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Mot-clé : cellules souches

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Histoire de blogs : la reprogrammation des cellules souches

Je vous promets des nouvelles d'Ecosse prochainement mais en attendant, et en profitant d'une connexion Internet gracieusement fournie par l'université d'Edimbourg par l'intermédiaire de François, voici l'actualité me concernant : l'article "Comment le Web révolutionne la recherche" paru dans le numéro de février offre une très bonne introduction à  la science 2.0 avec quelques mentions du C@fé des sciences et une interview de votre serviteur. Quant à  ma chronique de janvier sur la Radio suisse romande, la voici maintenant

Ces dernières semaines, on trouvait sur les blogs des discussions intéressantes portant sur les différents styles scientifiques, notamment en biologie : théoriciens et expérimentateurs s'opposaient chez Pablo Achard, fondamentalistes et utilitaristes s'opposaient chez Tom Roud et chez OldCola.

Concernant cette deuxième distinction, de quoi s'agit-il exactement ? Tom Roud nous apprend d'abord que les cellules souches reprogrammées, ou iPS, ont été désignées par la revue scientifique Science comme la découverte de l'année 2008. Cette méthode consiste à  introduire dans le génome des cellules un cocktail de gènes pour les œreprogrammer et les faire revenir à  l'état œinitial de toutes les cellules, celui de cellule souche, tout en se passant des embryons qui sont controversés des points de vue politique et éthique. Tom connaît bien ce sujet, très proche de ses travaux de recherche, et il a beaucoup blogué dessus les mois précédents, c'est-à -dire véritablement sur de la science en train de se faire.

Mais la vraie question ici, porte sur ce qui se joue autour des cellules souches iPS. En commentant l'interview de deux chercheurs proposée à  cette occasion par la revue Science, Tom Roud raconte qu'il voit quelque chose d'intéressant : Shinya Yamanaka, le chercheur japonais à  l'origine des iPS, essaierait de faire de la science avant tout, là  où George Daley, l'Américain aurait une approche beaucoup plus médicale et technologique. Ainsi, Yamanaka se pose des questions sur ce mécanisme de reprogrammation que l'on ne comprend pas du tout, alors que Daley et la recherche américaine sur les cellules souches préfèrent envisager toutes les applications des iPS et comment on pourra soigner des maladies dégénératives en reprogrammant des cellules pour reconstituer un organe abimé ou déficient.

C'est cette distinction entre chercheurs fondamentalistes et utilitaristes que conteste OldCola ; il avance, arguments à  l'appui, que Yamanaka s'intéresse autant aux applications médicales que George Daley et que ce dernier se penche aussi sur les mécanismes des iPS, non pas seulement pour la Gloire et la Science, mais aussi pour améliorer la technique et la rendre praticable pour la thérapeutique humaine ; et puisque les deux avancent ensemble, cette distinction entre fondamentalistes et utilitaristes est fausse. Du coup, Tom Roud a complété son premier billet en racontant son expérience du terrain : dans aucune des conférences auxquelles il a assisté, il n'a entendu George Daley ou des chercheurs américains sur les cellules souches dire ce que Yamanaka dit dans cette video, à  savoir qu'un des défis est de comprendre comment la reprogrammation marche vraiment ; il conclut en expliquant que selon lui, ce n'est pas un hasard si la technologie iPS n'a pas été inventée aux Etats-Unis : en effet, elle est le fruit d'un long travail d'exploration et de tâtonnement, plus proche de la recherche fondamentale que de la recherche biomédicale.

En conclusion, on a là  une discussion intéressante, autour de deux avis tranchés qu'il est difficile de départager. Surtout, comme cette conversation entre chercheurs se fait au grand jour, les blogs donnent à  chaque internaute la possibilité d'entrevoir les coulisses de la recherche scientifique et de s'interroger sur ses enjeux, qui sont le plus souvent passés sous silence.

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Nouvelles du front (4)

Je dois reconnaître que j'ai tardé à  écrire ce volume 4, d'où un sommaire très riche !

En janvier dernier, un article publié dans PLoS Medicine analysait 2856 évaluations (reviews) pour la revue Annals of Emergency Medicine, signées par 306 rapporteurs (reviewers) expérimentés. D'où il apparaît que le seul indicateur significativement corrélé à  un rapport de lecture de qualité est le fait d'avoir été formé il y a moins de 10 ans ou de travailler dans un hôpital universitaire. D'autres travaux avaient fait ressortir l'impact positif sur l'évaluation d'une formation en épidémiologie ou statistique ou avaient souligné que l'effet de la formation est faible et à  court-terme. Quand en plus on sait que le peer-review est souvent impuissant à  détecter la fraude ou les erreurs, le comité de rédaction de PLoS Medicine se permet de poser la question qui dérange : pourquoi s'embêter finalement avec le peer-review ? Les réponses ne manquent évidemment pas, ici comme chez eux !

Le 4 février, une dépêche de l'Agence Reuters faisait l'apologie d'un nouvel espoir de médicament contre le cancer. Katherine Schaefer aurait découvert par hasard qu'un régulateur de PPAR-gamma avait tué ses cultures de cellules tumorales. "On tient sans doute un nouveau médicament contre le cancer", pensa-t-elle alors... dès 2005 ! Rien de très nouveau, affirme le blog Spoonful of medicine. Alors pourquoi ressortir cette histoire aujourd'hui, et quel rapport avec les thématiques de ce blog ? Eh bien, il semble que c'est une attachée de presse zélée de l'université de K. Schaefer, qui a remis cette histoire au goût du jour saisissant l'occasion d'un nouvel article publié, et utilisant l'emballage attrayant de la "découverte par hasard". Or même cet excellent guide d'écriture d'un communiqué de presse scientifique passe sous silence la règle n° 1 : n'écrire un communiqué qu'à  bon escient, quand quelque chose de véritablement nouveau est publié, et sans sur-vendre !

Le 1er mars, le Journal of Clinical Investigation présentait sa nouvelle politique vis-à -vis des conflits d'intérêts. En soulignant bien qu'admettre un conflit d'intérêt potentiel ne signifie pas nécessairement qu'un auteur ou un résultat n'est plus crédible ; cela permet plutôt au lecteur d'interpréter les motivations et contributions d'un auteur ou d'une source de financement donnés à  la lumière de ces potentiels conflits.

Bibliothèque du MIT ©© nic221

Le 27 mars, un article signé par le comité de rédaction de PLoS Medicine revenait sur la pratique des revues systématiques (systematic reviews ou SR) de la littérature bio-médicale. A la différences des méta-analyses, il ne s'agit pas forcément de passer un ensemble de résultats à  la moulinette statistique mais de présenter de manière synthétique et critique l'ensemble des travaux relatifs à  une question bien précise. 2500 de ces revues systématiques sont désormais publiées par an, dont certaines qui sont de mauvaise qualité ou pas à  jour peuvent tromper, et la publication sélective de SR qui sont connotées politiquement — ou la non-publication de celles qui ont des résultats dérangeants — peuvent menacer leur crédibilité. D'où ces recommandations valables pour PLoS Medicine comme pour PLoS ONE.

Le même jour, GlaxoSmithKline était jugé coupable de manquements au Fair Trading Act néo-zélandais et condamné à  payer une amende de 217 500 $. Pourquoi ? Parce que les affirmations de GSK sur le contenu en vitamine C de sa boisson Ribena étaient erronées, comme l'ont montré... deux collégiennes de 14 ans ! A l'occasion de travaux pratiques sur la vitamine C, elles avaient constaté que les 7 mg / 100 mL prétendus par la publicité étaient indétectables. Un bel exemple de science amateur ou science populaire. (via le blog Improbable Research)

Enfin, un article du numéro du 29 mars de Nature creusait en détail la question de la réplication des résultats, en particulier dans le domaine des cellules souches. Où il apparaît que, à  l'image de travaux publiés en 1999 et en 2002 dont les résultats n'ont jamais pu être reproduits et qui font encore débat, c'est tout le domaine des cellules souches qui est sur la sellette. Parce qu'il est très "chaud" (enjeux économiques), sous haute-surveillance (enjeux éthiques et politiques) et fait appel à  du matériel très délicat à  manipuler, il semble en effet plus exposé que les autres. Et dans ces conditions, la fraude n'est jamais loin... Une bonne raison pour redoubler de prudence dans la couverture médiatique de ce type de travaux !

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