Madame, monsieur

je viens d'tre avis de votre action qui s'oppose aux arguments dploys par l'UIPP dans son actuelle campagne de communication. Or, si vous reprochez l'UIPP d'employer des arguments contestables, votre propre argumentation est scandaleusement malhonnte, illogique et criminelle.

1) En ce qui concerne la qualit nutritionnelle des produits bio, vous opposez l'UIPP un extrait du rapport de l'AFFSA, qu'elle-mme cite. Au-deldu danger d'extraire une phrase d'un rapport consquent, complet et dont la rdaction fut affaire de compromis, votre citation n'taye en rien votre affirmation. Vous entendez montrer que les produit issus de l'agriculture biologique possdent de meilleures qualits nutritionnelles que les produits issus de l'agriculture conventionnelle, et vous argumentez ainsi :

Le rapport dit en effet clairement que : Le mode de production biologique, en proscrivant le recours aux produits phytosanitaires de synthse, limine les risques associs ces produits pour la sant humaine et concourt une moindre pollution environnementale, notamment de la ressource en eau. (p 128).

Or un lecteur un tant soit peu avis voit bien l'absence de lien logique entre les deux affirmations. Est-ce dire que vous prenez vos militants et les citoyens pour des imbciles ? Je n'oserais y croire...

Ce qui ressort de votre citation, et ce qui fonde le principe de l'agriculture bio (AB), c'est son "respect de l'environnement", et aucunement un bnfice apport au consommateur (il s'agit d'un malentendu propre la France). Et encore, j'ai mis "respect de l'environnement" entre guillemets puisque celui-ci est cens tre le principe de base, mais que n'taye aucun travail scientifique : les critres du bio sont compltement arbitraires. A telle enseigne que, pour revenir aux produits phytosanitaires, un produit homologu en AB en Allemagne peut ne pas tre homologu en AB en France. Donc il y a autant d'agricultures bio que de visions de l'agriculture bio. Or celle-ci mme est contestable : comment prtendre respecter l'environnement en dcidant de ne pas utiliser de pesticides de synthse si c'est pour, dans le mme temps, employer des doses massives de cuivre ("bouillie bordelaise") qui a un profil toxicologique horrible et s'accumule de manire dsastreuse dans nos sols, et notamment le sol de nos vignobles, contribuant une pollution irrversible...

2) En ce qui concerne l'emploi des pesticides de synthse, vous affirmez que ce n'est pas indispensable. Lencore, les arguments que vous opposez l'UIPP sont bass sur quelques exemples (la Sude, le Danemark, l'Afrique), srement avrs mais loin d'tre significatifs dans le dbat et le contexte actuel. La France est le deuxime exportateur de denres agro-alimentaires dans le monde, premier producteur europen (donc bien diffrent du Danemark et de la Sude) et fer de lance d'une innovation agricole et agronomique de grande ampleur. C'est aussi le premier producteur de vins du monde or les vignes sont trs consommatrices de produits phytosanitaires. Pour atteindre ce rsultat, qui permet l'industrie agro-alimentaire d'tre le premier secteur conomique du pays et donc le premier crateur d'emplois, l'agriculture franaise a beaucoup bnfici des progrs de l'industrie phytosanitaire, ne vous en dplaise. Il serait injuste de tout mettre sur le dos des pesticides sans mentionner ce qu'on leur doit : amlioration du travail au champ (vous ne savez pas ce que c'tait de biner des hectares et des hectares pour dtruire les mauvaises herbes), augmentation du rendement en France comme dans les pays en voie de dveloppement (les pertes mondiales dues aux ravageurs des cultures sont estimes entre 15 et 40 % chaque anne), amlioration de la qualit des produits (parce que, oui, les consommateurs rclament des pommes sans dgt de carpocapse ou de tavelure et qu'actuellement, seuls les pesticides permettent cela), importante contribution la scurit alimentaire (sans les pesticides, les mycotoxines serait un trs grave problme de sant publique) etc.

C'est ce qu'ont permis les pesticides de synthse. Mais les agriculteurs et les firmes phytosanitaires sont comme vous et moi : ils prfrent viter de polluer (et, de toutes faons, y sont de plus en plus contraints : PAC, directives nitrates, cahiers des charges des marques et de la distribution). Donc les mthodes de lutte alternative se dveloppent ; de la recherche l'exprimentation, la lutte biologique notamment se met au point, et les firmes phytosanitaires ne sont pas les dernires s'y intresser : c'est l'avenir !! Et l'UIPP, qui dfend toutes les firmes phytosanitaires adhrentes (dont Gomar, qui fabrique le Physiomer dont on se sert pour se dboucher les narines ainsi que des pesticides naturels issus d'algues marines), dfend aussi ces produits. Mais en attendant que leur utilisation se gnralise et ait une relle efficacit, l'emploi de pesticides de synthse est encore ncessaire.

3) L'argumentation contre votre point n 3 est plus subtile et, parce que lgrement scientifique, ne passerait pas la tlvision. Laissez-moi donc m'en expliquer ici. Vous affirmez que les pesticides ont des niveaux de toxicit levs. Ce n'est pas (toujours) faux. Mais une toxicit leve, et donc un danger lev, ne signifie pas un risque lev puisque le facteur exposition intervient entre les deux. En effet, les usines classes Svso sont dangereuses. Mais on peut habiter ct, la probabilit de la catastrophe tant faible. Les listrioses peuvent tuer mais on ne s'empche pas de manger pour autant car le risque d'avoir une denre contamine par Listeria est faible. L'oxygne peut tre mortel galement, trs forte dose. Idem pour le sel de table !!

Ainsi, pour ce qui est de la toxicit pour le consommateur : les homologations de pesticides sont soumises un dossier dans lequel le dposant fournit les rapports dtaills de tests de toxicit aigu, subchronique, chronique, gnotoxicit, tratogense, tude de la reproduction sur plusieurs gnrations, tude du mtabolisme. A partir de ces tests, le Comit d'homologation donne ou non l'homologation et dtermine les nombre de traitement, dlai avant rcolte, limite maximale de rsidus : ce sont des limites rglementaires, calcules pour tre en cohrence la fois avec les pratiques agricoles et avec les considrations sur la sant, notamment par le biais de la DJA (dose journalire acceptable). Le tout tant fait de telle sorte qu'avec une consommation moyenne (estime par l'AFSSA, qui est surestime si l'on procde au lavage, pluchage qui soustraient une bonne partie des rsidus de pesticides), on ingre entre 0 et 40 % de la DJA, qui elle-mme est calcule avec un facteur de scurit 100 10000 par rapport aux doses qui, si elles sont ingres de manire constante sur une longue priode, peuvent entraner la mort ou plus prosaquement avoir des effets dltres, tratognes etc (comme vous le dites si bien). Bref, il y a loin de la coupe aux lvres, et les marges de scurit et les calculs effectus cartent tout risque rel pour le consommateur. Sachez galement que la France est connue pour tre le pays du monde le plus exigeant en matire d'homologation de produits phytosanitaires.

Pour ce qui est de la toxicit pour l'environnement, elle est dtermine selon des tudes longues et coteuses, souvent difficiles, mais qui permettent de refuser ou accepter une homologation, de prciser les doses applicables au champ, les effets sur l'environnement etc. Or il y a dans ce domaine un progrs incontestable des produits phytosanitaires, dont le mode d'action, la dose, le nombre de traitements, la formulation, le traitement au champ ont t amliors normment dans le but d'en rduire l'impact environnemental. De nouvelles familles de pesticides sont en dveloppement, et mme de toutes nouvelles voies qui ont un rel intrt cologique, comme les stimulateurs des dfenses naturelles des plantes. A l'inverse, l'agriculture bio qui vous est chre utilise toujours son cher soufre et son cher cuivre, certes d'origine naturelle mais affreusement pollueurs et toxiques.

Sans compter que cette phobie du risque (lie au principe de prcaution ?) nous amne effectuer des tudes chres et longues sur la quantit de pesticides dans l'air que nous respirons, alors que cette question a t djcarte et juge non-avenue par les autorits d'autres pays europens. En effet, qu'est-ce donc par rapport toutes les autres substances toxiques qui se trouvent dans l'air et qui, trs souvent, viennent du fait mme du citoyen qui est le premier s'alarmer ?

Je comprends que votre ambition soit d'avertir le citoyen et c'est tout votre honneur. Cependant, une campagne comme la vtre me semble dangereuse, base sur le mensonge et menacer des dcennies de progrs vers une agriculture plus raisonne et l'coute des consommateurs et citoyens. Les pesticides ne sont certes pas des enfants de chur, il reste des problmes rsoudre (comme la gestion des fonds de cuve, la scurit de l'applicateur etc.) mais les points sur lesquels vous appuyez ne sont malheureusement pas les bons. C'est pourquoi je ne me gnerai pas pour le faire savoir autour de moi, et serais prt en discuter avec vous, par exemple au Salon de l'agriculture ce jeudi, si vous avez le courage de vos affirmations et tes prt les dfendre jusque l. Car si vous avez un combat mener, c'en est un mauvais que vous avez choisi. Pour reprendre la phrase d'un illustre prdcesseur, vous vous trompez de colre.

P.S. Je prfre souligner que je suis lve-ingnieur en agronomie, en spcialisation "Protection des plantes". Ainsi, toute transparence sera de mise entre nous. Plutt que de me desservir et que vous voyiez en moi un "suppt de Satan", mon statut devrait mme venir appuyer mes affirmations s'il y a encore, dans ce pays, un peu de respect pour les scientifiques et la science...