La science, la cité

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Mot-clé : éthique

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Nouvelles du front (10)

Vous aviez entendu parler du classement de Shangaï, du classement de l'Ecole des mines mais pas du classement de Vincennes ? Les "Scientists of America" réparent cette injustice (attention, second degré !).

Si vous êtes un physicien, mathématicien ou biologiste théoricien, vous savez que mettre vos articles en accès libre sur arXiv donne un avantage compétitif et augmente la probabilité d'être cité. Mais comme ce comportement se banalise, il devient de plus en plus difficile de se démarquer des concurrents. Une solution : soumettre tout juste avant 21h00 (heure d'hiver de Paris), moment où la journée se termine pour les serveurs d'arXiv. Ainsi, vous apparaissez en haut des listes le lendemain et êtes plus cités, comme le montre un article paru en février dans les Publications of the Astronomical Society of the Pacific ! Evidemment, c'est plus facile pour les Américains que pour les Européens…

Le 29 février, Science reportait un cas de fraude en chimie analytique et environnementale. Le coupable, qui plagiait des articles très techniques et peu visibles, publiait à  un rythme effrené : 66 publications en 4 ans ! Son université indienne ne l'a pas démis de ses fonctions mais Pattium Chiranjeevi ne pourra plus endosser de responsabilités et son augmentation de salaire a été refusée. (lire également ici)

Rebelote deux semaines plus tard, à  propos cette fois d'un chercheur Coréen en vue qui avait fabriqué des expériences de toutes pièces pour ses articles parus dans Science et Nature Chemical Biology. Le plus embêtant : il avait créé une entreprise sur la base de ses pseudo-résultats, laquelle cherche déjà  comment se reconvertir...

Le 6 mars, le retrait d'un article publié dans Nature, dont les résultats se sont avérés non reproductibles, énerve. Des deux co-premiers auteurs, censés avoir fourni la même quantité de travail et partager la même responsabilité vis-à -vis de leur article, un seul est déisgné coupable et on nous dit que l'autre n'a quasiment pas contribué. Faudrait savoir… A lire chez Pablo aka blop.

Le 15 mars, dans sa chronique pour Le Monde 2, Pierre Assouline s'aventurait du côté de la neurofinance et notait : Elle a fait l'objet de quelques publications, mais exclusivement en anglais, preuve que le phénomène est inconnu chez nous. Quelqu'un peut-il dire à  Assouline que les chercheurs français publient aussi en anglais, et parfois même uniquement dans cette langue ? A titre d'exemple, Thami Kabbaj (université d'Orléans) est loin d'être un bleu en la matière, et avait déjà  analysé l'affaire Jérôme Kerviel sous cet angle

Le 22 mars, un article de Rue 89 racontait comment un article créationniste camouflé en une revue de littérature publiée dans Proteomics a été épinglé sur les blogs et comment les nombreux commentateurs de Pharyngula ont repéré tous les emprunts témoignant du plagiat. La double faute (créationnisme + plagiat) était caractérisée ! On se souviendra qu'en 2005, c'est sur un forum Internet que l'affaire Hwang avait décollé, ses participants s'exerçant à  démasquer les photos dupliquées et les données ADN d'embryons falsifiées. (via woody)

Une expérience prévue par le CERN en mai prochain pourrait détruire la Terre. Les internautes se mobilisent !

A l'opposé de 2006, 2007 aura été une année faste pour la communication scientifique en français : le prix Descartes a récompensé l'astrophysicien Jean-Pierre Luminet dans la catégorie "Ecrivain de l'année" et Delphine Grinberg, une des conceptrices de la Cité des enfants au sein de la Cité des Sciences et de l’industrie et auteur de livres scientifiques pour enfants, dans la catégorie "Communicant de l'année".


Je suis en lice pour le festival de l'expression sur internet, dans la catégorie "Blog politique / Expression citoyenne". Vous aimez mon blog et mes billets ? Merci de voter pour moi avant le 31 mars !

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Nouvelles du front (9)

Dans son numéro de janvier, le magazine de l'université Louis-Pasteur rapporte quelques témoignages de chercheurs sur l'ANR, qui fête ses 3 ans (pp. 18-19). Où il apparaît que des progrès ont été faits concernant les explications par les évaluateurs des projets refusés et que les projets "blancs" (sans thème imposé) permettent de belles réussites. A condition de trouver les bons gestionnaires ou consultants capables de répondre aux exigences administratives et financières de l'Agence… Et on retrouve toujours cette préoccupation : l'ANR finance surtout des projets appliqués, ce qui n'est finalement que le prix à  payer pour une aide financière conséquente. Mais quand un chimiste reçoit 80.000 € sur deux ans pour une étude pré-clinique permettant d’empêcher une molécule brevetée par l'université en 2004 de tomber dans l’oubli, il se demande : nous avons apporté des réponses aux questions des industriels, mais est-ce bien notre métier de faire de la recherche appliquée ?

Une nouvelle revue scientifique pour les créationnistes : Answers Research Journal (via P.Z. Myers). Qui commence déjà  à  publier des travaux "intéressants". Nature aussi en parle, se faisant le porte-voix de ceux qui conseillent de ne pas trop attaquer ce journal frontalement mais d'essayer plutôt d'informer le public...

Atlas of Creation par Harun Yahya ©© gravitywave

Le pape Benoît XVI a dû annuler une visite officielle à  l'université romaine La Sapienza, qui avait été organisée à  l'initiative de son recteur. Ceci face à  la fronde d'une fraction d'enseignants-chercheurs qui avaient exprimé leur mécontentement, rappelant qu'en 1990, le pape (qui n'était que cardinal) avait cité le philosophe des sciences Paul Feyerabend pour qui à  l'époque de Galilée, l'Eglise a plus obéi à  la raison que Galilée lui-même. Le procès contre Galilée était raisonnable et juste. (via physicsworld.com, je renvoie à  ce blog en anglais pour une discussion de l'affaire)

Le 15 janvier, un excellent article de Frank Furedi nous apprenait que dans le monde anglo-saxon, certaines personnalités comme Sir David Read (vice-président de la Royal Society) ne parlent plus de "science" mais de "the science" (la nuance est intraduisible mais disons que l'article "the" est inutile car la science est une entité abstraite, comme "freedom"). Ce que cela signifie ? Incontestablement, que le discours scientifique se pare de vertus moralisatrices et politiques… (via Kinga)

On a beaucoup parlé de comportements déviants aussi : la revue Nature a publié un article où deux chercheurs de l’université du Texas ont passé au crible d'un logiciel de comparaison de texte un échantillon de la fameuse base Medline. Ils cherchaient des similitudes, ils ont trouvé un peu plus de 400 cas de haute ressemblance (pour lesquels les sanctions ont commencé à  tomber). En extrapolant à  la base entière, il y aurait donc un peu plus de 1% de plagiat ou publications doublonnées dans la littérature scientifique. Puis Le Monde nous apprenait qu'une initiative française sous les auspices du CNRS vise à  établir un diagnostic sur la fraude scientifique dans le pays et proposer des remèdes.

Dans la revue Nature Biotechnology, deux chercheurs écrivaient en janvier en se demandant où la méthode scientifique s'en est-elle allée ? A leur grand regret en effet, il est de plus en plus difficile de trouver des descriptions claires et complètes des protocoles expérimentaux mis en oeuvre par les auteurs publiant dans les revues les plus en vue. Où le "choc" du résultat l'emporte sur la norme scientifique... La rédaction de la revue a répondu en lançant le débat. (via Nautilus)

Enfin, le C@fé des sciences s'agrandit avec deux nouveaux membres : le blog de ICE, placé sous le signe du réchauffement climatique, et le Webinet des curiosités, placé sous celui de l'éclectisme. Bienvenue à  eux et bonne lecture à  vous !

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Nouvelles du front (8)

Dernière livraison de l'année pour ces nouvelles du front à  parution irrégulière, qui avaient commencé en janvier. Que la formule vous plaise ou non, vous êtes invités à  le dire en commentaire. Mais je continuerai en 2008 de toutes façons, car à  moi elle me plaît :-p !!

Malgré ce que j'espérais en février, aucun Français n'a remporté le prix Descartes pour la communication scientifique cette année. Nous avons donc probablement encore beaucoup de travail et une bonne marge de progression, mais félicitations à  tous les gagnants !

Dans Le Monde du 20 septembre, Valérie Pécresse donnait sa vision de la science sous le titre "Avec la science, inventons l'avenir !". Certains ont été surpris de trouver, derrière un titre aussi bateau, un discours humaniste digne d'intérêt. Mais comme l'ont fait remarquer Eric Gall et Jacques Testard dans le même journal quelques jours plus tard, une fois le constat posé que la science est en crise et cette crise ne sera surmontée que si les scientifiques s'ouvrent à  la société, il est naïf d’affirmer, comme le fait la ministre de la Recherche, que les défis sanitaires et environnementaux auxquels nous sommes confrontés « resteront insurmontables si notre société ne renoue pas avec la confiance qu’elle accorde traditionnellement à  ses scientifiques (car) c’est d’eux que viendront les réponses que nous attendons aujourd’hui ». Ce texte de la ministre fit aussi beaucoup rire lors du colloque "Sciences en société" à  Strasbourg (voir la toute fin de cette intervention).

Elsevier, fameux éditeur de revues scientifiques, a ouvert en septembre un site spécialisé sur le cancer financé par la publicité. OncologySTAT vise les cancérologues en leur apportant toute l’information sur leur discipline, et l’accès gratuit aux publications de Elsevier (et aux autres, si elles sont aussi d’accès gratuit). Ils espèrent avoir 150.000 utilisateurs enregistrés en un an (dont l'annuaire pourra être vendu à  des tiers) et attirer des annonceurs spécialisés comme les entreprises pharmaceutiques. Hervé le Crosnier se demande : La science peut-elle y gagner quelque chose ?

Le New York Times a recensé l'opinion des candidats aux primaires américaines sur le réchauffement climatique. Certains candidats républicains ne sont pas piqués des vers (descendre en bas de la page)…

La source du financement d'une recherche et les déclarations d'intérêts des chercheurs se banalisent dans les revues scientifiques. Mais que se passe-t-il quand un article est repris par la presse généraliste ? Des chercheurs ont enquêté sur 1152 articles sur la science parus aux Etats-Unis en 2004 et 2005 dans des journaux généralistes. 38% d'entre eux mentionnaient l'origine du financement (qu'elle soit publique ou privée) et 11% les intérêts financiers des chercheurs (brevets, participation à  un conseil d'administration, poste de consultant), avec mention du nom du chercheur impliqué dans presque la moitié des cas. En regardant uniquement les articles de presse qui ne disaient rien, les chercheurs ont trouvé que dans 27% des cas l'information était disponible dans l'article scientifique original et n'a pas été reprise par le journaliste. On aimerait la même étude en Europe mais sur cette base seule, des progrès sont largement souhaitables…

J'ai déjà  mentionné James Hartley, dont les travaux portent sur l'écriture scientifique et ses codes. Si vous voulez l'aider, vous pouvez remplir ce questionnaire en ligne (qui vous prendra une dizaine de minutes) sur la lisibilité des abrégés (abstracts) d'articles scientifiques.

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Chacun à  sa place

L'ordre des auteurs qui signent un article scientifique, ou même la décision de qui doit apparaître comme auteur, est un enjeu loin d'être anodin : il en va de l'éthique du chercheur (tous les signataires sont censés endosser la responsabilité de l'article), de la garantie contre la fraude (dans l'affaire Hwang, un co-auteur n'était qu'un faire-valoir ; dans certains domaines en vue, les prête-noms sont communs) ou simplement du pragmatisme le plus déconcertant (quand on est dix à  avoir travaillé sur un sujet, comment savoir qui mettre en premier, puis en deuxième, en troisième etc. ?). Le sujet ressortait la semaine dernière dans la revue Nature, sous la plume de deux lecteurs.

Le premier contestait une proposition de ce même journal de faire signer à  l'auteur principal, pour chaque article, une déclaration qui engage sa responsabilité et celle des co-auteurs dont il certifie qu'ils ont relu l'article et sont en accord avec lui. Ce qui n'est pas nécessaire si la signature de l'article lui-même est suffisamment réfléchie et qu'elle est par exemple accompagnée d'une note sur la contribution exacte de chaque auteur. Cette pratique de plus en plus courante, adoptée par les plus grandes revues, permet en effet de trier entre les auteurs de prestige et ceux qui ont réellement travaillé.

Décrire la contribution de chacun n'est pas toujours aisée. Mais la quantifier et la pondérer au vu du résultat final l'est encore moins ! C'est pourtant ce que proposaient Christine Beveridge et Suzanne Morris : dans leur labo, l'ordre des auteurs se détermine désormais en fonction du poids attribué à  la contribution de chacun (deux graphiques pour Dr. X, un chapitre pour le thésard Y, la relecture pour le Pr. Z). Je me suis laissé dire qu'il n'y a rien de plus difficile que de mettre en regard l'écriture d'un chapitre avec un travail de manip aboutissant à  une figure, une idée originale ou l'apport d'un financement. Par contre, il peut être bénéfique de confier chaque article à  un chercheur, qui va distribuer les tâches puis les bons ou mauvais points. Un principe de gouvernance efficace, en quelque sorte. C'est en tous cas l'avis d'Umesh Chandra Lavania (qui est "végétaliste" comme le sont Beveridge et Morris, est-ce un hasard ?), qui surenchérissait ainsi dans Nature.

Voilà  donc où les chercheurs en sont de leurs réflexions, je ne sais pas ce que vous en pensez…

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Une association dénonce les manquements d'une université

J'ai déjà  souligné ici les contributions importantes des groupes de vigilance (watchdogs) pour la transparence et l'éthique dans la recherche. C'est particulièrement vrai lorsqu'il s'agit de dénoncer des collusions d'intérêts, des pressions inavouables ou des manquements à  l'éthique.

Il y a un peu de tout cela dans l'affaire de l'université A&M du Texas, comme le raconte le magazine Scientific American dans son numéro d'août. Tout commence en février 2006 quand une étudiante mal équipée nettoie un laboratoire de niveau P3. Le laboratoire travaille sur la brucellose et elle attrape cette maladie mortelle, classée comme arme biologique potentielle par le gouvernement américain. L'étudiante tient alors le lit pendant plusieurs semaines, ignorant la raison de ses fièvres. Quand son docteur diagnostique la brucellose deux mois plus tard, elle en informe l'université, qui garde le silence (alors qu'elle est censée en informer le CDC) et attend un an avant de rendre compte de l'incident... sous la pression du Sunshine Project, une association de chiens de garde sur les armes biologiques. Celui-ci avait menacé l'université de tout dire si elle ne le faisait pas elle-même, et la poursuit maintenant devant la justice : l'université risque une amende de 500 000 $ et jusqu'à  250 000 $ par personne qui aurait tu l'incident.

Le même article nous apprend que ces contaminations, bien que rares, ne sont pas inexistantes. Espérons que l'exemple ci-dessus inspirera les autres organismes de recherche ou université à  qui cela devait arriver, malgré la pression très forte qui les pousse à  ne rien dire pour sauver leur image et permettre aux laboratoires de niveau P3 ou P4 de continuer !

Mà J 04/10 : Quinze jours après mon billet, la revue Science abordait également cette affaire en posant la question : "Nos laboratoires de recherche en biosécurité sont-ils sûrs ?"

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