La hausse estivale des températures (au moins dans certaines régions) incite à  parler de sujets rafraîchissants, comme la recherche polaire (particulièrement en cette année polaire internationale). La recherche en Antarctique est décrite par la romancière Marie Darrieussecq dans White (Gallimard Folio, 2005) avec, on l'imagine, beaucoup de justesse :

Pete Tomson désœuvré se penche sur l'œilleton du carottage. Il ne voit rien, évidemment, puisque l'œil humain ne peut rendre compte d'un boyau long de trois kilomètres et pas plus large que deux mains en cercle, d'un carottage, donc, surtout qu'il y a encore quelques semaines le mot "carotte" n'évoquait pour lui que "légume" et "orange". (…) Comme on approche du but on a abandonné foreuse, rotors et lubrifiants, pas question de polluer l'eau avec du glycol ; on descend une tête chauffante hi-tech, qui fond proprement la glace au bout d'un câble. (…) Les tronçons de carotte sont classés dans un congélateur selon l'ancienneté de la glace : moins mille ans, moins deux mille ans… à  mesure qu'on descend on croise les Romains, Cro-Magnon, Lucy — et puis plus personne sans doute, des dinosaures, des algues, des amibes, et puis vraiment plus personne, n'importe quoi, des gaz, de la lave, de l'inimaginable, du truc, rien qui offre une prise… (p. 116)

Into the ice shelf ©© sandwichgirl

Plus prosaïquement, voyons un peu comment se constitue cette recherche. Ma source : un article de scientométrie de 2005 [1].

Les pays les plus actifs sur le continent Antarctique, d'après le nombre de publications, sont les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie (qui vient en voisine), l'Allemagne, l'Italie et la France ; tous sont signataires à  titre consultatif du Traité sur l'Antarctique (ATS). En fait, tous les membres du top 20 sont des parties consultatives, à  l'exception du Canada. Des parties non-consultatives comme le Canada, le Danemark, la Suisse, l'Autriche, la Hongrie et la République tchèque n'en sont pas moins actifs sur le continent. Et même des pays qui n'ont pas ratifié l'ATS comme l'Irlande, Israel ou Taïwan envoyent des chercheurs. Ce qui constitue un total d'environ 4 000 scientifiques !

Malgré la présence de 37 stations de recherche occupées toute l'année, opérées par 20 pays, les collaborations internationales sont de plus en plus fréquentes. Ainsi, en dehors des recherches traditionnelles sur le climat, l'atmosphère ou la faune (notamment en Terre Adélie), la nouvelle station Concordia que partagent la France et l'Italie est idéale pour des observations astronomiques précises. Eric Fossat en avait longuement parlé dans l'émission "Continent sciences" ; il avait notamment expliqué que l'Australie, invitée à  titre gracieux à  participer à  ce programme, est exclue depuis que des chercheurs australiens ont publié des résultats sans remerciement ou co-signature des chercheurs français et italiens... Des chercheurs travaillent également à  la détection de neutrinos ou la découverte de météorites !

Allez, quittons-nous sur un autre extrait de Marie Darrieussecq :

C'est une seule longue journée : avec une aube, une aurore : un soleil qui pointe… effectue son cercle… replonge légèrement… se lève un peu plus haut, à  chaque tour un peu plus haut… sur une bonne cinquantaine de journées humaines, rose et orange.
Puis il reste accroché : Nord, Est, Sud et Ouest, autour de la calotte blanche. Le ciel est jaune pâle, diffus, bleu dans la hauteur. Ca dure une centaine de journées humaines. Puis la courbe se creusera, à  chaque tour plus sinusoïdale, le soleil finira par toucher, par s'enfoncer, par disparaître, et ce sera le crépuscule.
Ensuite, la nuit pour plusieurs mois, pendant qu'il fait jour au pôle Nord. C'est comme ça que ça marche, sur cette planète. (p. 65)

Au pôle sud ©© zutalegh

Bonnes vacances, rendez-vous en septembre !

Notes

[1] Prabir G. Dastidar et Olle Persson (2005), "Mapping the global structure of Antarctic research vis-à -vis Antarctic Treaty System", Current Science, vol. 89, n° 9, 10 novembre, pp. 1552-1554 (version PDF)