Les travaux du sociologue Pierre Bourdieu, après ceux de Weingart et de Merton, vont nous permettre de jeter les dernières lumières sur le cas Kahn. Pour Bourdieu, les chercheurs qui s'affrontent dans le champ scientifique ont un même but, la recherche de la vérité, et une même arme, leur capital. Ce capital symbolique peut être "scientifique" (lié à  la reconnaissance des pairs et acquis par des publications reconnues) ; ou "temporel" (lié au pouvoir institutionnel sur les moyens de production et acquis par la stratégie politique et institutionnelle). Axel Kahn, donc, posséderait très peu de capital scientifique et beaucoup de capital temporel.

Or, continue Bourdieu, si le capital scientifique peut devenir à  la longue du capital temporel, il est plus fréquent de voir des chercheurs directeurs de laboratoires ou engagés dans les instances de décision acquérir du capital scientifique. En particulier en co-signant de nombreuses publications pour lesquelles leur travail scientifique nominal est quasi-nul. C'est le cas d'Axel Kahn, qui a co-signé 48 articles depuis qu'il est directeur de l'Institut Cochin — septembre 2001 — (données PubMed). Enfin, cette distinction entre deux types de capital des chercheurs permet d'éclairer les prises de position et les stratégies de chacun des acteurs, évidentes dans le cas qui nous occupe ici…

Alors, Kahn pourra-t-il être académicien ? Il semble que le capital scientifique prime sur le capital temporel pour l'élection à  l'Académie des sciences ; mais même s'il signe beaucoup d'articles, on peut mettre en doute l'impact réel de ces publication sur la somme de capital scientifique d'Axel Kahn. Notre pauvre Axel devra donc sans doute rester à  la porte et se contenter d'être mortel (ou au moins correspondant), comme nous tous…