Le changement climatique ne fait plus vendre
12
déc.
2008
En marge de la conférence sur le climat de Poznan (Pologne), Maxwell Boykoff et Maria Mansfield (Université d'Oxford) ont présenté le résultat d'une étude de la couverture médiatique du climat depuis 2004 dans 50 journaux de 20 pays (via Dot Earth).
Leur diagnostic est sans appel : la bulle a éclaté et on n'est plus du tout dans la configuration qui prévalait il y a quelques mois et années :
Pour Ulf von Rauchhaupt, journaliste scientifique à la Frankfurter Allgemeine Zeitung et blogueur, on peut interpréter cette nouvelle de plusieurs façons :
- du côté positif : les sceptiques ne pourront plus dire que le réchauffement est une mode qui vise à survendre sa recherche et obtenir en retour plus d'attention et de moyens ;
- du côté négatif : on pourrait reprocher aux médias de ne plus jouer leur rôle et de ne pas endosser la responsabilité qui est la leur ; mais que celui qui n'a pas zappé l'énième reportage ou article sur le réchauffement leur jette la première pierre. En fait, il faudrait que le réchauffement s'accélère toujours plus ou qu'il s'arrête soudainement pour attirer de nouveau l'attention.
Comme souvent, il est difficile de faire la part des causes et des conséquences dans ce phénomène : baisse de l'intérêt du public, essouflement des négociations internationales, retour à une situation de "science normale", situation économique actuelle devenue beaucoup plus pressante..., tous ces facteurs se mêlent pour peindre ce nouveau tableau. Mais surtout, nul ne sait comment cela va évoluer et l'effet que cela aura sur les perspectives climatiques. La Terre est déjà un système complexe, et c'est une science de l'hyper-complexe qu'il faudrait pour traiter du système {Terre + société}.
Commentaires
sur le graph du haut, peut-être y a-t-il aussi un effet Giec 2007: quand celui-ci a rendu son rapport, ca a généré beaucoup de presse, notamment pasqu'il y a eu beaucoup de réunions/conférences, à différents moments, il me semble. Sans ce "supplément" d'actualité climatique, peut-être revient-on un peu à la normale.
@Ice : Hypothèse intéressante, sauf que jusqu'au GIEC 2007 on voit une augmentation nette, et depuis ça dégringole : pas de retour à la "normale" pour moi, ou alors une normale d'il y a au moins 2 ans !
Et avant l'effet Giec, il y avait eu l'effet Al Gore en 2006. Mais si son film a été aussi populaire, c'était parce qu'il surfait lui aussi en partie sur une vague d'intérêt à l'égard des changements climatiques. Bref, cette étude Boykoff semble plausible: on vivait depuis environ 2003 un deuxième sommet de popularité à l'égard des changements climatiques, le premier ayant couvert en gros les années 1988-1992.
Paradoxalement, le journaliste Andrew Revkin (DotEarth), que cite Enro, et que j'avais brièvement rencontré l'an dernier dans une conférence, n'est pas convaincu que ce soit une mauvaise nouvelle: lui qui couvre pourtant le secteur environnemental depuis 15 ans au New York Times, considère que les médias se sont peut-être trop exclusivement concentrés sur les changements climatiques ces dernières années, et qu'il serait temps de passer à des sujets tout aussi graves, des sujets sur lesquels, de surcroît, les médias ont plus de prise. L'énergie, par exemple, des économies d'énergie aux énergies alternatives en passant par la dépendance au pétrole. (http://www.sciencepresse.qc.ca/node/22394)