Pour rebondir sur le débat relativisme/réalisme (mais je ne prévois pas non plus de m'attarder sur ce terrain-là ), je voudrais vous soumettre cet extrait (qu'EL devrait reconnaître) du rapport final des Assises nationales des Etats généraux de la recherche (Grenoble, 28-29 octobre 2004, p. 14) :

L’électricité n’a pas été inventée en cherchant à  perfectionner les bougies.

Voilà  une phrase qui apparaît dans un texte soutenu par une grande majorité des chercheurs français pour défendre une conception relativement ancienne de la recherche fondamentale, que l'on peut faire remonter à  la "science pure" chère à  Jean Perrin (fondateur du CNRS et du Palais de la découverte) : la recherche doit être libre et détachée de toute influence extérieure, notamment politique ou économique. Mais cette phrase, anodine au premier abord, affirme bien que l'électricité a été inventée et non découverte ! Il me semble que la différence est de taille alors que l'électricité pourrait être considérée comme ayant existé de tout temps (dans les anguilles, dans les éclairs...) et que le chercheur n'aurait fait que la découvrir. Il aurait, à  la rigueur, inventé le paratonnerre, la pile, la lampe à  incandescence ou le transistor... Mais "inventer l'électricité" signifie créer un objet idéal à  partir de ses manifestations naturelles, lui donner des lois, l'apprivoiser, lui donner du sens.

Les chercheurs considèreraient donc que les objets de la science sont des inventions. L'électricité mais aussi l'ADN, le microbe, l'espace-temps etc. On n'est pas loin de la vision constructiviste (souvent adoptée par les relativistes et critiquée par une majorité de chercheurs "durs") selon laquelle les savoirs et objets scientifiques sont construits par l'homme dans un certain contexte cognitif, institutionnel et socio-économique. Etonnant, non ?