La science, la cité

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Nouvelles du front

Mise bout à  bout, l'actualité de ces derniers mois sur l'expertise, l'autorité et l'indépendance scientifique n'inspire pas confiance...

Lundi dernier, c'est PLoS Medicine qui publiait un article (en accès libre) sur le ghost authorship. Il est en effet connu que les auteurs qui apparaissent sur un article relatant les résultats d'essais cliniques ne sont pas toujours, ou pas toujours complètement, les auteurs qui ont conçu ou analysé l'essai voire écrit le papier. Pourquoi ? Parce que ces ghost authors (ou "nègres" selon la traduction du Monde) sont souvent des chercheurs de l'entreprise pharmaceutique en question, ou des écrivains freelance, qu'il est délicat de mettre sur le devant de la scène. Une pratique qui pourrait cacher des conflits d'intérêt dont le lecteur devrait être informé, et a pour cette raison été condamnée par le monde académique, des comités de rédaction et quelques entreprises pharmaceutiques. Les auteurs de l'étude ont analysé 44 essais cliniques approuvés en 1994 et 1995, dont les résultats ont été publiés entre 1997 et 2002 : 75 % d'entre eux ont une liste d'auteurs qui ne reflète pas la réalité du travail effectué. Parmi les nègres passés à  la trappe figure une grande proportion de statisticiens, ces employés qui conçoivent concrètement l'étude et sur lesquels repose finalement la significativité du résultat ! Ces pratiques existent aussi ailleurs qu'en médecine, comme dans les études sur l'environnement, voir l'exemple célèbre de l'histoire qui a inspiré le film "Erin Brockovich"… [via PAk, que je remercie, et Stayin' Alive]

En décembre dernier, on apprenait par Libération que Sir Richard Doll, décédé en 2005 et expert reconnu du lien entre tabac et cancer du poumon, aurait été gracieusement payé par Monsanto pendant plus de vingt ans. Dans les périodes fastes comme les années 80, il pouvait ainsi percevoir jusqu'à  1200 euros par jour ! Or Doll travaillait dans ces années-là  sur le fameux agent orange employé par Monsanto au Vietnam... en niant toute relation entre celui-ci et des cas de cancer ! Il aurait aussi touché 22 000 euros de plusieurs firmes de la chimie dont Chemical Manufacturers Association, Dow Chemical et ICI, pour avoir publié une étude assurant qu'il n'y avait aucun lien entre le chlorure de vinyle (utilisé dans les matières plastiques) et le cancer (sauf celui du foie), conclusion que l'OMS conteste toujours...

Enfin, en septembre, le Guardian rapportait une grande première : la British Royal Society, pour la première fois de son histoire, demandait publiquement aux entreprises soutenant des "instituts de recherche" niant le réchauffement de la planète (comme le Competitive Enterprise Institute (CEI) américain), d'arrêter de les financer. Cela concerne au premier chef ExxonMobil et sa filiale Esso, qui a distribué en 2005 2.9 millions de dollars à  pas moins de 39 groupes et instituts. On ne s'en étonnera pas, Exxon est aussi un gros sponsor du parti républicain et de ses candidats... [via Stayin' Alive]

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Une association obtient la rétraction d'un article frauduleux

La science progresse naturellement par tâtonnements ; des impasses succèdent à  des percées. Mais il est anormal que des percées se révèlent être des impasses parce qu'elles n'étaient que fraude. Dans le cas du Dr Hwang en Corée, la fraude sur le clonage a été démasquée par la communauté scientifique : le rôle de l'auto-régulation a joué à  plein. Or, dans un autre cas de fraude qui vient de se dénouer, c'est la surveillance de l'association Environmental Working Group qui a permis de mettre au jour l'affaire.

Il s'agit de l'histoire, désormais célèbre, qui a inspiré le film Erin Brockovich : l'entreprise Pacific Gas & Electric (PG&E), accusée de contaminer l'eau potable de la ville de Hinley en Californie par du chrome 6 et de provoquer des cancers en série, embauche la firme ChemRisk pour analyse et enquête. Cette société spécialisée s'intéresse aux liens entre maladies et chrome 6, et trouve un expert chinois retraité, Zhang, qui possède des données épidémiologiques de première main. Les données sont analysées par ChemRisk et les résultats publiés en 1997 dans un article du Journal of Occupational and Environmental Medicine. Aux noms de Zhang et Li, malgré l'opposition de l'expert. Les résultats publiés réfutent la présence d'un lien entre chrome 6 et cancers, dédouanent PG&E et sont repris par la suite par de nombreux panels d'experts donnant leur avis sur les critères des eaux potables en Californie...

L'association de chiens de garde (watchdogs) a découvert qu'en fait, les données avaient été manipulées et les résultats publiés contraires aux conclusions correctes. Point final de l'histoire, le Journal of Occupational and Environmental Medicine vient de rétracter l'article.

Avec une science qui accroit et complexifie ses rapports avec l'éthique, le politique, l'économique, les citoyens ont effectivement un rôle de premier plan à  jouer. Ils peuvent venir compléter l'auto-régulation, que la communauté scientifique a pris à  bras le corps en requérant désormais des auteurs une déclaration d'intérêts. L'exemple présent est hautement significatif, et symbolique.

[via Medical Writing Blog]

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