Nouvelles du front (9)
21
fév.
2008
Dans son numéro de janvier, le magazine de l'université Louis-Pasteur rapporte quelques témoignages de chercheurs sur l'ANR, qui fête ses 3 ans (pp. 18-19). Où il apparaît que des progrès ont été faits concernant les explications par les évaluateurs des projets refusés et que les projets "blancs" (sans thème imposé) permettent de belles réussites. A condition de trouver les bons gestionnaires ou consultants capables de répondre aux exigences administratives et financières de l'Agence… Et on retrouve toujours cette préoccupation : l'ANR finance surtout des projets appliqués, ce qui n'est finalement que le prix à payer pour une aide financière conséquente.
Mais quand un chimiste reçoit 80.000 € sur deux ans pour une étude pré-clinique permettant d’empêcher une molécule brevetée par l'université en 2004 de tomber dans l’oubli, il se demande : nous avons apporté des réponses aux questions des industriels, mais est-ce bien notre métier de faire de la recherche appliquée ?
Une nouvelle revue scientifique pour les créationnistes : Answers Research Journal (via P.Z. Myers). Qui commence déjà à publier des travaux "intéressants". Nature aussi en parle, se faisant le porte-voix de ceux qui conseillent de ne pas trop attaquer ce journal frontalement mais d'essayer plutôt d'informer le public...
Le pape Benoît XVI a dû annuler une visite officielle à l'université romaine La Sapienza, qui avait été organisée à l'initiative de son recteur. Ceci face à la fronde d'une fraction d'enseignants-chercheurs qui avaient exprimé leur mécontentement, rappelant qu'en 1990, le pape (qui n'était que cardinal) avait cité le philosophe des sciences Paul Feyerabend pour qui à l'époque de Galilée, l'Eglise a plus obéi à la raison que Galilée lui-même. Le procès contre Galilée était raisonnable et juste.
(via physicsworld.com, je renvoie à ce blog en anglais pour une discussion de l'affaire)
Le 15 janvier, un excellent article de Frank Furedi nous apprenait que dans le monde anglo-saxon, certaines personnalités comme Sir David Read (vice-président de la Royal Society) ne parlent plus de "science" mais de "the science" (la nuance est intraduisible mais disons que l'article "the" est inutile car la science est une entité abstraite, comme "freedom"). Ce que cela signifie ? Incontestablement, que le discours scientifique se pare de vertus moralisatrices et politiques… (via Kinga)
On a beaucoup parlé de comportements déviants aussi : la revue Nature a publié un article où deux chercheurs de l’université du Texas ont passé au crible d'un logiciel de comparaison de texte un échantillon de la fameuse base Medline. Ils cherchaient des similitudes, ils ont trouvé un peu plus de 400 cas de haute ressemblance (pour lesquels les sanctions ont commencé à tomber). En extrapolant à la base entière, il y aurait donc un peu plus de 1% de plagiat ou publications doublonnées dans la littérature scientifique. Puis Le Monde nous apprenait qu'une initiative française sous les auspices du CNRS vise à établir un diagnostic sur la fraude scientifique dans le pays et proposer des remèdes.
Dans la revue Nature Biotechnology, deux chercheurs écrivaient en janvier en se demandant où la méthode scientifique s'en est-elle allée ?
A leur grand regret en effet, il est de plus en plus difficile de trouver des descriptions claires et complètes des protocoles expérimentaux mis en oeuvre par les auteurs publiant dans les revues les plus en vue. Où le "choc" du résultat l'emporte sur la norme scientifique... La rédaction de la revue a répondu en lançant le débat. (via Nautilus)
Enfin, le C@fé des sciences s'agrandit avec deux nouveaux membres : le blog de ICE, placé sous le signe du réchauffement climatique, et le Webinet des curiosités, placé sous celui de l'éclectisme. Bienvenue à eux et bonne lecture à vous !
Commentaires
J'adore tes nouvelles du front !
Ce qui m'effraie le plus chez les créationnistes, c'est de voir leur "richesse". Entre le musée du créationnisme, une revue scientifique .... Mais où trouvent-ils donc autant d'argent ? Il faudrait peut-être leur demander conseil pour nos propres recherches :D
L'article du Monde sur la fraude m'avait passablement agacé à l'époque. Comme si le premier problème de la recherche française était la fraude scientifique...
Tom >
et le très beau "Atlas of creation" en (au moins) 2 volumes qui me sert d'illustration ! Concernant la fraude, ce n'est sans doute pas le premeir problème mais le Ministère doit être capable de multitasking, non ? D'autant que la France commençait à se ridiculiser en ne prenant pas d'initiatives sur ce terrain là . Vois plutôt cela comme un retard de moins de la recherche française sur ses voisins ;-)Je me permets de vous signaler cet article, paru dans le dernier numéro de Débat.
Bonne soirée, D.
Pour rebondir sur le propos de Tom Roud, on peut également douter de la volonté des organismes de recherches français de s'occuper des fraudes: http://www.nature.com/nature/journal/v449/n7159/full/449124b.html http://pointscommuns.lexpress.fr/rendez-vous-au-paradis-commentaire-lecture-64024.html Dans l'exemple cité, c'est le whistle blower qui a été viré.
Inactuel > Et moi qui mentionnais cet article hier à bug-in. Il faudrait quand même que quelqu'un finisse par le lire ! ;-)
woody > Merci pour les liens, je vais voir ça de plus près…
Et bien je l'ai lu... et c'est vraiment misérable. La première partie épistémologique me convient tout a fait... puisqu'elle reprend quasiment mes remarques sur le mémoire que j'ai fait en Juin 2007. A part cela nos auteurs pillent largement d'autres auteurs bien plus prestigieux et sans jamais les citer (notamment : Bernadette Bensaude Vincent par exemple). La seconde ou commence à apparaitre une réflexion sur la mise en culture et les mythes, écarte soigneusement des hypothèses critique pourtant évidente (par exemple il est dit que seul le public serait inquiet et que les scientifiques eux serait enjoué de travailler sur les nanos... que penser alors des inquiétudes des écotoxicologues ?) La troisième est la plus horrible et désespérante, elle concerne l'éthique. Les critiques sont traités comme des rouages utile à la continuité de la méga-machine. Il est même dit que malgré leur critique, en fait ils veulent rejoindre l'ordre social de ceux qui fabrique ces techniques... merveilleux. Toute critique est ramené au sacré. Il n'est même pas envisagé qu'une critique rationelle puisse exister... Quand à ses conclusions, elle viennent carrément et sans le dire, légitimer les transhumanistes en défendant un nihilisme masqué (ah vous savez la morale ça change avec le temps, ce qui était refusé avant est accepté ensuite aprés tout tout va bien...). Avec leur approche j'ai même fini par me demander pourquoi aprés tout il ne se porterai pas pour la restauration du travail pour les enfants, ou de l'esclavage... puisque aprés tout l'éthique, la dignité humaine, tout ça... c'est voué à changer.
Bref, un article édifiant de bétise, pour des grand diplômé, publié dans une revue qui se prétend de qualité. Et en plus eux, contrairement a moi, ils sont payé pour écrire ça!
Désolé Enro, mais le 2ème lien que j'ai mis ne contient qu'un copié-collé du lien original: http://hebdo.nouvelobs.com/hebdo/parution/p2238/articles/a355299.html