La science, la cité

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Nouvelles du front (4)

Je dois reconnaître que j'ai tardé à  écrire ce volume 4, d'où un sommaire très riche !

En janvier dernier, un article publié dans PLoS Medicine analysait 2856 évaluations (reviews) pour la revue Annals of Emergency Medicine, signées par 306 rapporteurs (reviewers) expérimentés. D'où il apparaît que le seul indicateur significativement corrélé à  un rapport de lecture de qualité est le fait d'avoir été formé il y a moins de 10 ans ou de travailler dans un hôpital universitaire. D'autres travaux avaient fait ressortir l'impact positif sur l'évaluation d'une formation en épidémiologie ou statistique ou avaient souligné que l'effet de la formation est faible et à  court-terme. Quand en plus on sait que le peer-review est souvent impuissant à  détecter la fraude ou les erreurs, le comité de rédaction de PLoS Medicine se permet de poser la question qui dérange : pourquoi s'embêter finalement avec le peer-review ? Les réponses ne manquent évidemment pas, ici comme chez eux !

Le 4 février, une dépêche de l'Agence Reuters faisait l'apologie d'un nouvel espoir de médicament contre le cancer. Katherine Schaefer aurait découvert par hasard qu'un régulateur de PPAR-gamma avait tué ses cultures de cellules tumorales. "On tient sans doute un nouveau médicament contre le cancer", pensa-t-elle alors... dès 2005 ! Rien de très nouveau, affirme le blog Spoonful of medicine. Alors pourquoi ressortir cette histoire aujourd'hui, et quel rapport avec les thématiques de ce blog ? Eh bien, il semble que c'est une attachée de presse zélée de l'université de K. Schaefer, qui a remis cette histoire au goût du jour saisissant l'occasion d'un nouvel article publié, et utilisant l'emballage attrayant de la "découverte par hasard". Or même cet excellent guide d'écriture d'un communiqué de presse scientifique passe sous silence la règle n° 1 : n'écrire un communiqué qu'à  bon escient, quand quelque chose de véritablement nouveau est publié, et sans sur-vendre !

Le 1er mars, le Journal of Clinical Investigation présentait sa nouvelle politique vis-à -vis des conflits d'intérêts. En soulignant bien qu'admettre un conflit d'intérêt potentiel ne signifie pas nécessairement qu'un auteur ou un résultat n'est plus crédible ; cela permet plutôt au lecteur d'interpréter les motivations et contributions d'un auteur ou d'une source de financement donnés à  la lumière de ces potentiels conflits.

Bibliothèque du MIT ©© nic221

Le 27 mars, un article signé par le comité de rédaction de PLoS Medicine revenait sur la pratique des revues systématiques (systematic reviews ou SR) de la littérature bio-médicale. A la différences des méta-analyses, il ne s'agit pas forcément de passer un ensemble de résultats à  la moulinette statistique mais de présenter de manière synthétique et critique l'ensemble des travaux relatifs à  une question bien précise. 2500 de ces revues systématiques sont désormais publiées par an, dont certaines qui sont de mauvaise qualité ou pas à  jour peuvent tromper, et la publication sélective de SR qui sont connotées politiquement — ou la non-publication de celles qui ont des résultats dérangeants — peuvent menacer leur crédibilité. D'où ces recommandations valables pour PLoS Medicine comme pour PLoS ONE.

Le même jour, GlaxoSmithKline était jugé coupable de manquements au Fair Trading Act néo-zélandais et condamné à  payer une amende de 217 500 $. Pourquoi ? Parce que les affirmations de GSK sur le contenu en vitamine C de sa boisson Ribena étaient erronées, comme l'ont montré... deux collégiennes de 14 ans ! A l'occasion de travaux pratiques sur la vitamine C, elles avaient constaté que les 7 mg / 100 mL prétendus par la publicité étaient indétectables. Un bel exemple de science amateur ou science populaire. (via le blog Improbable Research)

Enfin, un article du numéro du 29 mars de Nature creusait en détail la question de la réplication des résultats, en particulier dans le domaine des cellules souches. Où il apparaît que, à  l'image de travaux publiés en 1999 et en 2002 dont les résultats n'ont jamais pu être reproduits et qui font encore débat, c'est tout le domaine des cellules souches qui est sur la sellette. Parce qu'il est très "chaud" (enjeux économiques), sous haute-surveillance (enjeux éthiques et politiques) et fait appel à  du matériel très délicat à  manipuler, il semble en effet plus exposé que les autres. Et dans ces conditions, la fraude n'est jamais loin... Une bonne raison pour redoubler de prudence dans la couverture médiatique de ce type de travaux !

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Nouvelles du front (3)

Les eaux troubles de la science ne connaissent aucun repos, et ce blog continue de s'en faire le témoin dans la mesure du possible. Cette livraison est entièrement due à  PLoS Medecine, qui confirme son statut de "Monde Diplo de la médecine" (©© François).

On commence avec un article publié le 9 janvier dernier, décortiquant 111 études et tests cliniques publiés entre 1999 et 2003 et portant sur des sodas, jus de fruits et lait. 22 % d'entre eux étaient financés entièrement par l'industrie et 32 % en partie par l'industrie et en partie par le secteur public. Les auteurs ont trouvé une corrélation entre des conclusions positives et un financement privé (p = 0.037). Pour le sous-ensemble des articles de type recherche clinique ("interventional studies"), aucune étude financée entièrement par l'industrie ne rapportait des résultats défavorables aux commanditaires contre 37 % des études financées uniquement sur fonds publics (p = 0.009). Résultat qui transpose à  l'industrie agro-alimentaire ce que l'on savait déjà  à  propos de l'industrie pharmaceutique…

 Instituto de Fisiologàƒ­a Celular (Bartok Industries II), UNAM.©© Gazapo Feral

Le numéro du 27 février propose deux articles qui font suite, comme le souligne le communiqué de presse de PLoS, à  un article très remarqué publié en 2005 — où John P. A. Ioannidis développait l'idée que la plupart des résultats de recherche sont faux. Heureusement, le premier de ces deux nouveaux papiers montre statistiquement que la réplication des résultats rend plus probable la véracité des résultats. Rassurant, mais reste peut-être à  favoriser la publication de résultats répliqués dans les revues scientifiques, qui ne le font pas toujours… Le second article approche le problème différemment en calculant la probabilité de véracité à  partir de laquelle les résultats de recherche sont acceptable par la société. Cela parce que selon les auteurs, il est impossible d'obtenir une vérité absolue en recherche et donc la société doit décider quand des résultats imparfaits deviennent acceptables. Cette probabilité dépend des bénéfices espérés et des inconvénients éventuels du résultat en question, ainsi que du "regret acceptable" c'est-à -dire notre tolérance à  accepter des résultats qui sont en fait faux (sorte d'erreur de type II).

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Nouvelles du front

Mise bout à  bout, l'actualité de ces derniers mois sur l'expertise, l'autorité et l'indépendance scientifique n'inspire pas confiance...

Lundi dernier, c'est PLoS Medicine qui publiait un article (en accès libre) sur le ghost authorship. Il est en effet connu que les auteurs qui apparaissent sur un article relatant les résultats d'essais cliniques ne sont pas toujours, ou pas toujours complètement, les auteurs qui ont conçu ou analysé l'essai voire écrit le papier. Pourquoi ? Parce que ces ghost authors (ou "nègres" selon la traduction du Monde) sont souvent des chercheurs de l'entreprise pharmaceutique en question, ou des écrivains freelance, qu'il est délicat de mettre sur le devant de la scène. Une pratique qui pourrait cacher des conflits d'intérêt dont le lecteur devrait être informé, et a pour cette raison été condamnée par le monde académique, des comités de rédaction et quelques entreprises pharmaceutiques. Les auteurs de l'étude ont analysé 44 essais cliniques approuvés en 1994 et 1995, dont les résultats ont été publiés entre 1997 et 2002 : 75 % d'entre eux ont une liste d'auteurs qui ne reflète pas la réalité du travail effectué. Parmi les nègres passés à  la trappe figure une grande proportion de statisticiens, ces employés qui conçoivent concrètement l'étude et sur lesquels repose finalement la significativité du résultat ! Ces pratiques existent aussi ailleurs qu'en médecine, comme dans les études sur l'environnement, voir l'exemple célèbre de l'histoire qui a inspiré le film "Erin Brockovich"… [via PAk, que je remercie, et Stayin' Alive]

En décembre dernier, on apprenait par Libération que Sir Richard Doll, décédé en 2005 et expert reconnu du lien entre tabac et cancer du poumon, aurait été gracieusement payé par Monsanto pendant plus de vingt ans. Dans les périodes fastes comme les années 80, il pouvait ainsi percevoir jusqu'à  1200 euros par jour ! Or Doll travaillait dans ces années-là  sur le fameux agent orange employé par Monsanto au Vietnam... en niant toute relation entre celui-ci et des cas de cancer ! Il aurait aussi touché 22 000 euros de plusieurs firmes de la chimie dont Chemical Manufacturers Association, Dow Chemical et ICI, pour avoir publié une étude assurant qu'il n'y avait aucun lien entre le chlorure de vinyle (utilisé dans les matières plastiques) et le cancer (sauf celui du foie), conclusion que l'OMS conteste toujours...

Enfin, en septembre, le Guardian rapportait une grande première : la British Royal Society, pour la première fois de son histoire, demandait publiquement aux entreprises soutenant des "instituts de recherche" niant le réchauffement de la planète (comme le Competitive Enterprise Institute (CEI) américain), d'arrêter de les financer. Cela concerne au premier chef ExxonMobil et sa filiale Esso, qui a distribué en 2005 2.9 millions de dollars à  pas moins de 39 groupes et instituts. On ne s'en étonnera pas, Exxon est aussi un gros sponsor du parti républicain et de ses candidats... [via Stayin' Alive]

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Education scientifique et illetrisme médical

Cervantes a récemment blogué de manière intelligente en réaction à  un article en accès libre du New England Journal of Medicine. Quand celui-ci met l'accent sur l'illetrisme qui touche 14 % des américains et les empêche de lire les posologies des médicaments, Cervantes préfère s'attarder sur les adultes qui savent très bien lire mais éprouvent des difficultés pour comprendre les explications de leur médecin et finalement, les principes biologiques qui sous-tendent tout traitement.

Dans ses recherches, le blogueur a rencontré des douzaines de séropositifs qui ne comprenaient pas les notions de charge virale ou de résistance aux médicaments, croyant que cette dernière expression désignait la résistance du corps et non celle des virus. Sur 60 personnes interrogées, une seule a pu expliquer que les résistances apparaissent par processus d'évolution darwinienne. Or cette information est cruciale quand il s'agit de comprendre son traitement et ses implications sur le comportement en matière d'hygiène, de sexualité. Souvent, les médecins sont donc condamnés à  utiliser des métaphores militaires: les virus sont les "ennemis" et les médicaments les "soldats". Des métaphores bien trompeuses et plutôt méprisantes...

On rejoint là  une de mes préoccupations, l'éducation à  la science. Le présent exemple (et les exemples frappants comme celui-ci ne courent pas les rues !) montre bien que cette culture prend une importance croissante et que le niveau moyen des connaissances scienitfiques devrait s'en ressentir. A méditer...

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Laver ses fruits et légumes

Puisque le but de ce blog est aussi d'épingler les erreurs sur la science vus et lus à  gauche et à  droite, voici un cas intéressant, trouvé il y a deux jours :

Saviez-vous que les pesticides ne sont pas solubles dans l'eau ? Ce qui signifie que passer une pomme ou une tomate sous l'eau ne sert pas à  éliminer les agents toxiques. Il faudrait pour cela les frotter à  l'eau savonneuse.... je sais pas vous, mais moi je ne le fais pas...

Cette personne relaie donc une information dont elle a eu vent, qui semble avoir une réelle implication mais sans en tirer les conséquences qui s'imposent... Mais est-ce seulement vrai ? Manifestement non, puisque l'une des caractéristiques des pesticides est leur "cœfficient de partage octanol-eau", noté Log Kow, qui exprime justement la tendance à  être soluble plutôt dans l'eau ou plutôt dans l'huile. Et ce cœfficient varie selon les produits, on ne peut en déduire aucune généralité. Ainsi, l'abamectine est insoluble dans l'eau, le bromoxynil a une solubilité de 130 mg/L et le trichlorfon une solubilité extrêmement grande de 120 g/L ...

Bref, on peut continuer à  suivre les conseils habituels (Le Guide nutrition et santé, éd. Vidal) :

Pour les débarrasser de la poussière et des résidus de pesticides, les fruits et légumes frais doivent être nettoyés à  l'eau. Attention à  ne pas les laisser tremper trop longtemps, car ils perdent une partie de leurs sels minéraux et de leurs vitamines. Les melons, les pommes de terre ou les carottes peuvent être brossés.
L'épluchage permet d'éviter l'ingestion des pesticides et des fibres irritantes pour le tube digestif. Mais il élimine aussi des minéraux, des vitamines et des antioxydants contenus dans la peau des fruits et légumes. Mieux vaut donc faire des épluchures fines, se contenter de brosser ou gratter à  l'aide d'un couteau ou d'une éponge abrasive les légumes primeurs ; pour les courgettes, les aubergines et les concombres, laisser une partie de la peau. Chaque fois que possible, consommer la peau après un lavage soigneux.

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