Vous vous souvenez du colloque "Science et société en mutation" organisé par le CNRS l'an dernier : depuis mon compte rendu à  chaud (partie 1, partie 2), les actes ont été publiés et Marcel Jollivet (sociologue) en profite pour revenir sur le déroulement et les enseignements de ce colloque avant tout conçu pour ouvrir le débat. Je retiens plusieurs choses.

La difficulté de situer le débat

Les conférences introductives ont rejeté pour de bon l'expression "science et société" pour la remplacer par l'expression "science en société" imposée par deux visions :

  • le savant fait partie du monde et de son époque et la société, tout comme la République, a besoin des savants d'où la science dans la société, la société soutenue par la science (vision classique)
  • la recherche scientifique est une activité de production de connaissance se situant dans un espace sociétal fondé sur une notion de la connaissance de portée plus générale (vision moderne).

Pourtant, rien n'était moins sûr dans la suite des échanges et aussi tôt chassée, la conception classique d'une science ayant à  faire passer son message dans la société revenait au galop. Aïe aïe…

L'impossibilité d'accepter les présupposés du débat

Si cette conception revenait sans cesse à  la charge, c'est notamment parce que les présupposés du débat étaient encore controversés. Selon les résultats de l'enquête présentée par Daniel Boy, 72% des chercheurs ne considèrent pas qu'il y a une crise entre la science et la société : un quart va même jusqu'à  estimer qu'il y a eu un progrès parce que la société est plus attentive. Pourtant, remarquait Joà«lle le Marec, c'est en postulant implicitement l'existence d'une [telle] crise (…) qu'on mobilise en permanence l'idée qu'il est absolument nécessaire de mieux communiquer, valoriser, vulgariser. Alors, crise ou pas crise ? Se mettre d'accord permettrait enfin d'avancer ensemble ou à  défaut, il faudrait découpler la question des rapports entre sciences et société de celle de la communication, de la vulgarisation, de la valorisation.

La nécessité de balayer devant sa porte

Un intervenant suggéra, peut-être pas si innocemment, que le CNRS serait mieux armé pour se situer dans les rapports sciences-société s'il améliorait la communication en interne entre "sciences dures" et "sciences douces". D'autant plus, ajoutait-il, que nous disposons pour ce faire d'outils scientifiques pertinents. Ainsi, les sciences de la complexité constituent-elles un instrument de dialogue aussi bien entre les scientifiques eux-mêmes qu'entre les scientifiques et les autres pans de la société. C'est en effet l'interdisciplinarité qui peut aider à  confronter dans une même démarche des disciplines qui produisent les connaissances sur les sociétés et (…) celles qui produisent les connaissances sur les phénomènes naturels, afin de ne pas reproduire la fracture entre sciences et société que le monde de la recherche cherche à  réduire… Et le cloisonnement du CNRS en instituts disciplinaires ne semble pas aller dans cette direction.