La science chaude, donc, fournit probablement un très bon support pour l'enseignement scolaire. Mais, selon Jacques Désautels[1], elle est aussi utile pour éduquer à  la citoyenneté.

Un exemple : habituellement, l'enseignement des sciences fait intervenir des objets et lois abstraits dont on nous dit que leur connaissance est objective. L'objectivité serait-elle donc une propriété inhérente et a priori de ces faits scientifiques ? Non, elle est le produit d'un processus qui permet de se mettre d'accord, un processus d'objectivation. Mettre l'accent sur le processus plutôt que la propriété, voilà  qui donne les clés permettant de mieux comprendre ce qui se passe dans les laboratoires et en dehors. Ainsi,

le défunt Conseil des Sciences du Canada (…) soulignait, de manière quasi prémonitoire, que « si les membres de la collectivité ne connaissent pas bien les interactions entre les sciences, la technologie et la société, ils remettent à  une élite technocratique le pouvoir de façonner le monde qui les entoure » (1984, p. l5). Ce point de vue a d'ailleurs été repris (…) par le Conseil des ministres de l'Education du Canada (1997) qui stipule que

l'enseignement des sciences devrait « préparer les élèves à  aborder de façon critique des questions d'ordre social, éthique et environnemental liées aux sciences » (p. 5).

Plus qu'un enseignement des sciences, il s'agit d'une "éducation aux sciences citoyenne" ou scientific literacy, de la même façon que l'information literacy part du principe qu'il est aussi important de savoir trouver, critiquer et utiliser l'information dans la société de l'information que de savoir lire et écrire dans la société industrielle. Elle ne la remplace pas mais la complète. Car pour rendre le citoyen actif et efficace dans la société technoscientifique du XXIe siècle, la connaissance pure conçue comme une fin en soi ne sera jamais aussi efficace que la conscience de l'écosystème où se mêlent démarches scientifiques, enjeux moraux et ambitions politiques. Pour prendre un exemple fictif, imaginons comment un citoyen alphabétisé sur le plan scientifique et technique réagirait à  un article portant sur la coupe d'une espèce d'arbres :

il ou elle s'interrogerait en premier lieu à  propos des relations avec les autres espèces de la forêt et les conséquences possibles de cette action sur les autres organismes. De plus, dans le contexte d'une étude d'impact environnemental, cette personne porterait un regard critique sur les méthodes d'analyse des données afin de repérer, le cas échéant, des indices révélateurs de biais reliés à  des intérêts politiques ou économiques en jeu. Enfin, elle porterait un jugement sur la précision de la présentation des données et sur les raisonnements qui ont conduit aux conclusions.

La grande majorité des élèves ne se destinant pas à  une carrière en science, il ne s'agit plus d'inculquer des bases scientifiques comme une connaissance préformatée et prédigérée mais replacées dans un contexte conférant des réflexes pour bâtir des réflexions citoyennes.

Notes

[1] Désautels, J. (1998). "Une éducation aux technosciences pour l'action sociale". In La recherche en didactique au service de l'enseignement (pp. 9-27). Journées internationales de didactique des sciences de Marrakech, Marrakech (Maroc): Université Cadi Ayyad, Faculté des sciences Semlalia.