La science, la cité

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Mot-clé : Futura sciences

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L'expertise, forcément politique...

Dans un débat sur le Forum Futura sciences, on m'a opposé le fait que les experts doivent être des spécialistes du domaine, nullement des personnes formées dans la gestion des risques, et que ces spécialistes étant objectifs il est ridicule de ne pas vouloir leur faire confiance. D'où mon besoin d'expliquer que toute expertise est forcément politique et dépasse le simple cadre hypothèses/expériences/conclusions de l'habitus des chercheurs. Et les plantes génétiquement modifiées (PGM) sont l'exemple même du fait que la gestion du risque est forcément politique.

Depuis le début (années 1990), l'évaluation des PGM (procédures d'autorisation, évaluation du risque) est basée sur le principe de l'"équivalence en substance". Celle-ci postule que les plantes obtenues par génie génétique ne sont pas par essence différentes des plantes obtenues par sélection végétale. De ce fait, une nouvelle variété PGM pourra être autorisé dès lors qu'elle est prouvé "équivalent en substance" à  une variété déjà  connue et homologuée, vis-à -vis de 4 critères :

  • caractérisation moléculaire
  • caractéristiques phénotypiques
  • nutriments
  • substances toxiques essentielles.

Or ce principe, comme son nom l'indique bien, n'est absolument pas scientifique (il est posé sans être démontré). Ou encore, il ne précise pas la limite quantitative de l'"équivalence en substance". Il a d'ailleurs été contesté par certains autorités et experts, voir Millstone et al. Nature 401:525-526 (7 octobre 1999).

Comme l'affirme Les Levidow de l'Open University dans « Expert Framings of Uncertainty : Regulating GM Crops in Europe. », Janvier 2002 (repris dans cette thèse p. 60) :

An apolitical risk assessment is impossible to achieve, since the relevant uncertainty is framed by agro-environmental norms, cause-effect models, and risk management assumptions. Regardless of its formal independence, risk-assessment advice cannot remain independent of public debate; regulatory procedures cannot credibly separate expert judgements from policy views. Therefore official expertise advice can help legitimize decisions only by publicly deliberating different accounts of the relevant uncertainties.

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La méthode scientifique en paroles et en actes

Il est intéressant de flâner sur les forums pour comprendre comment les scientifiques débattent avec des non-scientifiques : sans généraliser à  outrance, nous pouvons constater qu'ils réclament des preuves de l'habilitation de la personne à  parler de ce dont elle parle ("Puis-je savoir dans quel domaine de recherche travaillez-vous et a quel poste svp?"), des références bibliographiques venant appuyer toute affirmation ("Pourriez-vous indiquer quelques références sur les liens entre Révolution et technique?"), ils fuient comme la peste les généralisations abusives ("Soyez précis. Donnez des exemples.") et réclament à  corps et à  cris des démonstrations scientifiques ("Pour faire avancer le schmilblick, encore faut il ne pas faire passer des spéculations pour des quasi-vérités"). Il est difficile de leur en vouloir : c'est qu'on n'échappe pas facilement à  sa condition (et son statut) de scientifique !

Par contre, il est triste de constater que ces paroles et bonne intentions pour poser un débat sain et constructif ne sont pas toujours suivies d'actes... Ainsi, un modérateur pointilleux fait remarquer :

Il y a déja eu plusieurs avertissements sur la tenue de ce "débat". Jusqu'à  present la preuve est faite qu'il est impossible de discuter des OGM sans entrer dans des débats d'opinions qui n'ont rien de scientifiques. A vous de prouver le contraire.

Le voici réclamant donc un débat scientifique... en faisant de la prose pseudo-scientifique ! En effet, il dit avoir la preuve que, jusqu'à  présent, il est impossible de discuter des OGM sans entrer dans des débats d'opinions. Or ce n'est pas une preuve qu'il a, mais une conjecture fondée sur des (nombreuses ?) observations, qui n'attend qu'à  être mise à  l'épreuve par une expérimentation digne de ce nom. Ou par un simple contre-exemple, comme il nous invite à  en apporter !! Une vraie preuve, elle, serait un élément déterminant de la réflexion qui ne souffrirait pas un contre-exemple.

Pour l'exprimer autrement, on peut faire le parallèle avec l'histoire des cygnes : ce n'est pas parce que je n'ai jamais rencontré de cygnes noirs que j'ai la preuve qu'ils n'existent pas. Je peux juste faire la conjecture -- qui semble valide jusqu'à  présent -- que tous les cygnes sont blancs, en attendant de la valider ou de l'invalider d'une manière ou d'une autre !

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