Les nouvelles et romans de P. K. Dick qui mettent en doute la nature de la réalité prolongent des interrogations philosophiques anciennes : on pense par exemple àPlaton et son allégorie de la caverne ou àDescartes et son doute systématique. Or ces références sont conscientes chez cet auteur comme le montre ce passage de la nouvelle Le Monde qu'elle voulait :

"Voyez-vous, Larry, je sais une chose que personne d'autre ne sait dans ce monde-ci. Je l'ai apprise quand j'étais petite. Une chose qui…
— Minute. Que voulez-vous dire par "dans ce monde-ci" ? Qu'il y en a de plus beaux ? De meilleurs ? Comme chez Platon ? Que ce monde-ci n'est qu'une…
— Pas du tout !" Allison fronça les sourcils. "Nous vivons dans le meilleur des mondes, Larry. Le meilleur des mondes possibles. (…) C'est mon monde ; il n'appartient qu'àmoi. Avec tout ce qu'il contient. Les gens, les choses… tout y est àmoi. (…) Vous ne saisissez donc pas ? Tout cela est àmoi. Toutes ces choses sont làpour moi, pour mon bonheur exclusif."
Larry s'écarta imperceptiblement. "Ah bon ? Vous savez, comme principe philosophique, ça reste difficile àsoutenir. Je l'admets, Descartes a dit que seuls nos sens nous permettaient de connaître le monde, et que ces sens reflètent notre propre…"

De cette idée nous ne sommes pas loin dans le court mais délicieux roman La Secte des égoïstes d'Eric-Emmanuel Schmitt. Il y met en scène un certain Languenhaert dont la théorie philosophique égoïste soutient que les choses ne sont "qu'en lui, que par et pour lui" :

Ainsi, disait-il, soit que je m'élève jusque dans les nues, soit que je descende dans les abîmes, je ne sors point de moi-même, et ce n'est jamais que ma propre pensée que j'aperçois. Donc, le monde n'existe pas en soi, mais en moi. Donc, la vie n'est que mon rêve. Donc, je suis àmoi seul toute la réalité…