifiques divergents sont sur la table.</q> Alors pourquoi une science si schizophrène ? Parce que le verre peut sembler à moitié vide ou à moitié plein, explique une écologue de l'ETH Zà¼rich. Mais aussi parce que <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/01/07/87-ogm-et-cultures-epistemiques-des-chercheurs">les disciplines et les cultures épistémiques sont comme l'huile et l'eau</a>, elles ne se mélangent pas : une spécialiste des papillons monarques à l'université du Minnesota estime qu'on ne sait pas vraiment s'il y a un effet des OGM sur les écosystèmes et qu'il est difficile d'anticiper l'apparition de problèmes dans le futur. Tandis qu'un biologiste végétal considère qu'on a passé le stade des interrogations et qu'il s'agit aujourd'hui de nourrir la planète…</p>
<p>àa ne vous fait penser à rien ? Si, bien sûr ! Il y a une semaine, le Comité de préfiguration d’une haute autorité sur les organismes génétiquement modifiés soulevait des <q>interrogations quant aux conséquences environnementales, sanitaires et économiques possibles de la culture et de la commercialisation du MON 810</q>. Avec, à l'appui, <a href="http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/avis_dissemination_mon810_09_01_2008_cle1fe248.pdf">27 références scientifiques publiées après 2001</a>. Et <a href="http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article814">que dit</a> l'Association français pour l'information scientifique : <q>l'activation de la clause de sauvegarde n’est pas scientifiquement justifiée</q>… Allez savoir… Et dans ces circonstances, comment l'OMC peut-elle réellement juger si un fait scientifique est réellement nouveau et convaincant ? Quand je vous disais que c'est le politique qui finit par trancher…</p>
De l'autorité du scientifique
urn:md5:b92477e59468996905ffbebc8d0106b7
2007-11-10T08:55:40+00:00
2007-11-12T14:27:16+00:00
Antoine Blanchard
Politique
politiquepouvoirrelations science-société
<p>Récemment, Nicolas Sarkozy saluait Pierre-Gilles de Gennes, selon lequel <q>l'autorité scientifique ne confère pas aux savants une autorité morale, ni une sagesse particulières</q>, pour mieux regretter ensuite que cette autorité <q>se trouve ébranlée au tant (sic) que toutes les autres formes d'autorité par une crise de défiance sans précédent</q>. J'ai déjà dit <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/06/07/175-sur-la-science-le-prsident-sarkozy-fait-le-grand-cart">le mal que je pensais</a> de cette pirouette permettant à notre président de retomber sur les thèmes qui lui sont chers. J'ajoutais même <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/06/07/175-sur-la-science-le-prsident-sarkozy-fait-le-grand-cart#c9251">en commentaire</a> que poser la question de l'autorité du scientifique, pour parler de sa place au sein de la société, était relativement stérile et réducteur !</p>
<p>Le Collège de France ne m'a pas écouté et a organisé les 18 et 19 octobre son <a href="http://www.college-de-france.fr/default/EN/all/act_eve/p1188996196092.htm">colloque de rentrée</a>, intitulé... "De l'autorité" ! Tant mieux, c'est une occasion de revenir sur la question. Parmi les intervenants, Jean Bricmont, connu pour son scientisme forcené, ne dérogeait pas à la règle (<a href="http://www.college-de-france.fr/video/colloque07/Bricmont.mp4">vidéo</a>) : selon lui, la démarche scientifique met radicalement en question l'argument d'autorité, se différenciant ainsi d'institutions comme l'armée, la prêtrise etc. — mais le problème du scientifique est celui de l'arroseur arrosé, le grand public ayant été trop entraîné à douter, surtout face à des communautés privilégiées comme la communauté scientifique. Que faire de cette démarche sceptique du profane ? Il faut l'entretenir, d'autant que le scientifique possède deux atouts dans sa manche qui lui permettent d'être plus facilement cru que l'homme politique ou le philosophe : il accomplit des "miracles" par la technologie (électricité, lumière etc.) et ses théories concordent avec les observations.</p>
<p>Sauf que... Le second point est peu accessible au profane, comme Jean Bricmont le souligne lui-même, et peut largement se discuter à la lumière de l'histoire des sciences<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/11/10/235-de-l-autorite-du-scientifique#pnote-235-1" id="rev-pnote-235-1">1</a>]</sup>. Et le premier point se discute à la lumière de la sociologie des techniques, où il apparaît que ce n'est pas tant la science qui réussit à faire décoller un Boeing mais l'ensemble des réseaux socio-techniques qu'elle mobilise (une compagnie aérienne, un aéroport, un pilote correctement formé, une compagnie pétrolière livrant du kérosène etc.).</p>
<p>Heureusement, Didier Sicard (président du Comité consultatif national d'éthique) va un peu plus loin dans <a href="http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/8366">sa réflexion</a> intitulée "Qu'est-ce que l'autorité scientifique ?". En commençant par une remarque qui pourrait servir de définition : <q>une "autorité" est écoutée avant de parler</q>, il argue que l'autorité scientifique en perte de vitesse s'est transférée vers l'expert, celui qui produit non pas de la connaissance mais <q>rationalise des connaissances à partir de morceaux de connaissance</q>. Je ne saurais juger cette théorie mais il donne quatre facteurs pour expliquer cette perte de vitesse, qui sont autant de critères indispensables à l'autorité scientifique :</p>
<ul>
<li>à l'aune d'une spécialisation croissante, le scientifique peut difficilement réclamer une autorité grandissante : <q>plus la République est petite, plus l'autorité peut devenir ubuesque</q> ;</li>
<li>l'autorité soufre de l'accélération du temps, de l'obsolescence rapide : <q>une autorité sans mémoire est un général sans armée</q> ;</li>
<li><q>l'autorité n'est pas celle d'un vieux gardien de phare, qui prévient de l'existence des récifs, elle est celle d'un Guide dans une zone à risque sur lequel repose la confiance, nourrie du feu des expériences</q>. Elle est beaucoup plus liée à un présent et un devenir qu'à un passé. <q>Le vrai guide n'est pas celui qui a une expérience qui le rend sûr de lui, mais c'est celui qui, dans un univers nouveau, a le plus de capacité à entrecroiser les informations</q>. Voilà pourquoi il ne faut pas sacraliser les gloires passées comme <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/11/01/71-petites-reflexions-sur-l-affaire-allegre-ou-les-conferences-de-citoyens-contre-claude-allegre">Allègre</a> ou <a href="http://bacterioblog.over-blog.com/article-13158277.html">Watson</a>... ;</li>
<li>la science et le chercheur soufrent d'un discrédit, se disqualifiant notamment d'eux-mêmes par leurs certitudes qui se substituent à un questionnement ouvert. Or toute autorité n'existe uniquement parce que l'opinion le veut bien (<a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/Durkheim_emile/formes_vie_religieuse/formes_vie_religieuse.html">Emile Durkheim</a>).<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/11/10/235-de-l-autorite-du-scientifique#pnote-235-2" id="rev-pnote-235-2">2</a>]</sup></li>
</ul>
<p>La question est complexe, et j'avais effectivement tort de la balayer si rapidement !</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/11/10/235-de-l-autorite-du-scientifique#rev-pnote-235-1" id="pnote-235-1">1</a>] Le livre <em>Tout ce que vous devriez savoir sur la science</em>, de Collins et Pinch (Le Seuil, coll. "Points sciences", 2001), regorge d'histoires où les observations ne cadraient pas aussi bien avec la théorie qu'on a pu nous le dire, de Louis Pasteur réfutant la thèse de la génération spontanée à <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur Eddington">Arthur Eddington</a> vérifiant la relativité d'Einstein.</p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/11/10/235-de-l-autorite-du-scientifique#rev-pnote-235-2" id="pnote-235-2">2</a>] Je nuancerai quand même le constat de Sicard puisque selon Joà«lle Le Marec, <q>depuis plus de 20 ans, plus de 70% du public interrogé dans les enquêtes d'opinion régulière estime qu'il est souhaitable que la part de l'Etat consacrée à la recherche augmente. Ce qui change, c'est l'érosion du sentiment que les retombées de la recherche apportent du bien. Les enquêtés distinguent l'activité de recherche scientifique et les retombées de cette activité de recherche sur la société. Ils soutiennent la première mais c'est un désir de contrôle accru des secondes qui est exprimé.</q></p></div>
Science et pas science au Grenelle de l'environnement
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2007-10-27T08:10:53+00:00
2007-10-31T14:39:49+00:00
Antoine Blanchard
Politique
OGMpolitiquepseudo-sciencesociologie des sciences
<p>La science n'est pas connaissance du monde : elle est un discours sur le monde. Parce qu'elle délimite elle-même son champ d'application (les trous noirs mais pas les OVNIs), parce qu'elle propose une méthode presque univalente (essentiellement réductionniste), parce qu'elle se construit sur une dynamique sociale forte (revues, collèges invisibles, académies, universités et instituts de recherche), elle ne peut prétendre à l'exhaustivité.</p>
<p>Du coup, elle va avoir tendance à rejeter tout ce qu'elle n'est pas, afin de maintenir la <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/01/29/99-trouvez-l-auteur-science-et-dmarcation">démarcation</a> qui donne à la science sa légitimité particulière. Ce sont les accusations envers la fausse science, la pseudo-science, la <em>junk science</em> méprisés en regard de la <em>sound science</em>, cette science bien faite, cherchant le consensus des pairs, sans motifs politiques. Le plus drôle, comme toujours, est qu'un camp <a href="http://www.foxnews.com/junkscience/" hreflang="en">traite l'autre</a> de <em>junk science</em> et <a href="http://scienceblogs.com/intersection/2006/01/some_remarks_on_steven_milloy.php" hreflang="en">réciproquement</a> !</p>
<p>Puis il y a tout ce que la science n'a pas encore intégré dans son champ : tous les domaines laissés de côté, toutes les questions jugées superflues. On peut citer par exemple les traitements alternatifs contre le cancer : ils font partie de <a href="http://scienceblogs.com/worldsfair/2007/08/what_is_undone_science_alterna.php" hreflang="en">ce que David Hess a appelé</a> la "science qui n'est pas faite" (<em>undone science</em>). Pour bien montrer que ces sujets sont temporairement exclus de la science mais que celle-ci peut se les approprier, dès qu'il se crée une communauté de recherche ou une source de financements : <q><em>Because the pharmaceutical industry invests only in patentable products rather than public domain interventions, clinical trials research for nutritional and herbal therapies has moved forward at a slow pace.</em></q> On n'est pas loin de l'<a href="http://chezmatthieu.blogspot.com/2007/05/un-traitement-pour-le-cancer.html">histoire racontée par Matthieu</a>, toujours à propos d'un traitement contre le cancer…</p>
<p>Il n'y a donc pas la science d'un côté et la non-science de l'autre mais ce que la science a investit, ce qu'elle pourrait investir dans le futur ou ce qu'elle a décrété ne relevait pas de son ressort. Mais même ce qu'elle a investit n'est pas monolithique. Selon les disciplines, les discours sur le monde divergent et peuvent devenir incompatibles (ou "incommensurables", dirait Thomas Kuhn). J'ai étudié un bel exemple de cette situation : l'<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/04/02/119-quist-chapela-et-le-mas-mexicain">affaire Quist et Chapela</a>. Vous vous souvenez que Quist et Chapela avaient démontré en 2001 la présence au Mexique (région de l'Oaxaca), dans des populations sauvages de maïs, de séquences génétiques provenant de maïs OGM. Ils ont d'abord été critiqués sur le résultat lui-même, puis sur le protocole expérimental, et sur les conclusions que l'on pouvait tirer du résultat en termes écologiques. <a href="http://dx.doi.org/10.1073/pnas.0503356102" hreflang="en">Une étude</a> parue en 2005 dans les prestigieux <em>Proceedings of the National Academy of Sciences</em> mettait fin à la controverse en montrant qu'en 2003 et 2004, pour 153 000 semences testées prélevées dans 125 champs de l'Oaxaca, aucun transgène n'était à signaler. S'ils étaient bien présents en 2001, ils ont donc disparus sous l'effet de la baisse des importations de PGM et de l'éducation des agriculteurs, entraînés à ne plus planter n'importe quelle semence.</p>
<p>Mais voilà : un <a href="http://dx.doi.org/10.1051/ebr:2006006" hreflang="en">article de 2006</a> revenait sur le raisonnement statistique des auteurs et soulignait surtout que la question est plus complexe qu'il n'y paraît puisqu'au-delà de l'analyse, <q>des estimations précises et fiables de la présence de transgènes nécessitent de comprendre la structure et la dynamique des populations locales de maïs traditionnel et la manière dont les agriculteurs les gèrent</q>. C'est donc la manière de poser le problème qui doit être corrigée, pour revenir aux pratiques agricoles locales… Dans ces conditions, alors que Quist et Chapela sont bien positionnés puisqu'ils s'intéressaient depuis longtemps à la biodiversité sous l'angle anthropologique et économique, que deviennent les biologistes moléculaires qui les avaient attaqués le plus durement ? Que deviennent même les biologistes des populations qui ignorent les savoirs locaux ? On voit que la manière de poser le problème peut-être suffisamment différente pour que des communautés scientifiques un tant soit peu éloignées n'arrivent plus à se parler, à se mesurer l'une à l'autre !</p>
<p>Mais alors, comment s'en sortir ? Pas question de chercher à démêler le faux du vrai puisque les discours peuvent être incommensurables ou inexistants dans le cas de la science qui n'est pas faite. Mieux vaut faire comme le <a href="http://www.bruno-latour.fr/presse/presse_art/012.html">propose Bruno Latour</a>, prenant l'exemple de l'affrontement sur les OGM en France :</p>
<blockquote><p>Chaque groupe propose (…) un monde dans lequel les autres sont invités à venir vivre. Or, ces propositions de mondes divergent les unes des autres non seulement dans leurs "aspects sociaux", mais surtout dans leurs "aspects scientifiques". Il n'est pas très étonnant qu'elles suscitent des réactions virulentes de ceux qui se trouvent ainsi mobilisés, surtout si on leur demande de modifier leurs habitudes alimentaires, leur définition du risque, leur lien à la terre, leurs relations avec les firmes agro-alimentaires, la manne des subventions européennes, et ainsi de suite. C'est justement, le rôle de la politique que de faire émerger de ces propositions antagonistes, un monde commun : une définition acceptée de ce qu'est l'agriculture, la recherche, l'alimentation, la génétique, l'Europe de demain.</p></blockquote>
<p class="center"><a href="http://www.flickr.com/photos/cyrilcavalie/1474317494/" title=" "><img src="http://farm2.static.flickr.com/1050/1474317494_42b4c9aa2d_m.jpg" alt=" " style="border: solid 1px #999; padding:6px;"></a> <small>©© Cyril Cavalié</small></p>
<p>A l'heure du Grenelle de l'environnement, il faut donc tâcher de créer un monde commun, en ne demandant pas à la science d'<a href="http://www.le-doc.info/2007/03/14/112-preuve-scientifique-et-decision-politique">apporter des preuves</a> et de simplifier le débat mais de le complexifier pour que les choix soient épais, robustes et qu'ils tiennent compte des humains comme des non-humains.</p>
Alerte pour les lanceurs d'alerte !
urn:md5:73efdb0a119b3cfb4d921edaa4aac609
2007-10-19T06:56:54+00:00
2007-10-26T20:57:08+00:00
Antoine Blanchard
Politique
débatexpertise scientifiquepolitiquerelations science-société
<p>Le lanceur d'alerte, c'est ce personnage ou ce groupe, doté d'une faible légitimité ou lié à des instances autorisées, qui se dégage de son rôle officiel pour lancer un avertissement à titre individuel et selon des procédures inhabituelles. L'alerte est un processus plus ou moins long et tortueux, situé entre l'appel au secours et la prophétie de malheur. Le lanceur d'alerte doit payer de sa personne pour faire passer son message car lancer une alerte consiste à aller contre l'ordre établi, à "réveiller" des agents absorbés par la routine et naturellement enclins à dédramatiser les évènements<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/10/19/229-alerte-pour-les-lanceurs-d-alerte#pnote-229-1" id="rev-pnote-229-1">1</a>]</sup>.</p>
<p>Aujourd'hui, ces lanceurs d'alerte sont plus que jamais nécessaires. Et pourtant, ils sont menacés. Vous vous souvenez de Christian Vélot ?
Maître de conférences en génétique moléculaire à l'université Paris sud et responsable d'une équipe de recherche à l'Institut de génétique
et microbiologie, il anime depuis 2002 sur son temps personnel de nombreuses <a href="http://www.dailymotion.com/video/xpwco_eclairage-scientifique-sur-les-ogm">conférences à destination du grand public</a> sur le thème des OGM. Ses prises de position lui valent aujourd'hui de nombreuses pressions matérielles : confiscation de la totalité de ses crédits pour 2008, privation d'étudiants stagiaires, menace de déménagement <em>manu militari</em>, et décision arbitraire de non renouvellement de son contrat. Vous connaissez Pierre Méneton ? Chargé de recherche à l'INSERM au sein du département de Santé publique informatique médicale (SPIM) de Jussieu, il est <a href="http://sciencescitoyennes.org/spip.php?article1620">poursuivi en diffamation</a> par le Comité des Salines de France et la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est pour une phrase prononcée lors d'une interview pour le magazine TOC en mars 2006 : <q>Le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire industriel est très actif. Il désinforme les professionnels de la santé et les médias</q>. Vous n'avez pas oublié André Cicolella ? Chercheur en santé environnementale, il fut en conflit avec les instances dirigeantes de l'<acronym title="Institut national de recherche et de sécurité">INRS</acronym> pour avoir révélé la dangerosité des éthers de glycol et <a href="http://idf.lesverts.fr/article.php3?id_article=263">licencié en 1994</a>. Il <a href="http://www.humanite.fr/journal/2006-07-13/2006-07-13-833481">n'a pas abandonné la lutte</a> pour autant !</p>
<p>Comme les Etats-Unis avec le <em>Whistleblower Act</em> ou la Grande-Bretagne avec le <em>Public Interest Disclosure Act</em>, la France doit se doter d'un dispositif de protection des lanceurs d'alerte. Pendant la préparation du Grenelle de l'environnement, une mesure avait bien fait la quasi-unanimité dans les <a href="http://www.legrenelle-environnement.gouv.fr/grenelle-environnement//IMG/pdf/Groupe5_Synthese092007.pdf">groupes de travail n°5</a> (p. 7) et
n°3 : celle d'une loi de protection de l'alerte et de l'expertise, avec la création d'une Haute Autorité, qui soit une sorte de CNIL de l'alerte et de l'expertise. Pourtant, cette proposition n'est pas reprise dans le document préparatoire remis par le gouvernement aux négociateurs du Grenelle !</p>
<p>C'est pour porter à nouveau cette question que la Fondation Sciences Citoyennes et le GIET, au nom de l'Alliance pour la
planète, <a href="http://sciencescitoyennes.org/spip.php?article1635">organisent une table-ronde</a> à Paris le lundi 22 octobre, de 10h à 12h30 (au FIAP : 13, rue cabanis, Paris 14e, métro Glacières ou St Jacques). Christian Vélot, Pierre Méneton, André Cicolella, Jacques Testart, Etienne Cendrier, Jean-Pierre Berlan et d'autres viendront témoigner des difficultés auxquelles ils font face, et de la nécessité de doter les lanceurs d'alerte d'un statut les protégeant.</p>
<p>(<em>full disclosure</em> : Je suis adhérent de la Fondation sciences citoyennes)</p>
<p><strong>Mà J 26/10</strong> : Pour compléter ce billet, je signale <a href="http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/285986.FR.php">un article</a> paru dans <em>Libération</em> le même jour et une <a href="http://www.legrenelle-environnement.tv/webtv/le-fauchage-du-velot-810-programme">interview de Christian Vélot</a> par la web TV non-officielle du Grenelle de l'environnement.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/10/19/229-alerte-pour-les-lanceurs-d-alerte#rev-pnote-229-1" id="pnote-229-1">1</a>] Ce paragraphe doit tout à l'introduction du livre de Didier Torny et Francis Chateauraynaud, <em>Les sombres précurseurs, une sociologie pragmatique de l'alerte et du risque</em>, éditions de l'EHESS, 1999.</p></div>
FAQ sur le prix Nobel de la paix 2007
urn:md5:59257900bb7d76743874d4d5fb2fc12c
2007-10-12T16:09:55+00:00
2007-10-12T19:08:47+00:00
Antoine Blanchard
Général
politiqueréchauffement climatique
<p>Une petite foire aux questions sur le modèle de <a href="http://tomroud.com/2007/10/10/faq-sur-le-prix-nobel-de-physique-2007/">celle de Tom Roud</a>.</p>
<p><strong>Alors c'est le <acronym title="Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat">GIEC</acronym> qui a eu le prix Nobel de la paix ?</strong></p>
<p><a href="http://nobelprize.org/nobel_prizes/peace/laureates/2007/press.html" hreflang="en">Oui</a>, et il le partage avec Al Gore <q>pour leurs efforts dans la construction et la dissémination des connaissances concernant le réchauffement climatique d'origine humaine, et pour poser les fondations des mesures qui sont nécessaires pour le contrecarrer.</q></p>
<p><strong>Le prix Nobel de la paix à une institution scientifique… c’est pas un peu fort de café ?</strong></p>
<p>Pourquoi pas. La réchauffement climatique est effectivement un enjeu planétaire et le <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/09/25/223-ca-chauffe-pour-le-consensus">consensus scientifique construit par le GIEC</a> aura permis d'attirer l'attention des autorités sur ce point. Cependant, <a href="http://ec.europa.eu/research/research-eu/52/01/article_5210_fr.html">bien qu'il s'en défende</a>, le GIEC fait de la politique. Il construit une réalité, il fabrique un discours performatif, il brandit la menace d'un futur sombre. En cela, le prix Nobel prend tout son sens. <a href="http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-32792114@7-50,0.html">Pour ses adversaires aussi</a>, d'ailleurs...</p>
<p><strong>Et <a href="http://clesnes.blog.lemonde.fr/2007/10/12/le-gore-de-la-paix/#comment-55313">pourquoi ne pas lui décerner le prix Nobel de physique ?</a></strong></p>
<p>Parce que la science sur laquelle se base le GIEC n'est pas révolutionnaire en soi, c'est la mise en commun des moyens et des résultats qui l'est. Et la poursuite d'un but inamovible : faire la lumière sur les fondements scientifiques des risques liés au changement climatique d’origine humaine, les conséquences possibles de ce changement et les éventuelles stratégies d’adaptation et d’atténuation. Et puis a-t-on déjà vu un groupe qui n’a pas pour mandat d’entreprendre des travaux de recherche obtenir un prix Nobel de physique ?</p>
<p><strong>Mais finalement, il va à qui ce prix ?</strong></p>
<p>C'est une bonne question ! Le GIEC se définissant comme une agora qui n'emploie elle-même qu'une poignée de secrétaires, c'est chacune des parties prenantes qui va se sentir probablement gratifié et la communauté des climatologues qui va <a href="http://www.ipsl.jussieu.fr/actualites/Actualite2007.htm">en ressortir grandie</a>. Mais c'est aussi un prix qui va faire du bien aux fondateurs du GIEC : l'<a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Organisation_m%C3%A9t%C3%A9orologique_mondiale">Organisation météorologique mondiale</a> (OMM) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Mais avant ça, c'est une victoire de ceux qui ont cru dans la science du climat, de ces physiciens ou météorologistes qui se sont réunis dès 1873 au sein de l'Organisation météorologique internationale pour travailler ensemble. Et c'est aussi une reconnaissance de la science mondialisée, cette science capable de mesurer des variables à un instant donné sur chaque point du globe, cette science capable d'échanger des données en temps record, cette science capable d'établir des normes et des procédures standardisées, cette science capable de reconnaître ses pairs d'où qu'ils viennent, bref cette science capable de nous faire saisir le globe dans sa totalité.</p>
<p><strong>Et les écolos ?</strong></p>
<p><a href="http://www.lemonde.fr/web/depeches/0,14-0,39-32791610@7-37,0.html">Ils se félicitent déjà du prix</a>...</p>
<p><strong>Mais le GIEC est amené à disparaître, non ?</strong></p>
<p>Une fois que le problème du réchauffement sera réglé ou que le consensus ne sera plus nécessaire ? Oui, ou même avant <a href="http://www.ipcc.ch/press/Jean-Pascal_van_Ypersele_may07.pdf" hreflang="en">si l'on en croit</a> le vice-président du groupe de travail n° 2 : <q>The IPCC has done its job, now the future is in your hands.</q></p>
<p><strong>Et pourquoi maintenant ?</strong></p>
<p>On peut sans conteste y voir un signal fort avant la <a href="http://www.ipcc.ch/meet/27session.htm" hreflang="en">session de novembre du GIEC</a> organisée à Valence (Espagne), qui devrait déboucher sur le rapport "final" (<em>Assessment Report 4</em>) faisant suite à celui de 2001. Lequel aura un poids d'autant plus fort lors de la <a href="http://unfccc.int/meetings/cop_13/items/4049.php" hreflang="en">conférences des Nations unies sur le réchauffement climatique</a> à Bali en décembre.</p>
<p><strong>Et les dissidents ?</strong></p>
<p>àa risque de devenir dur pour les <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/GIEC#Critiques_du_GIEC">critiques du GIEC</a> de se faire entendre. On touche difficilement à un prix Nobel de la paix ! Heureusement qu'il restera la sociologie des sciences pour se livrer à <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/02/03/112-les-coulisses-du-giec">une critique et un décortiquage subtils</a>...</p>
Nouvelles du front (7)
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2007-09-01T08:52:02+00:00
2007-10-02T12:28:02+00:00
Antoine Blanchard
Général
histoirepolitiqueéthique
<p>Ce blog fait sa rentrée, et on démarre en revenant sur ce qui s'est passé cet été sur le front de la "science en action". Un été pas triste, comme vous allez le voir !</p>
<p>Entre les 4 et 28 juin, le personnel de la Cité des sciences et de l'industrie <a href="http://sudculturecsi.org/greve-2007-06.htm">faisait grève</a> pour protester contre la politique des salaires et la gestion des carrières par la direction. Comme attendu, les visites estivales du site <a href="http://menilmontant.noosblog.fr/mon_weblog/2007/06/grve_la_cit_des.html">ont été hautement perturbées</a>, ainsi qu'<a href="http://ohlavache.hautetfort.com/archive/2007/06/12/le-mauvais-oeil-est-sur-moi.html">en témoigne cette blogueuse</a>…</p>
<p>Michelle Bergadaà proposait en juillet son <a href="http://larsg.over-blog.com/article-11377435.html">jeu de l'été</a> : comment deux articles parus en 2006 dans le <em>Journal of Business Research</em> et le <em>Journal of Social Sciences</em> se sont-ils retrouvés avec 50 lignes en commun ? L'occasion de découvrir l'initiative "<a href="http://responsable.unige.ch/">Responsable</a>" de l'université de Genève, qui travaille à un meilleure prise de conscience du plagiat en science et propose quelques solutions à l'échelle des mémoires et thèses.</p>
<p>Le numéro d'août de <em>Pour la science</em> publiait un article de <a href="http://web.mit.edu/dikaiser/www/">David Kaiser</a> sur l'histoire de la cosmologie primordiale. On y lisait notamment un paragraphe sur la carrière d'Anthony Zee (je souligne) :</p>
<blockquote><p>En 1974, A. Zee, alors en année sabbatique à Paris, tomba sur des articles de théoriciens européens qui utilisaient des outils de la physique des particules pour tenter d’éclairer certaines questions cosmologiques. <strong>Cette rencontre fortuite ranima son intérêt pour la gravitation et, de retour aux Etats-Unis, à nouveau au contact de J. Wheeler, il réorienta ses recherches vers la cosmologie primordiale, et publia un article avec le physicien français Bernard Julia sur les dyons</strong>, des objets prédits dans les théories de grande unification et susceptibles d’apparaître dans l’Univers primordial.</p></blockquote>
<p>Or <em>Pour la science</em> est la version française de <em>Scientific American</em>. Et comme <a href="http://jeanzin.fr/index.php?2007/08/01/105-newsletter-08-07#revue1">le remarque</a> Jean Zin, on trouvait dans l'<a href="http://www.sciamdigital.com/index.cfm?fa=Products.ViewIssuePreview&ARTICLEID_CHAR=773D29CB-2B35-221B-6185392C752F1086" hreflang="en">article original</a> (je souligne) :</p>
<blockquote><p>He rented an appartment from a French physicist while on sabbatical in Paris in 1974, and in his borrowed quarters he stumbled on a stack of papers by European theorists that tried to use ideas from particle theory to explain various cosmological features (such as why the observable universe contains more matter than antimatter). <strong>Although he found the particular ideas in the papers unconvincing, the chance encounter reignited Zee’s earlier interest in gravitation.</strong> Returning from his sabbatical and back in touch with Wheeler, Zee began to redirect his research interest toward particle cosmology.</p></blockquote>
<p>Bref, pour la circonstance, le traducteur a supprimé la critique des travaux européens et a ajouté la mention du physicien français <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Julia">Bernard Julia</a>... Même l'histoire des sciences "universelles" et "objectives" doit parfois ménager les susceptibilités nationales !</p>
<p>Le 3 août, <em>Le Monde</em> <a href="http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-941524,0.html">rapportait</a> les <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.stem.2007.07.001" hreflang="en">conclusions des chercheurs</a> qui ont cherché à comprendre la manière dont le professeur Hwang <a href="http://www.inserm-actualites.com/fileadmin/user_upload/197/fichiers/CBE11Hwang.pdf" hreflang="PDF">avait pu frauder</a>. Le journaliste Jean-Yves Nau commence son article par : <q>L'une des plus belles et des plus tristes affaires de fraude scientifique dans le monde de la biologie cellulaire vient, peut-être, de trouver son épilogue.</q> Il faudra qu'on m'explique en quoi cette affaire, marquée par de graves manquements éthiques (2 061 ovules ont été obtenus de 129 femmes, les laborantines de Hwang ayant contribué sous la pression et des étudiantes en échange de 1 500 dollars), peut être qualifiée de <q>belle</q>… Sinon, deux remarques sur l'article des chercheurs américains, canadiens et japonais : il paraît dans le premier numéro d'une revue spécialisée dans la recherche sur les cellules souches, <em>Cell Stem Cell</em> (un nom un peu absurde qui s'explique par son affiliation à la fameuse revue <em>Cell</em>) et il réussit l'exploit de ne jamais <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/06/04/173-les-citations-en-science">citer</a> l'article original de Hwang <em>et al.</em>, ce qui s'explique par le fait qu'il ait été <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/04/26/154-retractation-des-articles-et-des-hommes">rétracté</a> mais rend l'article assez bancal !</p>
<p>Entre le 8 août, jour de sa parution en ligne, et le 20 août, où correction fut faite après que j'ai gentiment écrit au comité de rédaction <em>Nature Biotechnology</em>, <a href="http://www.nature.com/nbt/journal/v25/n8/box/nbt0807-874_audecl.html" hreflang="en">cette déclaration d'intérêts financiers</a> était vide. Assez ennuyeux quand, en fait, le chercheur incriminé possède un brevet sur la technologie dont il fait l'éloge dans son article !</p>
<p><a href="http://megamachine.free.fr/?p=116">Pour Guy Morant</a>, le mois d'août était aussi celui où <em>Science & vie</em> recouvrait <q>sa dignité de vulgarisateur officiel de la pensée matérialiste</q> après avoir <q>frôlé l’excommunication par les brights français, suite à la parution de son numéro spécial sur les miracles (n°236)</q> !</p>
<p class="center"><a href="http://www.flickr.com/photos/ponsfrilus/503101583/" title=""><img src="http://farm1.static.flickr.com/232/503101583_1d88d8a9a9_m_d.jpg" alt="" style="border: solid 1px #999; padding:6px;"></a> <small>©© Ponsfrilus</small></p>
<p>Et aujourd'hui, Bruno Latour <a href="http://richard-descoings.net/index.php?2007/07/31/111-bruno-latour-devient-directeur-adjoint-directeur-scientifique-de-sciences-po">devient officiellement</a> le directeur scientifique et directeur adjoint de Sciences Po. Pour mes lecteurs les moins au fait, Latour n'est pas qu'un monument de la sociologie des sciences puisque ses derniers travaux interrogent notre attitude soit-disant moderne vis-à -vis de la séparation entre nature et culture, la place des objets ("non-humains") dans le monde ou l’ensemble des conditions ("<a href="http://www.cso.edu/fiche_rencontre.asp?renc_id=91">l'atmosphère</a>") qui rendent vivables les formes institutionnelles de la démocratie. Je suis curieux de voir comment il va infléchir la politique scientifique de Sciences Po et comment, après avoir formé de nombreux responsables industriels à l'Ecole des mines, il va laisser son empreinte sur l'univers politique français (et pourquoi pas pousser ses étudiants à créer un <a href="http://chicheweb.org/article.php3?id_article=206">parlement des choses</a>).</p>
Les leçons du trou de la couche d'ozone
urn:md5:3cf1713656ee3ad96ba9e61f59d76499
2007-07-20T10:13:51+00:00
2007-07-20T10:14:13+00:00
Antoine Blanchard
Sociologie
La Recherchepolitiqueréchauffement climatiquesociologie des sciences
<p>Dans le numéro de juillet-août 2007 de <em>La Recherche</em> (n° 410), la rubrique "Opinion" revient à <a href="http://www.ipsl.jussieu.fr/~dhaer/">Didier Hauglustaine</a> pour un laïus sur le réchauffement climatique. Celui-ci brocarde <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/11/01/71-petites-reflexions-sur-l-affaire-allegre-ou-les-conferences-de-citoyens-contre-claude-allegre">Claude Allègre</a>, accusé de <q>vouloir discréditer un travail scientifique rigoureux</q>, et donne l'exemple du <a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Protocole_de_Montr%C3%A9al">protocole de Montréal</a> de 1987 interdisant la production de polluants incriminés dans le trou de la couche d'ozone (CFC notamment). Ce résultat, explique-t-il, fut le fruit d'<q>une mobilisation de la communauté scientifique [qui] permit d'établir rapidement une théorie robuste et de mettre en accusation des constituants chlorés — les chlorofluorocarbures ou CFC — rejetés par millions de tonnes par différents usages domestiques et industriels.</q> Pourtant, à la même époque, <q>des voix s'élevèrent, dénonçant une imposture scientifique</q>. Ces voix discordantes soutenaient par exemple que le trou d'ozone avait toujours existé ou qu'il avait pour origine des variations de la luminosité solaire. <q>Vingt ans plus tard, ces interventions ont sombré dans l'oubli</q>, et l'auteur de réclamer que l'analogie entre le trou d'ozone et le changement climatique soit poussée plus loin afin de pouvoir <q>clamer dans vingt ans que de nouveau, le pire a été évité</q>.</p>
<p class="center"><a href="http://en.wikipedia.org/wiki/Image:Largest_ever_Ozone_hole_sept2000.jpg"><img src="http://upload.wikimedia.org/wikipedia/en/thumb/0/0f/Largest_ever_Ozone_hole_sept2000.jpg/250px-Largest_ever_Ozone_hole_sept2000.jpg" alt="" /></a></p>
<p>Mais l'essentiel n'est pas là . Il est dans cette remarque comme quoi <q>l'entrée en vigueur du protocole de Montréal ne s'est pas fait sans coût. Rien qu'aux Etats-Unis, cinq mille compagnies réalisant un chiffre d'affaire de près de 30 milliards produisaient ou utilisaient les CFC.</q> La conclusion que chacun tire est qu'un accord sur le changement climatique, malgré son énorme coût pour l'économie mondiale, est possible. Et que la science, universelle et robuste, peut dépasser les intérêts des uns et des autres pour le bien de la planète. Vision bien naïve…</p>
<p>Naïve parce qu'elle met la raison du côté des scientifiques, l'intérêt économique du côté de l'industrie, circulez y'a rien à voir. Le lecteur curieux trouve une version un peu différente de cet épisode dans la <a href="http://www.inra.fr/esr/vie/docs/theses/Eco-Pub-De-Cara.pdf" hreflang="PDF">thèse en sciences économiques</a> de <a href="http://www.inra.fr/60ans/une_aventure_humaine/stephane_de_cara">Stéphane de Cara</a> (''Dimensions stratégiques des négociations internationales sur le changement climatique", Université de Paris-X, 2001) :</p>
<blockquote><p>Dans ce cas précis [du protocole de Montréal], plusieurs éléments de nature différente ont convergé pour permettre d’aboutir à un accord. La pression médiatique et l’urgence de l’action (néanmoins, comme dans le cas de l’effet de serre, les conclusions des études scientifiques sur la question n'étaient pas consensuelles) ont favorisé un processus de décision relativement rapide. Les sources d'émissions étaient relativement contrôlables, bien identifiées et suffisamment localisées. Enfin, des technologies alternatives et abordables étaient disponibles de sorte que l’aboutissement d’une convention restrictive n’entraînait pas un coût important pour les entreprises et était même susceptible de fournir un avantage comparatif aux firmes sises dans les pays signataires. (p. 17)</p></blockquote>
<p>Eh oui. La vision est déjà moins naïve et l'on découvre un "objet CFC", érigé en coupable par les scientifiques et défendu <em>a priori</em> par les industriels, qui se retrouve finalement arranger tout le monde. Il fait consensus, quand bien même le trou d'ozone lui-même ne le fait pas. Du coup, la résolution du problème fut facile. Selon le sociologue Daniel Sarewitz<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/07/20/196-les-lecons-du-trou-de-la-couche-d-ozone#pnote-196-1" id="rev-pnote-196-1">1</a>]</sup> (dont j'ai déjà <a href="http://le-doc.info/2007/03/14/112-preuve-scientifique-et-decision-politique">parlé ailleurs</a>), ceci fait de l'histoire des CFC non pas un exemple de <q>controverse résolue par la science mais de rétroaction positive entre des tendances scientifique, politique, diplomatique et technologique convergentes</q> !</p>
<p>Car l'histoire ne s'arrête pas là (je cite toujours la thèse de de Cara) :</p>
<blockquote><p>Pour les deux plus gros producteurs mondiaux –tous deux américains– qu'étaient Du Pont de Nemours et Imperial Chemical Industries (ICI), l’adoption d’un Protocole maximaliste –tant du côté de la production que de la consommation– était susceptible d’asseoir leur pouvoir de marché sur ce secteur. Ces deux producteurs disposaient en effet d’une avance importante en termes de R&D sur la production des substituts aux CFC qui aurait pu leur permettre d'éliminer une concurrence devant faire face à une réorganisation importante.</p></blockquote>
<p>Les succès de la science ne se font pas sans l'économie. Et le chercheur, le scientifique, ne joue finalement pas tant à "faire entendre raison" qu'à construire des objets politiques avec d'autres acteurs, hétérogènes. Pour citer Bruno Latour<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/07/20/196-les-lecons-du-trou-de-la-couche-d-ozone#pnote-196-2" id="rev-pnote-196-2">2</a>]</sup>, <q>un scientifique n'est pas quelqu'un qui fait de la politique avec des moyens politiques ; c'est quelqu'un qui fait de la politique avec d'autres moyens</q>.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/07/20/196-les-lecons-du-trou-de-la-couche-d-ozone#rev-pnote-196-1" id="pnote-196-1">1</a>] "<a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.envsci.2004.06.001" hreflang="en">How science makes environmental controversies worse</a>", <em>Environmental Science & Policy</em>, vol. 7, 2004, p. 397</p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/07/20/196-les-lecons-du-trou-de-la-couche-d-ozone#rev-pnote-196-2" id="pnote-196-2">2</a>] <em>Le métier de chercheur : regard d'un anthropologue</em>, INRA éditions, 2001, p. 78</p></div>
Sur la science, le président Sarkozy fait le grand écart
urn:md5:23a3b1eb34d8ea582ce5db2194e0bf00
2007-06-07T07:45:44+00:00
2007-06-07T11:50:27+00:00
Antoine Blanchard
Sociologie
politiquerelations science-sociétésondage
<p>L'actualité m'oblige à une parenthèse dans la série de billets sur la littérature scientifique : le président Sarkozy <a href="http://www.elysee.fr/elysee/elysee.fr/francais/interventions/2007/juin/allocution_du_president_de_la_republique_en_hommage_au_chercheur_pierre-gilles_de_gennes.78360.html">rendait hommage</a>, mardi, à Pierre-Gilles de Gennes. En direct du Palais de la découverte, il saluait cet homme qui <q>était convaincu que l'autorité scientifique ne confère pas aux savants une autorité morale, ni une sagesse particulières</q>. Une pensée emplie d'humanisme en effet, que l'on retrouve presque à l'identique sous la plume d'un autre grand scientifique décédé récemment, Stephen Jay Gould<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/07/175-sur-la-science-le-prsident-sarkozy-fait-le-grand-cart#pnote-175-1" id="rev-pnote-175-1">1</a>]</sup> :</p>
<blockquote><p>les chercheurs, spécialement depuis qu'ils ont acquis la puissance et l'autorité en tant que membres d'une institution désormais bien établie, se sont aventurés au-delà de leurs domaines d'expertise personnels et ont pris part à des débats éthiques en arguant — ce qui est illogique — de la supériorité de leur savoir factuel. (Ma connaissance technique de la génétique du clonage ne me confère aucun droit d'influencer des décisions légales ou morales de créer, par exemple, une copie génétique d'un enfant mort.)</p></blockquote>
<p>Mais voilà , le président constate plus loin :</p>
<blockquote><p>Alors à un moment où le progrès se trouve remis en cause, non pas seulement dans son contenu, mais dans son idée même. A un moment où la science se trouve attaquée, où la foi en la raison vacille, où l'autorité scientifique se trouve ébranlée au tant (<em>sic</em>) que toutes les autres formes d'autorité par une crise de défiance sans précédent, je voudrais vous dire ma confiance en vous, ma confiance en la science et ma confiance en la connaissance.<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/07/175-sur-la-science-le-prsident-sarkozy-fait-le-grand-cart#pnote-175-2" id="rev-pnote-175-2">2</a>]</sup></p></blockquote>
<p>Alors quoi, les scientifiques devraient avoir l'autorité humble mais regretter que cette autorité scientifique soit ébranlée ? Nicolas Sarkozy me semble oublier un peu vite la leçon de Pierre-Gilles de Gennes, en l'espace de seulement… 4 minutes 30 ! Voilà le premier grand écart de mon titre.</p>
<p class="center"><img src="http://www.enroweb.com/blogsciences/images/degennesMK0030.jpg" alt="Discours de N. Sarkozy au Palais de la découverte" /><small> © <a href="http://www.elysee.fr/">Présidence de la République</a></small></p>
<p>Mais surtout, y a-t-il vraiment un déclin de l'autorité scientifique ? Désolé, mais je ne sais pas ce que signifie l'autorité scientifique… Par contre, on peut mesurer facilement la confiance que les citoyens accordent aux scientifiques, et la comparer avec celle qu'ils accordent aux journalistes, aux associations, aux hommes politiques. Surprise : en 1992, d'après l'<a href="http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_076_en.pdf" hreflang="en">Eurobaromètre 38.1</a> (p. 86), les personnes interrogées affirmaient respecter le plus les médecins (à 45%) avant les scientifiques (23%), les juges (11%) etc. C'est même en France que les scientifiques étaient les plus respectés (36%). Que disent les résultats plus récents ? L'<a href="http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_154_fr.pdf">Eurobaromètre 55.2</a> de 2001 (pp. 41-43) ne fournit malheureusement pas de résultat que l'on puisse comparer car la question fut posée différemment. Il apparaît néanmoins que dans l'hypothèse d'une catastrophe dans le quartier ou le voisinage, les Européens font d'abord confiance aux scientifiques pour leur en expliquer les raisons. Dans l'absolu, les médecins forment la profession la plus respectée (71%), avant les scientifiques (44%), les ingénieurs (29%) etc. Les politiques viennent en dernier (6,6%), ce qui me fait dire que Sarkozy voit chez les autres ce qui le touche lui et ses pairs !</p>
<p>Mais je suis mauvaise langue, peut-être est-ce là ce que l'on entend par la fameuse "crise", le "divorce" entre la science et la société. Alors, crise ou pas crise ? Etonnamment, d'après <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/02/13/123-colloque-cnrs-1">une enquête interne du CNRS</a>, seulement 28% des personnels chercheurs et ingénieurs pensent qu'il y a une crise. Alors quoi, toutes ces innovations contestées (OGM, nanotechnologies, nucléaires etc.) ? Pourquoi en est-on là si le divorce n'est pas consommé ? Peut-être qu'il y a bien une crise mais que les chercheurs ne la voient pas, uniquement sauvés par les politiques qui le leur font remarquer ! L'historien et sociologue des sciences Dominique Pestre <a href="http://www.lautrecampagne.org/article.php?id=122">conseille </a> <q>d’oublier le cauchemar (un rien paranoïaque) d’un monde qui deviendrait irrationnel et anti-science</q>, parce que</p>
<blockquote><p>Les critiques sont plutôt vis-à -vis des <em>régulations</em> (des produits techno-scientifiques et des risques industriels) ; vis-à -vis des <em>attitudes</em> systématiquement technophiles (tout ce que la science peut faire doit advenir) ; vis-à -vis des <em>valeurs</em> que portent, et des <em>effets sociaux</em> qu’induisent ces changements techno-<em>industriels</em>.</p></blockquote>
<p>Là encore, c'est surtout à la gouvernance qu'il faut jeter la pierre, et non aux chercheurs ! Toujours le même contresens de notre président, qui en profite pour se faire mousser au passage puisqu'il assure, lui, avoir confiance en la science…</p>
<p>Voici le second grand écart de ce discours, finalement assez riche de lieux communs, ce qui est peu faire honneur à <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2007/05/23/168-pierre-gilles-de-gennes">l'intelligence du prix Nobel de physique</a>. Ah, j'oubliais, la grande promesse de la journée : renommer le campus de l'université d'Orsay du nom de Pierre-Gilles de Gennes !</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/07/175-sur-la-science-le-prsident-sarkozy-fait-le-grand-cart#rev-pnote-175-1" id="pnote-175-1">1</a>] <em>Le Renard et le hérisson</em>, sous-titré "Comment combler le fossé entre la science et les humanités ?" (Le Seuil coll. Science ouverte, 2003)</p>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/06/07/175-sur-la-science-le-prsident-sarkozy-fait-le-grand-cart#rev-pnote-175-2" id="pnote-175-2">2</a>] Nicolas Sarkozy dit en fait légèrement autre chose que la retranscription officielle, <a href="http://viphttp.yacast.net/elysee/2007/07-06-05-0016.mov">voir la vidéo</a> à partir de la 12e minute </p></div>
Discours des candidats sur les OGM
urn:md5:e7439349f74cd4f0ba793e7307bb7668
2007-04-29T09:00:17+00:00
2007-04-29T11:04:06+00:00
Antoine Blanchard
Politique
OGMpolitiquesociologie des sciences
<p>Loin de moi l'idée de résumer ici les intentions des candidats aux présidentielles concernant les OGM, d'autant que pour la plupart d'entre eux, ce n'est plus guère d'actualité. Mais j'ai eu la chance d'assister à une comparaison de ces programmes de 2002 et 2007, menée par Didier Torny et Francis Chateauraynaud. Ce dernier a récemment co-écrit un <a href="http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00142218">dialogue avec son "sociologue électronique"</a> Marlowe, qui lui permet de ressortir et d'interroger plus de 1500 discours des quatre principaux candidats à l'élection présidentielle 2007.</p>
<p>Mobilisant les mêmes outils sur la problématique OGM, cette équipe est capable de caractériser un discours, à la fois quantitativement (fréquence des arguments, du vocabulaire utilisé) et qualitativement (univers lexical, type de modalisation : ironique, critique etc.). Qu'observent-ils sur l'ensemble des programmes officiels ?</p>
<p>D'abord, qu'aucun argument nouveau est apparu entre 2002 et 2007, certains ayant même disparus : c'est le cas de l'argument des OGM pour lutter contre la famine (utilisé par Madelin en 2002), de la nécessité du calcul bénéfice / risques des OGM, des OGM comme exemple de risque sanitaire (le dossier est aujourd'hui autonome et doit être traité en tant que tel, pas au même niveau que la vache folle ou les pesticides).</p>
<p>Ensuite, certains arguments sont repris : l'interdiction, le moratoire (qui a largement pris du poids), l'invocation du principe de précaution (beaucoup moins explicité, nuancé ou modalisé qu'en 2002), la question de la recherche et des essais en plein champ.</p>
<p>En fait, il semble que les propositions s'appauvrissent. Les positions se durcissent réellement, et les quatre candidats qui ne parlent pas des OGM en 2007 n'en parlent pas du tout, même pas positivement. Enfin, la coexistence n'est pas évoquée et face à la montée du moratoire comme "solution miracle", on est bien forcé de parler de pauvreté des arguments...</p>
Chercher ou valoriser, dilemme du chercheur ?
urn:md5:f332d74c2b2dd47538fd9eb762a551e3
2007-03-18T15:46:28+00:00
2007-03-18T15:53:12+00:00
Antoine Blanchard
Politique
innovationpolitiquerecherchevalorisationépistémologie
<p>Rien de tel qu'une prof parlant de "l’excellente thèse d’Erwan Lamy" au détour d'un e-mail pour inciter à lire une thèse de 374 pages, lecture plutôt rebutante habituellement. Bien m'en a pris !</p>
<p><a href="http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00104551/">Cette thèse</a> intitulée <em>La fragmentation de la science à l'épreuve des start-ups</em> montre que l'on peut faire de l'épistémologie appliquée en testant empiriquement des hypothèses qui vont puiser leurs racines dans les visions différentiationniste vs. antidifférentiationniste de la science ; en l'occurrence, il s'agit de savoir si, oui ou non, la science est un champ autonome, "différent" des autres champs d'activités humaines<sup>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/03/18/80-chercher-ou-valoriser-dilemme-du-chercheur#pnote-80-1" id="rev-pnote-80-1">1</a>]</sup>. Si oui, sachant que c'est à leur niveau que cela se construit, les chercheurs qui créent des entreprises et s'engagent dans la valorisation devraient conserver leur singularité et rester des chercheurs à part entière. Si non, ils deviendraient des chercheurs-entrepreneurs <q>imprégnés par l'esprit de commerce</q> et se fondant parfaitement dans le paysage industriel.</p>
<p>Qu'en est-il ? De son étude de 41 cas de création d'entreprise par des chercheurs du <acronym title="Centre national de la recherche scientifique">CNRS</acronym>, Lamy distingue trois profils de chercheurs-entrepreneurs :</p>
<ul>
<li><strong>les Académiques</strong>, pour qui la création d'entreprise se fait au service de leurs travaux de recherche, sans incompatibilité mais avec facilitation mutuelle ; <q>ils ne se soumettent guère aux réquisits de la logique marchande et n’adhèrent que marginalement au modèle de l’entrepreneur</q> et, même si leur productivité scientifique académique n'est pas nécessairement augmentée, ils bénéficient de la reconnaissance scientifique et professionnelle de leur expertise et d'un étoffement de leurs réseaux de collaboration (l'un a par exemple reçu la médaille d'argent du CNRS, un autre a été nommé professeur de classe exceptionnelle) ;</li>
<li><strong>les Pionniers</strong>, qui récusent la différence entre activité scientifique et monde de l'entreprise, veulent s'impliquer en tant que véritables entrepreneurs ; ils sont portés par une forte volonté de s'écarter du modèle universitaire, se mettent au secret industriel, publient moins ou plus etc., et en sont pénalisés largement par le monde académique ; bref, ils en viennent à perdre leur <q>identité scientifique</q> ;</li>
<li><strong>les Janus</strong>, qui échappent à toute classification hâtive car ils sont la preuve <q>qu’un fort engagement entrepreneurial n’est pas toujours synonyme de brouillage des frontières</q> : ils ne considèrent pas que la validité des travaux scientifiques est absolue, ils se réfèrent aux pratiques et aux contextes particuliers ; ils s'éloignent moins du laboratoire que les Pionniers, continuant de s'investir dans la vie scientifique, et ce sont ceux qui constatent le plus une augmentation de leur productivité. <q>Des trois classes, ce sont les Janus qui ont la production la plus fondamentale, et elle le reste pendant et après la création, comme si le produit de leurs activités de recherche et leur implication entrepreneuriale était déconnectée, alors qu’elles sont au cœur de la création, et qu’ils adaptent leurs pratiques scientifiques aux circonstances.</q></li>
</ul>
<p>D'où il apparaît qu'en majorité, la singularité du scientifique est préservée, notamment par un attachement bien réel à la science comme communauté auto-régulée basée sur l'universalité (Merton) — et ce malgré la mercantilisation avancée à l'échelle institutionnelle. Avec le conseil suivant donné aux politiques de recherche :</p>
<blockquote><p>L'importance de cette division du travail révélée par l'analyse des Janus et des Académiques n'appelle nullement une condamnation de la mobilité intersectorielle: il ne s'agit pas d'empêcher la mobilité du public vers le privé, ni du privé vers le public. Mais il importe d'organiser ces échanges en sorte qu'ils respectent les contraintes qu'imposent les spécificités des identités scientifiques. (…) Ce que montre cette étude, c'est qu'il n'est pas nécessaire de sacrifier l'autonomie des chercheurs sur l'autel de son utilité économique et sociale. Il est nécessaire que chacun de ces deux mondes se connaissent mieux, non pas qu'ils se ressemblent.</p></blockquote>
<p>Cette thèse a évidemment un intérêt épistémologique et permet d'avancer, par des arguments expérimentaux, dans des débats en cours. Mais aussi, elle ne nous fait plus lire de la même façon <a href="http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3234,36-840388@51-814208,0.html">cet article du <em>Monde</em></a> daté du 1er décembre dernier qui rapporte la politique de valorisation du CNRS et la position de son nouveau Directeur de la politique industrielle, Marc Jacques Ledoux :</p>
<blockquote><p>"Nous aimerions que les industriels nous disent ce dont ils ont besoin en matière de recherche fondamentale", insiste ce chimiste de renom, auteur de 160 articles et livres, créateur d'entreprise, et dont les recherches sur la catalyse et les catalyseurs ont eu des applications directes dans l'industrie. "<strong>Mon laboratoire a toujours travaillé avec des industriels et ça ne m'a pas empêché de publier, bien au contraire</strong>", explique-t-il." (c'est moi qui souligne)</p></blockquote>
<p>Effectivement, on <em>peut</em> valoriser et publier en même temps quand on est un Janus. Et bien que ce soit la classe la plus minoritaire (11 chercheurs sur 41), il est intéressant de voir que son modèle s'impose aujourd'hui comme modèle-type de l'entrepreunariat scientifique en Fance.</p>
<div class="footnotes"><h4>Notes</h4>
<p>[<a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?post/2007/03/18/80-chercher-ou-valoriser-dilemme-du-chercheur#rev-pnote-80-1" id="pnote-80-1">1</a>] Ce qui se rattache au <a href="http://www.enroweb.com/blogsciences/index.php?2006/11/18/74-l-affaire-sokal-ou-le-scientisme-face-au-relativisme">débat entre constructivisme et réalisme</a>, car <q>s'il n'y a rien dans l'identité scientifique qui lui soit intrinsèque, alors elle est un pur construit, et doit être rapportée dans son entier à son contexte institutionnel et/ou socio-économique</q></p></div>
Le billet d'à côté
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2007-03-16T07:19:03+00:00
2007-03-16T07:19:03+00:00
Antoine Blanchard
Sociologie
expertise scientifiquepolitiquesociologie des sciencesépistémologie
<p>Ce titre à deux sous (avec tout de même une référence culturelle) pour vous signaler que le Doc' et moi avons commis un <a href="http://www.le-doc.info/index.php/2007/03/14/125-preuve-scientifique-et-decision-politique">billet en commun</a>, publié chez lui. C'est à propos de l'usage de la preuve scientifique en politique et j'ose dire que nous avons somme toute une vision plus progressiste que la moyenne des scientifiques : moi à cause de mon bagage sociologique et le Doc' parce qu'il sait sortir du moule. Si si !! ;-)</p>
<p>Bonne lecture donc, et ça se passe chez lui pour les commentaires...</p>
Trouvez l'auteur : Technosciences et politique
urn:md5:e359d9c6bad69eb918116a915f32cda3
2007-03-12T18:25:47+00:00
2007-03-13T22:00:36+00:00
Antoine Blanchard
Politique
politiquetrouvez l'auteur
<p>Voici à nouveau un texte traduit en français, publié dans la seconde moitié du XXe siècle :</p>
<blockquote><p>De par les conséquences socio-culturelles imprévues du progrès technique, l'espèce humaine s'est elle-même mise au défi non seulement de provoquer la destinée sociale qui est la sienne mais encore d'apprendre à la maîtriser. Et il n'est pas possible de relever ce défi lancé par la technique avec les seules ressources de la technique. Il s'agit bien plutôt d'engager une discussion, débouchant sur des conséquences politiques, qui mette en rapport de façon rationnelle et obligatoire le potentiel dont la société dispose en matière de savoir et de pouvoir techniques avec notre savoir et notre vouloir pratiques.<br />
D'une part, une telle discussion pourrait éclairer les acteurs de la vie politique, dans le cadre de ce qui est techniquement possible et "faisable", sur la conception que les intérêts auxquels ils ont affaire se font d'eux-mêmes, telle qu'elle se trouve déterminée par la tradition. D'autre part, à la lumière des besoins ainsi articulés et ré-interprétés, ils pourraient juger par rapport à la pratique dans quelle direction et dans quelle mesure nous désirons développer notre savoir technique dans l'avenir. (p. 95)</p></blockquote>
<p>Je peux donner un indice supplémentaire (c'est-à -dire un autre extrait) si vous séchez trop ;-)</p>
<p><strong>[Mà J 13/03, 22h00]</strong> : Bravo à Anon qui a reconnu Jà¼rgen Habermas dans <em>La technique et la science comme "idéologie"</em>, et plus précisément le chapitre "Progrès technique et monde vécu social" (Gallimard, "Tel", 1990). Pour un texte paru pour la première fois en 1966, on ne peut que saluer son extrême pertinence et acuité, ce qui a d'ailleurs trompé <a href="http://phnk.com/">François</a> !