La science, la cité

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Du debunking sur le web, et sur les réseaux sociaux en particulier

Vendredi 12 février était invité dans la matinale de France inter Laurent Tillon, présenté comme chargé de mission biodiversité à l’ONF, membre du Conseil National de la Protection et de la Nature et auteur de Etre un Chêne, sous l’écorce de Quercus (Actes Sud). Ce dernier n’est pas un ouvrage de vulgarisation mais appartient au genre du nature writing, présenté par son éditeur comme un texte nourri de science, de poésie et de philosophie.

Dans cet entretien, Laurent Tillon évoque les substances volatiles des feuilles qui aident la plante à se défendre. Ce qu’on appelle aussi parfois les phytoncides aurait un effet sur le système immunitaire des vertébrés : j’emploie le conditionnel et j’ajoute que ces hypothèses sont controversées, comme le montre l’article Wikipédia correspondant mais des résultats ont été publiés par des équipes des universités Chung-Hsing (Taiwan) et de Taiwan montrant qu’elles réduiraient le stress et l’anxiété chez les souris, et par des équipes des universités de Stanford et d’Osaka sur des effets significatifs sur l’activité des lymphocytes NK8 et donc l’immunité innée chez l’Homme. Laurent Tillon évoque d’abord les vertébrés puis explique que quand on va se promener en forêt, on gagne en immunité. Il est possible de douter des extrapolations qui sont faites (passer de résultats in vitro à des conclusions concernant une promenade en forêt) mais d’autres travaux par des universités coréennes montrent que les effets bénéfiques des promenades en forêt sont bien réels (exemple).

Puis il continue en expliquant que les feuilles qui se cicatrisent émettent des ions négatifs, des petits champs électriques, pour solliciter le renouvellement des feuilles, lesquels ont la propriété de réduire le cortisol qui est l’hormone du stress. Ce passage se termine ensuite sur les habitudes de promenades en forêt des japonais (le “shinrin-yoku”) et le fait qu’on peut toujours enlacer un arbre, on ne risque rien.

Face à ce passage radio, plusieurs réactions sont possibles. Se dire qu’effectivement, la balance bénéfice-risque est très favorable et que ce conseil santé semble épris de bon sens. Se dire aussi qu’on découvre des pratiques culturelles japonaises qui excitent notre curiosité. Ou se dire qu’il s’agit là de notions qu’on ignorait et vouloir creuser cette littérature scientifique (comme je l’ai fait ci-dessus). Mais en tweetant ce passage retranché de ses dernières secondes de rigolade en mode ça ne fera de mal à personne, on peut s’y essayer, il n’y a aucun risque, France inter a suscité de très nombres réactions en mode “bullshit alert” de la part de journalistes ou vulgarisateurs à tendance rationaliste (La Tronche en biais, François-Marie Bréon, Emmanuelle Ducros), des chercheurs (en chimie, en physique, en biologie…), des vidéastes comme Cyrus North (spécialiste en vulgarisation de la philosophie), des personnalités défendant une idéologie conservatrice (Gilles Clavreul, Amaury Brelet), des ingénieurs… Cette unanimité (642 réponses, 626 reweets avec commentaire) était très impressionnante et m’a tout de suite frappé, comme elle a marqué un chercheur en physico-chimie affirmant ne pas trop comprendre tous les collègues qui sont tombés sur lui.

En effet, cette réaction massive n’est pas celle que j’aurais attendue, mais plutôt quelque chose comme « tiens, ce qu’il raconte m’étonne beaucoup, dommage qu’il n’apporte pas de preuve mais essayons de se renseigner. Allez les tweetos, que sait-on de la sylvothérapie et de l’effet des ions sur l’immunité ? ».

Sur quoi ont porté les critiques ? C’est très très difficile à dire puisque les tweets n’apportaient souvent aucune contradiction. Laurent Tillon se fait traiter d’illuminé, ses théories sont farfelues, et France inter aurait perdu la boule. Certains admettent qu’en étant absolument pas spécialiste, ce genre discours m’inquiète un peu. Et du côté des vulgarisateurs et scientifiques ? Eh bien c’est la même chose : certains essayent de comprendre ce dont il est question et se demandent si ça aurait un rapport avec un certain procédé de production d’électricité à partir d’arbres mais la plupart sont juste scandalisés et protestent sur cette désinformation à une heure de grande écoute.

À froid, certains modèrent leurs propos et admettent que c’est un poil suspect, qu’il s’est pris les pieds dans le tapis et que le terme champ électrique a pu être une maladresse pour vulgariser le terme ion : renseignons-nous avant de faire des grandes déclarations…. Il me semble que la bonne attitude serait la prudence, éventuellement du scepticisme, mais sur un domaine si spécialisé je doute que tous ceux qui ont réagi l’ont fait en connaissance de cause. Que les scientifiques réagissent comme les autres, en mode je ne comprends peut-être pas tout ce dont il parle mais ça me semble être du bullshit donc c’en est probablement, voilà ce qui me choque. Je ne dis pas qu’il a parfaitement raison ou que quelques publications suffisent à lui donner raison ; mais je dis qu’un travail minimal de vérification était nécessaire avant de dégainer.

JIl me semble que les réactions auxquelles nous avons assisté sont une mauvaise dérive de la vulgarisation scientifique et des conversations sur les réseaux sociaux. Attention, j’essaye d’expliquer mais sans jugement. Je me contente d’observer ce qu’est devenu le travail de vulgarisation et d’explication des sciences qui me mobilisait, mes semblables et moi, quand nous avons commencé à faire d’internet notre terrain d’expression. En effet, voilà plus de dix ans que je défends le droit des blogueurs de science à parler ce dont ils ne sont pas spécialistes, à condition de faire le travail d’enquête et de lecture critique de la littérature scientifique, et à condition d’accepter les critiques et les commentaires. Mon meilleur exemple c’était ce billet du Bacterioblog (un blog spécialisé en bactériologie et évolution) qui démontrait que non, ce n’était pas absurde d’observer une baisse des infarctus du myocarde après un mois d’interdiction de fumer dans les lieux de convivialité. Bien que non spécialiste, ce blogueur avait fait le travail de recherche nécessaire pour contrer un lieu commun. Et aujourd’hui, on observe des non spécialistes qui tweetent sans source et sans justification pour contrer une parole semi-experte (l’auteur s’étant documenté pour écrire son livre et possédant une thèse en écologie forestière). Même si cette question est complexe car pluridisciplinaire (la biophysique des ions, la chimie de l’atmosphère, les neurosciences du cortisol, la biologie des feuilles), est-ce qu’on n’aurait pas dû s’attendre à un ou deux debunking un peu plus documentés ? Ceux qui ont fait cet effort ont montré par exemple que dans les arbres et tout autour d’eux, la densité de charge électriques n’est pas nulle et on a donc des concentrations d’ions dans l’air ou que il existe des travaux scientifiques publiés (essentiellement japonais à ma connaissance) qui vont en ce sens.

Je ne veux pas surinterpréter cet épisode mais il montre, selon moi, que 1/ les discours qui peuvent sonner “new age” ne passent plus et qu’aucun crédit ne leur est accordé par une grande partie de la communauté scientifique et 2/ que cette même partie de la communauté scientifique ne se prive plus de juger en deux secondes ce qui est vrai et ce qui est faux, comme le ferait n’importe qui et 3/ qu’on ne suspend plus assez son jugement face à un exposé. Cette analyse étant aggravée par le fait que a/ ce n’est pas la première fois que France inter donne la parole à des auteurs de livre en promo qui tordent la science pour produire des énoncés (d)étonnants et que b/ au sortir d’une crise Covid qui aura largement agité les radars anti-bullshit des vulgarisateurs scientifiques, ceux-si sont désormais beaucoup plus prompts à dégainer. Certains ont pu laisser entendre qu’une affirmation extraordinaire ne peut pas être assénée sans preuve. Mais, si j’accepte cet argument pour Avi Loeb et ses déclarations sur l’astéroïde Oumoamoa, j’estime ici qu’il n’y a rien de très extraordinaire !

En conclusion, je voudrais qu’on admette collectivement que tout n’était pas faux dans ce qui est raconté par Laurent Tillon, que la nuance est le meilleur allié de la crédibilité scientifique, et qu’il existe des questions scientifiques sur lesquelles les français sont peut-être moins bien informés que des chercheurs asiatiques… Je voudrais aussi réveiller mes camarades vulgarisateurs qui se gaussent de l’ultracrépidarianisme de certains scientifiques abonnés aux plateaux télé : attention, en réagissant vous aussi à chaud sur des sujets dont vous n’êtes pas experts, vous rapprochez dangereusement de ce travers que vous dénoncez…

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La crise COVID-19 vue par des économistes de l'innovation

Qu’est-ce qu’il a manqué comme investissements dans la R&D pour être mieux préparés à la pandémie en cours ? Est-ce que les énormes investissements actuels et la réorientation de certains pans de la recherche vers le COVID-19 est la plus efficace, et quels peuvent être ses effets pervers (notamment les querelles de brevets en cours) ? Que peut-on attendre de l’après-crise en termes de politiques de recherche, et d’adoption de certaines technologies numériques ?

Des économistes de l’innovation, chercheurs ou doctorants du College of Management of Technology de l’EPFL (Suisse), ont publié le 14 avril une étude de 33 pages riches de réflexions théoriques, de pronostics tendanciels, mais aussi d’exemples. Pour faciliter la diffusion de ces résultats, je vous en propose une synthèse en français sous forme de mindmap.

De mon côté, j’ai également publié quelques réflexions et un peu de veille sur l’innovation ouverte pour faire face au COVID-19.

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Top 9 des romans à teneur scientifique lus en 2019

J’ai lu très exactement 22 romans en 2019, deux de plus qu’en 2018 ! De tous ces romans, goût personnel oblige, un nombre non négligeable est à consonance scientifique. Voici une sélection personnelle de ceux dont je recommande la lecture (et, pour mémoire, les listes de 2014, 2015, 2016, 2017 et 2018) :

N° 8 : Galatea 2.2 de Richard Powers, 1995

Mon premier Richard Powers, l’auteur dont les romans abondent de réflexions sur la science et que Bruno Latour et Daniel Dennett adorent, m’est malheureusement tombé des mains. Les ingrédients avaient tout pour me plaire : un écrivain en résidence dans une université, un chercheur qui développe une intelligence artificielle… mais le style très recherché en VO a eu raison de moi.

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N° 7 : Dracula de Bram Stoker, 1897

Ce roman ultra-classique met en scène plusieurs personnages qui luttent contre le comte Dracula. Parmi eux, le Dr Seward et le Pr. Van Helsing ont recours à un mélange entre le savoir traditionnel des chasseurs de vampires, et la méthode médicale basée sur la symptomatologie et le raisonnement déductif.

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N° 6 : Project Unison: Mirador de la Memoria d’Ewa Miendlarzewska, 2018

Ce livre m’a été recommandée par une collègue de l’auteure, laquelle est chercheuse en neurosciences à l’université de Genève. Dans le genre de la neuroscience-fiction, ce premier roman met la barre très haut avec de vrais morceaux de science (comment se fabrique un souvenir, comment donner une personnalité à une IA, quelles hormones influent sur notre comportement…), un catalogue très fourni de trouvailles technologiques (un robot compagnon domestique, une machine pour oublier, le projet Unison du titre qui relie plusieurs consciences et télécharge leurs souvenirs dans le cloud…), et une narration non linéaire. Non traduit en français.

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N° 5 : Pfitz d’Andrew Crumey, 1995

Un Prince cherche l’immortalité en inventant des villes imaginaires, qu’il fait cartographier au millimètre par une administration rigoureuse : Service de la Cartographie, Service Biographique, Service des Belles-lettres… L’occasion de quelques considérations sur le travail du cartographe, l’accomplissement d’un rêve impossible : rendre le monde sur le papier.

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N° 4 : La Tristesse des éléphants de Jodi Picoult, 2014

Serenity, Jenna, et Virgil sont lancés à la recherche d’Alice, une ethologue spécialiste du comportement de deuil des éléphants, et s’est enfuie sans laisser d’adresse. La narration alterne entre leurs différents points de vue et les chapitres vus par Alice sont extrêmement documentés, relatant la vie facinante des éléphants en Afrique et dans une réserve aux États-Unis. On n’a qu’une envie après avoir refermé le livre : passer plus de temps avec ces pachydermes et découvrir ce qu’ils ont à nous dire !

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N° 3 : Botaniste de Marc Jeanson et Charlotte Fauve, 2019

C’est le livre scientifique dont tout le monde a parlé cette année. En tête de gondole : Marc Jeanson, devenu à 32 ans le responsable des collections de l’herbier national au Muséum national d’Histoire Naturelle à Paris (et accessoirement membre de ma promo à l’Agro Paris). Avec l’ingénieure et journaliste Charlotte Fauve, il rend un hommage (richement illustré d’anecdotes d’histoire des sciences) à ses prédécesseurs illustres et défend le métier de botaniste, l’importance de conserver nos herbiers, et d’étudier la flore en même temps que l’Homme modifie son environnement.

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N° 2 : Histoire du lion Personne de Stéphane Audeguy, 2016

Ce court roman de 160 pages suit le périple du lion Personne, abandonné par sa mère dans la savane et récupéré par un jeune garçon sénégalais, jusqu’à la Ménagerie du Jardin des plantes. Histoire vraie ou inventée ? À vrai dire peu importe tant on se laisse porter par une langue riche et érudite, un texte “à hauteur d’animal”, et l’authenticité des savants Buffon ou Bernardin de Saint-Pierre tels qu’ils apparaissent dans le roman.

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N° 1 : Le Météorologue d’Olivier Rolin, 2014

Tombé par hasard sur l’histoire d’Alexeï Féodossiévitch Vangengheim, Olivier Rolin nous amène sur les pas de ce météorologue sacrifié par le régime stalinien et exécuté sur dénonciation calomnieuse. Avec celui qui représentait l’URSS à la Commission internationale sur les nuages, participait à des congrès pansoviétiques sur la formation des brouillards, avait créé en 1930 le Bureau du tempsle socialisme s’édifiait dans le ciel aussi. Un roman puissant et passionnant.

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Journalisme scientifique, #NoFakeScience et idéologie

Je ne me suis pas exprimé sur la tribune #NoFakeScience, laquelle réclame un meilleur traitement scientifique des faits journalistiques, car j’étais gêné par ce texte dont je devrais pourtant partager les objectifs. Après tout, moi aussi j’ai ouvert ce blog pour corriger des erreurs manifestes des médias (voir par exemple ce billet de 2006) ! Mais au fil du temps, en observant le comportement des signataires voire des auteurs de la tribune, mon malaise s’est accentué et j’ai pu commencer à mettre des mots dessus.

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Top 10 des romans à teneur scientifique lus en 2018

J’ai lu très exactement 20 romans en 2018, en baisse continue depuis 2015 ! De tous ces romans, goût personnel oblige, un nombre non négligeable est à consonance scientifique. Voici une sélection personnelle de ceux dont je recommande la lecture (et, pour mémoire, les listes de 2014, 2015, 2016 et 2017) :

N° 9 : ReVISIONS coordonné par Julie E. Czerneda et Isaac Szpindel, 2004

Et si la découverte du laser ou de la génétique était arrivée plus tôt dans l’Histoire ? Et si l’on ignorait tout de la domestication du chien ou de la structure du système solaire ? Et si les Sumériens avaient inventé l’imprimerie et les Américains avaient rendu Internet illégal ? Ce recueil montre que l’uchronie, puisque c’est de ce genre qu’il s’agit, se marie bien à l’histoire des sciences. Mon goût personnel m’a porté particulièrement vers les nouvelles mettant en scène Nikola Tesla, ou Dr. Joseph Bell et Arthur Conan Doyle.

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N° 8 : Lab Girl de Hope Jahren, 2016

Ce récit autobiographique d’une géobiologiste et géochimiste américaine, encensé par la critique, m’a laissé sur ma faim. Les anecdotes se succèdent à un rythme effréné, la vulgarisation est réduite à la portion congrue, et le tout manque de poésie ou d’une vision singulière de la science. Dans ce genre, Seed to Seed reste indépassable. J’ai néanmoins apprécié de découvrir ces disciplines très transverses qui mèlent analyses chimiques et isotopiques, histoire de la Terre et de son climat, étude du sol et du sous-sol, et biologie des organismes ; et l’auteure a le mérite de ne rien cacher de son début de carrière très chaotique, semé d’embûches mais pas de financements.

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N° 7 : Le Sommeil de la raison de Juan Miguel Aguilera, 2006

Les sorcières étaient considérées par l’historien Jules Michelet comme des précurseurs médiévales des scientifiques, mues par le désir de savoir et s’occupant des naissances, de la mort et de la sexualité : La sorcière a péri, devait périr. Comment ? Surtout par le progrès des sciences mômes qu’elle a commencées, par le médecin, par le naturaliste, pour qui elle avait travaillé. Dans ce roman situé en Europe en 1516, nous suivons un membre du clergé, le jeune roi Charles Quint, un jeune intellectuel proche d’Erasme — Juan Luis Vives — qui élabore le premier traité de psychologie, et une sorcière donc… Détonnant croisement de visions du monde au début de la Renaissance.

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N° 6 : L’Agonie du globe de Jacques Spitz, 1935

Ce roman d’anticipation, qui m’a été recommandé par Alexandre Moatti, met l’humanité face à sa perte : alors que la Terre se scinde en deux, tous les regards se tournent vers les scientifiques pour expliquer ce qui arrive et prévoir ce qui va arriver. Alors, un curieux mouvement se fit jour dans l’opinion des foules : elles firent grief aux hommes de science de leur impuissance, de même que le malade en veut au médecin qui ne peut le guérir. Était-ce la peine, se disait-on, d’entretenir à grands frais des Universités, des Laboratoires, des Facultés, pour n’en tirer que des parlotes sans efficacité ? Le ressentiment de l’homme moyen peut s’évaluer au détail suivant : lors d’une journée des laboratoires qui, selon la coutume, fut organisée en Angleterre au profit de l’Université de Cambridge, l’appel fait à la charité publique, au lieu des milliers de livres sterlings attendus, ne donna que des shillings. En France on disait péremptoirement : “Le monde n’a pas besoin de savants”.

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N° 5 : The Need for Better Regulation of Outer Space de Pippa Goldschmidt, 2015

Inédit en français, ce recueil de nouvelles alterne entre les grandes figures historiques (Oppenheimer, Einstein, Turing…) et des récits contemporains de laboratoire. Toujours poétiques, toujours inventives, les histoires de Goldschmidt (qui est docteure en astronomie et a reçu plusieurs bourses d’écriture dans des laboratoires de recherche) parviennent à faire toucher du doigt la nature du travail scientifique sans s’interdire la métaphore, la rêverie… qui donnent un supplément d’âme à ce recueil.

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N° 4 : Le Rêve de Galilée de Kim Stanley Robinson, 2009

Dans ce roman, le grand auteur de SF Robinson jongle entre récit historique et space opera. La deuxième partie m’a laissé assez froid, par contre le travail historique est remarquable pour comprendre le caractère de Galilée et ses démêlés avec l’Inquisition jusqu’à sa condamnation en 1633. Le tour de force de Robinson est, notamment, de citer de longs extraits des écrits de Galilée (qu’on lit rarement, avouons-le) ! Apparemment la traduction française est truffée de mauvaises interprétations physiques, comme moi préférez donc la version originale en anglais.

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N° 3 : The Sky’s Dark Labyrinth de Stuart Clark, 2011

Stuart Clark est docteur en astrophysique et un des auteurs les plus renommés sur ce sujet en Grande-Bretagne. Dans ce premier roman d’une trilogie, non traduite en français, il se mêle d’histoire des sciences pour nous conter en parallèle les combats menés par Johannes Kepler et Galileo Galilei pour comprendre les astres et sortir d’une interprétation fantaisiste (celle d’Aristote) ou religieuse (celle de la Bible) de la voûte céleste. Le résultat est très réussi, avec le même souci de véracité historique que chez Kim Stanley Robinson, mais sans sa fantaisie et avec deux personnages historiques au lieu d’un. Les deux tomes suivants de la trilogie s’intéressent à Isaac Newton et à Albert Einstein, un bon moyen de parcourir plusieurs siècles d’histoire de la physique !

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N° 2 : Samedi de Ian McEwan, 2005

Ian McEwan, habitué de ce classement, apparaît pour la troisième fois après Délire d’amour et Solaire. Ce roman met en scène un neurochirurgien réputé, qui devrait se tirer de situations compliquées au cours d’une seule et même journée. Encore une fois, l’auteur se documente le plus possible, en l’occurrence sur la technique chirurgicale et les concepts scientifiques. Extrait : il reste en partie dans son rôle de praticien capable de diagnostiquer un manque de maîtrise de soi, une émotivité excessive, un tempérament explosif sans doute dû à un taux insuffisant de GABA sur les récepteurs spécifiques de certains neurones. D’où, certainement, une incidence négative sur la présence de deux enzyme dans le corps strié et le pallidum latéral — l’acide glutamique décarboxylase et l’acétylcholine. Pour une large part, les rapports humains se jouent au niveau moléculaire.

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N° 1 : Le Traquet kurde de Jean Rolin, 2018

Le Traquet kurde nous entraîne dans une exploration ornithologique, à la recherche de l’oiseau du même nom. De la Turquie au Banc d’Arguin en passant par le Puy de Dôme et la Jordanie, le lecteur découvre tout l’exotisme de ces observations documentées, le scandale de quelques voleurs et faussaires notoires, et le folklore des revues et ouvrages spécialisés. En voici un extrait significatif : Dans le compte-rendu de ce séjour, s’étendant sur les mois de mars, avril, mai et juin 1959, qu’à son retour il publie dans la revue Alauda (et dans lequel plusieurs notes, relatives par exemple à la reproduction du goéland railleur dans le golfe Persique, renvoient au chef-d’œuvre de Mainertzhagen, Birds of Arabia), le père de Naurois, malheureusement, se conformant aux usages des revues scientifiques, ne dit rien de ses conditions matérielles d’existence – que mangeait-il, où dormait-il, comment disait-il la messe, car il est certain qu’il la disait, dans cet environnement –, même s’il mentionne une “vedette”, sans doute mise à sa disposition par l’administration, qui dut faire office de camp de base pendant la durée de l’expédition.

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