Après une première édition en 2007, le festival francilien « Les chercheurs font leur cinéma » revient plus que jamais en forme, du 14 au 29 novembre. Comme son nom l'indique, ce festival laisse pour une fois la parole aux chercheurs et à  leurs courts-métrages. A en croire la bande annonce ci-dessous, l'ambiance est bonne enfant et Ronan James, qui fait partie du comité d'organisation, a gentiment accepté de se livrer au jeu de l'entretien. Je le remercie.

Ronan, tu es un jeune scientifique en thèse, tu es bénévole au sein de la Science Académie et de Doc Up. Pourquoi as-tu choisi de t’engager aussi dans l’équipe du festival « Les chercheurs font leur cinéma » ?

Je suis arrivé en 2007 en tant que réalisateur pour la première édition du festival. Après avoir travaillé au Palais de la découverte pendant ma thèse, j’ai tout de suite été séduit par l’idée du festival. Expliquer un concept scientifique en 5 mn en utilisant en même temps le son, l’image et le texte, c’était complètement nouveau pour moi !

La première édition a été une vraie réussite, tant pour les réalisateurs que les organisateurs. Tous partis à  l’inconnu dans ce projet un an auparavant, lors de la cérémonie de clôture à  la Cité des sciences et de l’industrie, il y avait une vraie complicité entre nous. Je crois que j’ai pas réussi à  partir… Avec l’envie de découvrir ce qui se passait de l’autre côté du festival, il m’en fallait beaucoup plus pour rejoindre l’organisation de la deuxième édition !

Parles-nous donc un peu de ce festival : comment a-t-il démarré et quel est son but ?

Tout a commencé en 1999 avec l’association ADocs, l’association des doctorants de l’Université de la Rochelle. Partant du constat que la recherche scientifique reste trop souvent méconnue de l’ensemble de la population, ADocs a imaginé une manifestation tournée vers le grand public permettant d’expliquer les problématiques de recherche hors de l’enceinte de l’Université. Des films de 5 minutes réalisés par de jeunes scientifiques en thèse qui ont pour but de mieux faire connaître les enjeux de leurs recherches, l'intérêt de leur démarche scientifique, et la passion qu'ils ont de leur métier… la première édition du festival de « Très Courts Métrages de Vulgarisation Scientifique » était née. En 2007, Rennes (Nicomaque) et Paris (Doc Up’) se sont à  leur tour lancées dans l’aventure. « Les chercheurs font leur cinéma », c’est la version francilienne du projet !

A Doc Up’, ce qui nous a particulièrement motivés, c’est la conviction forte que les jeunes chercheurs peuvent être des acteurs clés pour créer des ponts entre la science telle qu'elle se fait et les citoyens telle qu'ils la vivent. Ainsi, le festival a pris la forme de projections-débats pour favoriser une vraie rencontre entre le public et les chercheurs qui ont réalisé ces films. Ces échanges sont l’occasion pour le public de découvrir une science en mouvement à  travers le quotidien des chercheurs mais aussi de clarifier des problématiques scientifiques qui sont au centre de nos choix de société (modifications génétiques du vivant, avancées en neurosciences, changements climatiques,…).

Une autre particularité de ce festival est son implication au sein des lycées. A travers les dix projections que nous organisons pendant ce festival, sept d’entres-elles sont dédiées aux lycéens (dont 5 dans les lycées eux-mêmes). On vient là  pour leur montrer des démarches scientifiques originales et dissiper quelques clichés. Ils croient trop souvent que la science s’arrête aux équations dans les bouquins... Lors des débats nous essayons de leur communiquer la curiosité et a créativité dont doit faire preuve dans notre métier. Et puis, il y a toujours les questions classiques : "C'est quoi une thèse ?", "Et à  quoi ça sert ?", "Mais vous faites quoi, en fait ?",…

Quelles sont les principales différences avec la première édition de l'an dernier, comment le festival a-t-il évolué ?

Pour la première édition on avait limité l'appel à  projet aux doctorants de l'Université Paris 6, et donc restreint les sujets aux sciences exactes. Malgré cette contrainte il y a avait déjà  une grande diversité dans les sujets traités. Le public a clairement plébiscité cet aspect comme un des points forts du festival. Pour continuer à  répondre à  cette attente lors la seconde édition, nous avons décidé d'étendre l'appel à  participation à  l'ensemble des écoles doctorales d'Ile-de-France, quelles que soient leurs disciplines.

Nous avons aussi réfléchi au moyen d'aider nos jeunes chercheurs à  réaliser leurs films. Nous leur avons ainsi proposer de suivre une formation de trois jours pour s'initier au travail de la vidéo (écriture, réalisation, tournage et montage). Avec un taux de participation à  ce stage supérieur à  50%, et au vue de la qualité de réalisation des films de cette année, on est plutôt satisfait de l'avoir fait !

Pour cette deuxième édition, nous avons souhaité soutenir nos efforts pour mettre en avant les films lors des projections grand public. Avec un festival en pleine Fête de la Science, nous sommes très heureux de participer à  l'ouverture nationale de la Fête de la Science au Grand Palais (14 novembre) pour la Ville Européenne des Sciences, et d'être présent tout au long de la semaine au sein de l'Université Pierre-et-Marie-Curie avec trois projections au Réfectoire des Cordeliers et à  Jussieu (les 19, 21 et 22 novembre).

Enfin, comme tout projet qui grandit, nous avons continué à  consolider nos acquis et développer de nouvelles voies pour se faire connaître. Avec une forte présence sur le web (films en streaming, relais sur de nombreux sites dédiés à  la vulgarisation,…), la bande-annonce du festival que nous avons mis en ligne sur Dailymotion est consultée constamment. On espère que ça va continuer !

Il y a de plus en plus de festivals de cinéma scientifique organisés en France (Pariscience à … Paris, Cinémascience à  Bordeaux), mais la plupart des films qui y sont projetés sont l'œuvre de documentaristes ou de cinéastes. Comment définirais-tu la « touche du chercheur » dans les films que vous allez diffuser cette année ?

Je ne sais pas si c'est aussi simple… Je crois que le format qu'on leur donne y fait beaucoup aussi. Les documentaires scientifiques de 5 mn, c'est pas encore très répandu ! Pour avoir parlé avec pas mal de réalisateurs, cette contrainte est énorme et elle les oblige a trouver des ressorts qui ne peuvent pas être ceux que l'on voit dans les documentaires de 52 mn. Ca va très vite et il faut expliquer des concepts a priori pas super simples… alors souvent l'idée c'est de jouer sur la complicité (discussion avec un ami, humour, clichés,…). La touche du chercheur, c'est surtout l'originalité de très courts-métrages associés à  la diversité des sujets de thèse ! En général, je crois que les spectateurs trouvent que ça apporte une certaine fraîcheur au domaine…

Sur le fond, la différence avec certains documentaires, c'est qu'il n'y a pas d'intermédiaires. Tout ce qui est dit est censé être une information maîtrisée et amène le spectateur sur un domaine bien précis. Finalement, peut-être que le plus important, c'est qu'on n’est pas là  que pour parler de l'actualité de la recherche française mais aussi pour montrer que pour nous il y a un vrai plaisir à  y travailler !

En discutant avec les chercheurs qui se sont lancés dans l'aventure, qu'as-tu appris sur ce que ça leur a apporté ?

Resituer son travail dans un cadre plus général, apprendre à  expliquer son sujet de recherche en quelques minutes, échanger et savoir répondre à  des questions inattendues... Ils en ressortent avec un recul sur le sujet de thèse qui est indiscutable ! C'est essentiel pour pouvoir mettre son travail en perspectives et renouveler sa pertinence. J'oubliais... une petite expérience dans la vidéo avec un film et des échanges sympas, ça compte aussi ?

On croise les doigts pour que le festival soit un succès et on lui souhaite bonne route... On se quitte sur une anecdote ou une petite histoire liée au festival ?

L'année dernière en tant que réalisateur, j'expliquais le rôle des nuages dans le climat (équilibre entre effet de serre et filtre de la lumière solaire) à  Garges-lès-Gonesse dans un lycées du Nord de l'Ile-de-France. Après cette explication, un élève m'a répondu « Ha ouais, mais c'est trop facile monsieur. Pas la peine d'avoir Bac +8 pour comprendre ça ! ». Il m'a fallu quelques minutes quand même, mais je me suis dit après qu'on n’est pas trop loin d'avoir rempli notre contrat.