Ce blog fait sa rentrée, et on démarre en revenant sur ce qui s'est passé cet été sur le front de la "science en action". Un été pas triste, comme vous allez le voir !

Entre les 4 et 28 juin, le personnel de la Cité des sciences et de l'industrie faisait grève pour protester contre la politique des salaires et la gestion des carrières par la direction. Comme attendu, les visites estivales du site ont été hautement perturbées, ainsi qu'en témoigne cette blogueuse

Michelle Bergadaà  proposait en juillet son jeu de l'été : comment deux articles parus en 2006 dans le Journal of Business Research et le Journal of Social Sciences se sont-ils retrouvés avec 50 lignes en commun ? L'occasion de découvrir l'initiative "Responsable" de l'université de Genève, qui travaille à  un meilleure prise de conscience du plagiat en science et propose quelques solutions à  l'échelle des mémoires et thèses.

Le numéro d'août de Pour la science publiait un article de David Kaiser sur l'histoire de la cosmologie primordiale. On y lisait notamment un paragraphe sur la carrière d'Anthony Zee (je souligne) :

En 1974, A. Zee, alors en année sabbatique à  Paris, tomba sur des articles de théoriciens européens qui utilisaient des outils de la physique des particules pour tenter d’éclairer certaines questions cosmologiques. Cette rencontre fortuite ranima son intérêt pour la gravitation et, de retour aux Etats-Unis, à  nouveau au contact de J. Wheeler, il réorienta ses recherches vers la cosmologie primordiale, et publia un article avec le physicien français Bernard Julia sur les dyons, des objets prédits dans les théories de grande unification et susceptibles d’apparaître dans l’Univers primordial.

Or Pour la science est la version française de Scientific American. Et comme le remarque Jean Zin, on trouvait dans l'article original (je souligne) :

He rented an appartment from a French physicist while on sabbatical in Paris in 1974, and in his borrowed quarters he stumbled on a stack of papers by European theorists that tried to use ideas from particle theory to explain various cosmological features (such as why the observable universe contains more matter than antimatter). Although he found the particular ideas in the papers unconvincing, the chance encounter reignited Zee’s earlier interest in gravitation. Returning from his sabbatical and back in touch with Wheeler, Zee began to redirect his research interest toward particle cosmology.

Bref, pour la circonstance, le traducteur a supprimé la critique des travaux européens et a ajouté la mention du physicien français Bernard Julia... Même l'histoire des sciences "universelles" et "objectives" doit parfois ménager les susceptibilités nationales !

Le 3 août, Le Monde rapportait les conclusions des chercheurs qui ont cherché à  comprendre la manière dont le professeur Hwang avait pu frauder. Le journaliste Jean-Yves Nau commence son article par : L'une des plus belles et des plus tristes affaires de fraude scientifique dans le monde de la biologie cellulaire vient, peut-être, de trouver son épilogue. Il faudra qu'on m'explique en quoi cette affaire, marquée par de graves manquements éthiques (2 061 ovules ont été obtenus de 129 femmes, les laborantines de Hwang ayant contribué sous la pression et des étudiantes en échange de 1 500 dollars), peut être qualifiée de belle… Sinon, deux remarques sur l'article des chercheurs américains, canadiens et japonais : il paraît dans le premier numéro d'une revue spécialisée dans la recherche sur les cellules souches, Cell Stem Cell (un nom un peu absurde qui s'explique par son affiliation à  la fameuse revue Cell) et il réussit l'exploit de ne jamais citer l'article original de Hwang et al., ce qui s'explique par le fait qu'il ait été rétracté mais rend l'article assez bancal !

Entre le 8 août, jour de sa parution en ligne, et le 20 août, où correction fut faite après que j'ai gentiment écrit au comité de rédaction Nature Biotechnology, cette déclaration d'intérêts financiers était vide. Assez ennuyeux quand, en fait, le chercheur incriminé possède un brevet sur la technologie dont il fait l'éloge dans son article !

Pour Guy Morant, le mois d'août était aussi celui où Science & vie recouvrait sa dignité de vulgarisateur officiel de la pensée matérialiste après avoir frôlé l’excommunication par les brights français, suite à  la parution de son numéro spécial sur les miracles (n°236) !

©© Ponsfrilus

Et aujourd'hui, Bruno Latour devient officiellement le directeur scientifique et directeur adjoint de Sciences Po. Pour mes lecteurs les moins au fait, Latour n'est pas qu'un monument de la sociologie des sciences puisque ses derniers travaux interrogent notre attitude soit-disant moderne vis-à -vis de la séparation entre nature et culture, la place des objets ("non-humains") dans le monde ou l’ensemble des conditions ("l'atmosphère") qui rendent vivables les formes institutionnelles de la démocratie. Je suis curieux de voir comment il va infléchir la politique scientifique de Sciences Po et comment, après avoir formé de nombreux responsables industriels à  l'Ecole des mines, il va laisser son empreinte sur l'univers politique français (et pourquoi pas pousser ses étudiants à  créer un parlement des choses).