La science, la cité

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Mot-clé : démocratie scientifique

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Lecture printanière : "La science pour qui ?" sous la direction de Janine Guespin-Michel et Annick Jacq

Coordonné par deux chercheuses en biologie et microbiologie mais co-écrit avec cinq autres, ce petit livre paru fin 2013 s’inscrit dans la collection “Enjeux et débats” de l’association Espaces Marx et des Éditions du Croquant. Il synthétise des années de débat et d’analyse au sein d’Espaces Marx (en lien avec d’autres mobilisations) visant à replacer les difficultés de la recherche publique à la fois dans le cadre d’un capitalisme financiarisé en mal d’innovation et dans celui du déficit démocratique marquant les relations entre la science et la société (p. 13). On sent les auteurs passionnés par ces questions, convoquant tour à tour des travaux académiques de philosophie des sciences ou des ouvrages plus « grand public », le programme de certains partis politiques ou les conclusions d’un Conseil européen récent.

Les auteurs structurent leur ouvrage de façon thématique, avec quatre parties encadrées d’une introduction et d’une conclusion. Je vais essayer ici de rendre compte plutôt de la progression logique de leur argumentation.

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La première partie du livre s’attache à un état des lieux de la recherche française et occidentale. Revenant au tiraillement historique des sciences entre une autonomie nécessaire et une dépendance à l’égard des financeurs et des attentes de la société, ils traitent d’abord de cette question délicate de l’autonomie : la revendication du retour à l’autonomie imprègne une partie de la communauté scientifique (p. 20). Elle trouve des relais dans les mouvements de chercheurs comme “Sauvons la recherche”, qui s’opposent aux normes externes de rentabilité et d’efficacité imposées par le “nouveau management public” (p. 22). Mais comment faire abstraction de l’intrication très forte entre sciences et technique (à visée économique) ?

Les auteurs nous amènent alors à étudier les rapports entre sciences et technique. La technique, écrivent-ils, est consubstantielle à l’humanité en ce qu’elle est partout présente dans nos actes quotidiens, tout ce qu’on sait faire, ce qu’ont transfère à des outils, et le rapport qu’on établit avec eux (p. 23) — au-delà même des activités de production. Vers 1820, les grandes écoles d’ingénieurs ont développé le concept des sciences appliquées pour désigner les techniques mises en œuvre dans l’industrie naissante (p. 25). C’est là qu’est née l’idée de techniques de productions rationnelles — comme directement issues des sciences —, devenue un des thèmes centraux du libéralisme puis de l’esprit républicain. Aujourd’hui, le terme de « technologie », plus noble, a remplacé chez les élites celui de « technique », d’où sont exclues les sciences humaines et sociales. Et dans la guerre économique mondiale, la technologie est devenue la base de la compétitivité avec le mot-clé « innovation ».

Les auteurs s’attaquent alors à cette notion d’innovation, qui apparaît au sein du vocable « recherche et innovation » comme l’alpha et oméga des relations entre science et société. L’occasion de rappeler la stratégie de Lisbonne lancée en 2000 par le Conseil européen, pour faire de l’Europe la première « économie de la connaissance » du monde. De fait, l’innovation se retrouve placée au cœur de l’économie, et la recherche devient un maillon essentiel de la prospérité économique. Toute la recherche publique s’oriente alors dans le but de produire des innovations, la recherche fondamentale étant même réduite à des champs disciplinaires susceptibles de produire de l’innovation à très court terme, et la R&D privée reportée sur le public avec des dispositifs comme le Crédit d’impôt recherche (CIR). L’imprévisibilité et le hasard heureux (sérendipité), qui seuls peuvent déboucher sur du vraiment neuf, n’existent plus. Le champ libre est laissé à une économie de la promesse, basée sur la promesse de bienfaits sans précédent pour l’humanité, tellement spéculative qu’elle contribue à générer des bulles technologiques qui finissent forcément par éclater (p. 34). Alors qu’une innovation doit rencontrer un imaginaire social pour trouver son marché, les politiques d’innovation actuelles échouent à la fois à engager le consommateur pour définir des valeurs d’usage définies collectivement, et à trouver dans le citoyen un soutien acceptant les risques engendrés par les innovations.

C’est alors que les auteurs abordent la question des publics de la science (au sens de John Dewey) : comment peuvent-ils investir les questions posées par la science et ses effets qui les concernent ? (p. 50). Sur le plan de l’éducation, la culture technique reste une « culture du pauvre » distinguant les filières professionnelles et techniques des filières générales, alors même que toute culture générale devrait inclure une réflexion sur la technique. Les actions de culture scientifique, technique et industrielle (CSTI) vont dans ce sens mais elles restent notoirement insuffisantes (en quantité ou en qualité, les auteurs ne le précisent pas). Sur le plan de l’intervention citoyenne, le débat sur les choix scientifiques et techniques reste confisqué ou exclut les profanes, laissant dans la course les seules associations dont les membres, professionnellement ou socialement, sont très proches des producteurs de science et de technologies (p. 54). L’expert est valorisé voire sacralisé, quand bien même la spécialisation des formations scientifique et la césure entre sciences de la nature et sciences humaines revient à faire des scientifiques des êtres quasiment incultes dans tous les domaines dont ils ne sont pas spécialistes, des ingénieurs formatés, (…) ou des décideurs sans formation scientifique (p. 55).

Après cet état des lieux de la recherche scientifique, les auteurs reviennent sur les mobilisations et les luttes des quinze dernières années. Qui se souvient que l’European Research Council, destiné à soutenir la recherche fondamentale, fut un cadeau de l’Union européenne aux chercheurs en colère (p. 40) ? Que l’Unesco publia en 1998 une Déclaration mondiale sur l’enseignement supérieur pour le XXIe siècle, si humaniste et opposée à l’éthique néo-libérale (p. 106) ? Que le syndicat de l’enseignement supérieur SNESUP a participé en 1998 à la création de l’association Attac, puis en 2000-2011au lancement du Forum social mondial (avec le syndicat de la recherche SNCS) ? Les luttes décrites par les auteurs, dont les mouvements Sauvons la recherche (2004) et Sauvons l’université (2009), sont mues par l’idée que la recherche est un bien commun universel, qui ne peut être défendu que dans le cadre d’un service publics (p. 61). Malheureusement, elles n’ont pas toujours été couronnées de succès : les recommandations des états généraux de la recherche conclus à Grenoble en octobre 2004 ont été perverties par les équipes ministérielles successives en charge de la recherche (…) au bénéfice de la stratégie de Lisbonne (p. 64) et si les mesures portant atteinte à l’indépendance statutaire des enseignants-chercheurs ont été retirées, aucun des autres aspects de la loi Pécresse n’a été modifié. Quant aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche organisées à l’automne 2012, des promesses ont été faites à la communauté scientifique dont il ne reste à peu près rien (p. 65).

Enfin, les auteurs énoncent un ensemble de propositions qui sont autant de pistes pour redéfinir l’entreprise scientifique. Admettant avec humilité que leur réflexion les a conduits à faire face à de nombreuses contradictions, tensions, difficultés (p. 16), et à défaut de pouvoir en donner des résolutions définitives, ils proposent des leviers pour avancer, dans un esprit de pluralisme et de diversité. Ainsi, ils recommandent d’abord de recontextualiser la recherche, les chercheurs se devant d’être impartiaux mais pas d’être neutres : à eux de tenir compte de tout le contexte d’actions, de valeurs, de représentations, d’expériences (p. 86) dans lesquels s’insère le phénomène qu’ils étudient — une notion empruntée au philosophe Hugh Lacey, mais aussi à la philosophie féministe des sciences. Ils décrivent également la recherche participative, tout en pointant ses limites. Ils proposent de redonner du sens à la notion de science comme bien commun (l’une des co-auteurs du livre, Danièle Bourcier, est responsable scientifique des licences Creative Commons pour la France). Ils défendent l’importance d’un débat citoyen pour définir les priorités de recherche (et pas seulement trancher les choix techniques), qu’ils ne veulent pas confier aux seuls scientifiques. Ils invitent les travailleurs scientifiques et les citoyens à se rencontrer pour inventer une démocratie scientifique, et convoquent les militants des mouvements sociaux et des partis de gauche pour qu’ils s’emparent des questions scientifiques au lieu de les déléguer aux seuls scientifiques — et, ce faisant, aux détenteurs du capital (p. 103).

Le cri central de l’ouvrage est un appel à la vigilance citoyenne pour résister contre les risques et les dérives de la technoscience, et pour le développement de recherches “libres” (p. 49). Mais tout en se revendiquant de gauche, les auteurs n’hésitent pas à égratigner le gouvernement actuel et sa ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, quand elle soutient l’Opération d’intérêt national (OIN) du plateau de Saclay lancée par la droite ou qu’elle poursuit avec la loi Fioraso la même vision du rôle de la recherche que dans la loi Pécresse.

Ce travail synthétique donne des armes pour comprendre la politique contemporaine de la recherche. Bien qu’émaillé d’exemples concrets, ses formules définitives manquent parfois d’illustrations concrètes. Par exemple, quand les auteurs regrettent la réduction des champs disciplinaires à ceux qui paraissent susceptibles de produire de l’innovation à très court terme (p. 31) : comment expliquer alors que l’Inra s’éloigne de la recherche appliquée à l’agriculture pour aller vers une recherche d’apparence plus fondamentale en génomique, biologie des systèmes etc. ? Ceci s’explique par le mouvement concomitant de mondialisation de la recherche qui nécessité de publier dans des revues à fort facteur d’impact.

Les auteurs concluent leur propos en regrettant que la science [soit] détournée au seul service de la rentabilité d’un capital concentré aux mains d’une oligarchie financière de plus en plus réduite et puissante (p. 121). Ce langage connoté politiquement ne doit pas éloigner le lecteur curieux des transformations actuelles de la recherche, qui trouvera dans cet ouvrage un vade-mecum utile à la réflexion et l’action.

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Atelier "Nouveaux rapports des chercheurs aux publics" le 29 avril

Le C@fé des sciences est partenaire du colloque international "Le numérique éditorial et sa gouvernance : entre savoirs et pouvoirs" qui se déroulera à l'Institut national d'histoire de l'art (Paris) du 28 au 30 avril. Nous sommes heureux d'avoir contribué à mettre sur pied ces journées qui devraient être riches de présentations et d'échanges, autour de l'édition numérique, de la démocratie scientifique, des réseaux de savoirs, de la formation en ligne…

Colloque INHA

J'attire en particulier votre attention sur l'atelier "Nouveaux rapports des chercheurs aux publics" que j'animerai le jeudi 29 de 11h à 13h. Je recevrai Ghislaine Chartron (CNAM, INTD), Bastien Guerry (Wikimédia France), Olivier le Deuff (Université Lyon 3 et Prefics), Alexandre Moatti (Conseil scientifique du TGE-Adonis) et Joëlle Zask (Université de Provence) pour tenter de comprendre comment les réseaux sociaux, la publication en ligne, les plateformes de partage et les blogs — bref, le web 2.0 — transforment l'accès du grand public à l'information scientifique, l'organisation de la communauté des chercheurs et son rapport aux tutelles.

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Qui connaît les conférences de citoyens ?

Ceci est un billet paru sur mon nouveau projet de blog collectif, STS en action, destiné à la communauté de recherche en Science, technologie, société. Je le republie ici en guise de produit d'appel mais aussi pour vous faire patienter : je déménage demain (à quelques kilomètres seulement, certes) et donc je risque de ne pas avoir un accès facile à Internet les premiers temps. Merci de votre patience !

Cela ne fait-il pas des années que la communauté STS française travaille et publie sur la notion de "conférences de citoyens" (y compris encore récemment dans la revue Nature) ? N'a-t-on pas eu une conférence de citoyens sur les OGM, puis sur le réchauffement climatique, les nanotechnologies… ? La Fondation Science citoyennes, à laquelle participent des historiens et sociologues des sciences comme Christophe Bonneuil, ne milite-t-elle pas activement en faveur de ce mode de participation du public ?

On pourrait donc croire que les conférences de citoyens font partie du bagage indispensable de tout scientifique ou décideur de ce pays. Que nenni. Si les États généraux de la bioéthique qui se déroulent actuellement y ont fait appel, c'est presque en raison d'un sacré concours de circonstances. Jean Leonetti, le président du comité de pilotage des États généraux, raconte dans Le Monde :

Nous ne voulions pas que ce débat soit confisqué par les experts, les politiques ou les lobbys. Nous voulions faire intervenir les citoyens mais nous ne savions pas sous quelle forme. Un jour, dans un débat, Noël Mamère a évoqué les méthodes scandinaves des panels citoyens. Je suis allé le voir à la fin de notre échange, nous avons discuté et cette idée a finalement été retenue.

encore, c'est presque un échec collectif de la communauté des STS, qui n'a pas réussi à publiciser suffisamment son travail. À moins qu'il faille retenir que le politique (ici, Noël Mamère) reste le dernier maillon, indispensable à l'action ? À méditer…

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Science chaude et éducation à  la citoyenneté

La science chaude, donc, fournit probablement un très bon support pour l'enseignement scolaire. Mais, selon Jacques Désautels[1], elle est aussi utile pour éduquer à  la citoyenneté.

Un exemple : habituellement, l'enseignement des sciences fait intervenir des objets et lois abstraits dont on nous dit que leur connaissance est objective. L'objectivité serait-elle donc une propriété inhérente et a priori de ces faits scientifiques ? Non, elle est le produit d'un processus qui permet de se mettre d'accord, un processus d'objectivation. Mettre l'accent sur le processus plutôt que la propriété, voilà  qui donne les clés permettant de mieux comprendre ce qui se passe dans les laboratoires et en dehors. Ainsi,

le défunt Conseil des Sciences du Canada (…) soulignait, de manière quasi prémonitoire, que « si les membres de la collectivité ne connaissent pas bien les interactions entre les sciences, la technologie et la société, ils remettent à  une élite technocratique le pouvoir de façonner le monde qui les entoure » (1984, p. l5). Ce point de vue a d'ailleurs été repris (…) par le Conseil des ministres de l'Education du Canada (1997) qui stipule que

l'enseignement des sciences devrait « préparer les élèves à  aborder de façon critique des questions d'ordre social, éthique et environnemental liées aux sciences » (p. 5).

Plus qu'un enseignement des sciences, il s'agit d'une "éducation aux sciences citoyenne" ou scientific literacy, de la même façon que l'information literacy part du principe qu'il est aussi important de savoir trouver, critiquer et utiliser l'information dans la société de l'information que de savoir lire et écrire dans la société industrielle. Elle ne la remplace pas mais la complète. Car pour rendre le citoyen actif et efficace dans la société technoscientifique du XXIe siècle, la connaissance pure conçue comme une fin en soi ne sera jamais aussi efficace que la conscience de l'écosystème où se mêlent démarches scientifiques, enjeux moraux et ambitions politiques. Pour prendre un exemple fictif, imaginons comment un citoyen alphabétisé sur le plan scientifique et technique réagirait à  un article portant sur la coupe d'une espèce d'arbres :

il ou elle s'interrogerait en premier lieu à  propos des relations avec les autres espèces de la forêt et les conséquences possibles de cette action sur les autres organismes. De plus, dans le contexte d'une étude d'impact environnemental, cette personne porterait un regard critique sur les méthodes d'analyse des données afin de repérer, le cas échéant, des indices révélateurs de biais reliés à  des intérêts politiques ou économiques en jeu. Enfin, elle porterait un jugement sur la précision de la présentation des données et sur les raisonnements qui ont conduit aux conclusions.

La grande majorité des élèves ne se destinant pas à  une carrière en science, il ne s'agit plus d'inculquer des bases scientifiques comme une connaissance préformatée et prédigérée mais replacées dans un contexte conférant des réflexes pour bâtir des réflexions citoyennes.

Notes

[1] Désautels, J. (1998). "Une éducation aux technosciences pour l'action sociale". In La recherche en didactique au service de l'enseignement (pp. 9-27). Journées internationales de didactique des sciences de Marrakech, Marrakech (Maroc): Université Cadi Ayyad, Faculté des sciences Semlalia.

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Horizon 2020 : 1 objectif parmi les 12 du CNRS

Après un billet qui a été largement enrichi par les commentaires des lecteurs (que je remercie), revoilà  le CNRS qui a publié hier la version 4.2 (encore provisoire mais votée par le Conseil scientifique) de ses objectifs pour 2020.

Evidemment, je m'intéresse surtout au chapitre sur "Le CNRS : acteur dans la société" (pp. 28-33) tandis que d'autres s'intéresseront plus aux engagements pour l'interdisciplinarité, la croissance économique ou les ressources humaines. Qu'y lit-on ?

La thématique « Science et société » a toujours été importante pour le CNRS. Elle prend aujourd’hui une signification nouvelle. Il ne s’agit plus seulement de faire pénétrer la science dans la société, mais de répondre à  la pénétration multiforme de la science par la société. Le CNRS doit se situer dans un contexte mondial marqué par la privatisation de la connaissance et par la demande de participation civile. Dans ce but, il adaptera ses missions traditionnelles de promotion de la culture scientifique et technique, d’expertise et d’évaluation, de diffusion de l’information scientifique et technique, et de communication.

Ouah, on ne nous dit pas comment mais on nous promet déjà  des "adaptations" ! Par contre, rien sur la première mission du CNRS, celle de la production de connaissances, qui n'aurait donc rien à  voir avec la société. Exeunt les boutiques de science et autres programmes PICRI ? Ah non, c'est six paragraphes plus loin :

Enfin le CNRS développera des moyens d’analyse de participation de la société civile à  l’élaboration des politiques de recherche. A l’heure actuelle, la capacité scientifique de l’organisme d’analyse de la participation civile fonctionne pour l’essentiel soit en interne, soit à  la demande des décideurs politiques ou économiques. Elle sera désormais aussi conçue comme une expertise susceptible de soutenir la participation civile à  l’élaboration des politiques de recherche.

Remarquez quand même le vocabulaire que j'ai mis en gras, très très prudent et laissant, je crois, une très faible marge de manœuvre. Mais continuons :

l’organisme valorisera la diffusion des connaissances et les activités de médiation scientifique parmi les chercheurs. L’organisme incitera les chercheurs à  prendre en considération la diffusion des connaissances dans leur stratégie de publication, en valorisant davantage cette activité dans les carrières. La formation des chercheurs et des ingénieurs aux pratiques de médiation scientifique sera assurée.

La vache... Déjà  en 1992, à  la suite de la Loi d'orientation et de programmation de 1982, le rapport Kunth jugeait particulièrement préoccupant que la vulgarisation scientifique ne soit pas prise en compte dans la carrière des chercheurs par les commissions nationales des organismes de recherche (p. 4) ! On finirait donc par y arriver ?...

Attention, le summum :

le CNRS adoptera un autre régime d’échange avec le public. Il est essentiel que le public comprenne la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances, et ne soit plus traité comme un pur récepteur passif.

Alors là , excusez-moi mais je ne vois pas en quoi se faire expliquer la complexité des processus d’élaboration et de justification des connaissances rend l'auditeur actif ! Certes c'est une bonne idée, c'est ce que je vais moi-même m'essayer de faire dans quelques semaines au festival Paris-Montagne, en expliquant les mécanismes de l'écrit scientifique, de la publication évaluée par les pairs etc. Mais bon, le public aura entre 9 et 18 ans. Au-delà , franchement, il faut penser de nouvelles pédagogies (je pense par exemple à  ce que pratique la Cité des sciences et de l'industrie en comparaison du Palais de la découverte) mais plus globalement de nouveaux modes d'interaction et d'immersion de la science dans la société ou bien celui qui aura compris la complexité de la science en train de se faire ne pourra pas plus agir !

Puis une idée qui me semble un peu nouvelle et peu être intéressante si elle est bien organisée (mais qui n'est malheureusement pas reprise dans la synthèse des premières pages) :

Le défi pour le CNRS est de devenir capable de mettre aussi son expertise à  la disposition du système social. La relation d’expertise ne doit pas être confondue avec les interactions diverses entre le système économique, le système politique et le système social. Le CNRS ne peut offrir qu’une évaluation cognitive (une expertise scientifique). Mais, s’il veut affirmer sa fonction sociétale, il doit au moins contribuer à  démocratiser l’expertise. Il y a pour le CNRS et pour ses personnels un devoir d’écoute sociale, un devoir d’alerte et de prospective, un devoir de mettre en place l’organisation appropriée à  un tel rapport à  la société.

Par exemple les lanceurs d'alerte pourraient être protégés et institutionnalisés : parfait... Enfin, le petit paragraphe qui fait plaisir (plaisir égoïste, je vous l'accorde) :

Le CNRS favorisera le développement de recherches philosophiques, historiques, sociologiques, économiques, politiques et éthiques sur la science et la technologie. Le succès de telles recherches a trois conditions : que des communautés de spécialistes (philosophes, historiens, sociologues) soient repérées et structurées ; deuxièmement, que les études sur la science soient développées et appropriées par les disciplines scientifiques elles-mêmes ; enfin, que ces réflexions soient nourries par des échanges réels avec le public et les décideurs. Le CNRS favorisera le développement de telles études, en garantissant un vivier de compétences aujourd’hui déficitaire dans notre pays, en garantissant leur excellence scientifique, et en structurant les réseaux de collaboration interdisciplinaire et de communication externe qui leur sont indispensables.

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