Suite et fin de mon compte-rendu, correspondant à  l'après-midi du colloque (toujours visible en ligne)…

Recherche et enjeux de société

Il s'agit de la restitution des ateliers, ayant réuni de 20 à  80 chercheurs entre octobre 2006 et janvier 2007. Ou comment répondre à  des questions… par d'autres questions ! Au moins, la sauce des ateliers, des thématiques proposées[1] et des participants semble avoir prise. Comme le conclut Marie-Françoise Courcel (CNRS) : maintenant, nous devons nous mettre au travail, bien-sûr dans l'interdisciplinaire. C'est à  peu près l'endroit où nous sommes arrivés de nos réflexions ! Constructifs quand même, je retiens la volonté des chercheurs interdisciplinaires en sciences de la communication de se poser en discipline propre, la satisfaction des climatologues face à  leur participation au GIEC (mais qui regrettent que ce travail ne soit pas plus reconnu par les instances du CNRS), la proposition d'organiser des forums citoyens sur Internet via un wiki ouvert à  tous et d'adopter une charte du chercheur dans la société (pour éviter par exemple les prises de parole un peu bancales, comme celles de Claude Allègre sur le réchauffement climatique), la volonté de valoriser le jeune chercheur comme interlocuteur facilement disponible et accessible au grand public. Dans la discussion, le journaliste du Monde Sylvestre Huet remarque que pour que la communauté scientifique soit audible (par les journalistes en particulier), elle doit structurer son discours dans un état d'esprit semblable à  celui du GIEC : pas de "vérité officielle", pas de prises de positions radicales mais une construction pragmatique et ouverte. De nombreuses questions du public portent aussi sur le rôle potentiel des scientifiques dans les forums informels sur Internet (par exemple Scitizen) ou dans des parutions hors des sentiers battus et à  forte audience comme Le Monde diplomatique.

Comment construire la relation sciences-société ?

Dominique Meyer de l'Académie des sciences raconte une expérience originale (inspirée d'une action de la Royal Society) de "parrainage" entre un député, un membre de l'Académie des sciences et un jeune chercheur — les uns accompagnant les autres dans une journée de travail et vice-versa. Puis Michael Seifert raconte l'expérience allemande de la "Kinder-Uni" qui fait entrer des jeunes de 8 à  12 ans à  l'Université, un jour par semaine pendant l'été, afin de les faire assister à  des cours/conférences intitulées "Pourquoi le monde est-il multicolore ?", "Pourquoi ne nous est-il pas permis de cloner l'être humain ?" ou "Pourquoi les statues grecques sont-elles toujours nues ?". Le contenu autant que la mise en situation ("jeu de rôle") participent au succès de l'opération.

Paraskevas Caracostas de la Commission européenne fait ensuite le point sur les actions "Science en société" (et non plus "Science et société") dans le 7e Programme-cadre (PCRD). Celles-ci sont structurées en 4 sous-parties : "Une gouvernance plus dynamique des relations science et société", "Le renforcement du potentiel, l'ouverture des horizons", "La science et la société communiquent", "Activités stratégiques".

Clôture : questions à  deux philosophes

Le premier de ces deux philosophes est François Ewald, selon qui :

  • aujourd'hui, notre discours sur la science est celui d'un néo-rousseauisme : la science est le début du mal. Or la science et le type de connaissances induit par la science sont un progrès ;
  • il faut mettre fin à  la distinction entre la société et la science car la science est partout dans la société ! La science est devenue le langage requis pour parler des questions sociales, que l'on soit pour ou contre. (…) La science (…) est le lieu des combats sociaux et c'est la difficulté des institutions que de se distinguer, dans un monde qui est partout scientifique !

Le second philosophe est Jean Gayon, pour qui :

  • la solution au problème de la diffusion des sciences se situe non pas au niveau d'un organisme comme le CNRS mais de l'école et des médias (ce avec quoi je ne suis qu'à  moitié d'accord)
  • nous sommes face à  un nouveau régime d'échange avec le public
  • il faut massivement développer notre compréhension de la chose, il faut développer un corps de recherche en structurant les acteurs (sociologues et historiens des sciences, spécialistes de la vulgarisation et de la didactique des sciences, épistémologues) aujourd'hui épars.

Conclusion

Les Actes du colloques sont annoncés pour la fin mars, aux Editions du CNRS. Le site du CNRS accueillera aussi progressivement les données d'enquêtes sur la relation des scientifiques à  la société, y compris celles en cours, et le Journal du CNRS se fera l'écho des actions qui seront engagées.

Dernière remarque : la couverture par la presse nationale de l'évènement a été quasi-inexistante si j'en croie mon petit dispositif de "veille". Seuls Le Nouvel observateur / Sciences et avenir se distinguent par un article qui rapporte l'étude de Daniel Boy et du Cevipof selon laquelle les scientifiques ne sont pas outrageusement choqués à  l'idée que l’on puisse s'opposer à  certaines innovations techniques, voire les scientifiques ne sont pas des martiens ! Les journalistes étaient pourtant invités au colloque, avec force dossier de presse et places réservées...

Notes

[1] Savoirs et développement, Communication, Energie et climat et Emergence des nanosciences et nanotechnologies.