La science, la cité

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Mot-clé : conférence de citoyens

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Qui connaît les conférences de citoyens ?

Ceci est un billet paru sur mon nouveau projet de blog collectif, STS en action, destiné à la communauté de recherche en Science, technologie, société. Je le republie ici en guise de produit d'appel mais aussi pour vous faire patienter : je déménage demain (à quelques kilomètres seulement, certes) et donc je risque de ne pas avoir un accès facile à Internet les premiers temps. Merci de votre patience !

Cela ne fait-il pas des années que la communauté STS française travaille et publie sur la notion de "conférences de citoyens" (y compris encore récemment dans la revue Nature) ? N'a-t-on pas eu une conférence de citoyens sur les OGM, puis sur le réchauffement climatique, les nanotechnologies… ? La Fondation Science citoyennes, à laquelle participent des historiens et sociologues des sciences comme Christophe Bonneuil, ne milite-t-elle pas activement en faveur de ce mode de participation du public ?

On pourrait donc croire que les conférences de citoyens font partie du bagage indispensable de tout scientifique ou décideur de ce pays. Que nenni. Si les États généraux de la bioéthique qui se déroulent actuellement y ont fait appel, c'est presque en raison d'un sacré concours de circonstances. Jean Leonetti, le président du comité de pilotage des États généraux, raconte dans Le Monde :

Nous ne voulions pas que ce débat soit confisqué par les experts, les politiques ou les lobbys. Nous voulions faire intervenir les citoyens mais nous ne savions pas sous quelle forme. Un jour, dans un débat, Noël Mamère a évoqué les méthodes scandinaves des panels citoyens. Je suis allé le voir à la fin de notre échange, nous avons discuté et cette idée a finalement été retenue.

encore, c'est presque un échec collectif de la communauté des STS, qui n'a pas réussi à publiciser suffisamment son travail. À moins qu'il faille retenir que le politique (ici, Noël Mamère) reste le dernier maillon, indispensable à l'action ? À méditer…

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Retour sur la conférence nanotechnologies

Deux mois et demi après la conférence de citoyens sur les nanotechnologies, j'aimerais revenir sur cet évènement démocratique et scientifique — ce que les médias traditionnels font rarement. Quel a été son impact ? Quels changements a-t-elle inaugurés ?

Affiche de la conférence de citoyens

Grâce au site Sciences et démocratie, nous savons par leur témoignage et leurs retours que les citoyens tirés au sort du panel semblent satisfaits de l'organisation des discussions (malgré un débat final animé par une personne nouvelle, venant un peu comme un cheveu sur la soupe), de la liberté et la confiance qui leur ont été accordées. Et même s'ils regrettent la langue de bois de certains invités/experts, ils reconnaissent avoir appris beaucoup. Evidemment, ça fait cher l'évènement pour intéresser 16 panelistes aux débats scientifiques et techniques de leur temps. Mais c'est déjà  ça, en attendant les retombées concrètes des recommandations qui ont été promises par le vice-président du Conseil régional en charge de l'Île-de-France en charge de la recherche. Mais on se souvient qu'en 1998, les recommandations issues de la conférence de citoyens organisée par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques (composée de députés, excusez du peu !) étaient quasiment restées lettre morte (seules quelques lignes avaient bougé dans la composition de la Commission du génie biomoléculaire chargée d'évaluer les dossiers d'homologation des OGM).

Ainsi, sur l'excellent site de la Banque des savoirs, un article de Dorothée Benoit-Browaeys nous met en garde contre la prolifération de ces dispositifs participatifs sans effet sur la décision [qui] risque[nt] de créer plus de défiance que de construction démocratique (citation du sociologue Jean-Michel Fourniau). Pourtant, il apparaît que dans le cas de la conférence sur les nanotechnologies certaines recommandations sont objectivement difficiles à  satisfaire, soit parce qu'elles sont trop généralistes, soit parce qu'elles ne sont pas du ressort des personnes organisant la conférence (en l'occurrence, la Région).

Alors, impasse ? Sans doute un peu. Car les conférences de citoyens ont leur limite, également dans le sens où elles ne contraignent pas les pouvoirs publics et ne permettent pas de co-construire un travail de recherche (on a toujours des experts face à  des profanes). Et même si débattre pour le plaisir peut permettre de mettre au jour des décalages entre représentations expertes et représentations profanes, de faire ressortir des points de blocage inattendus, c'est avant tout des décisions que l'on attend... Sur les nanotechnologies comme sur les OGM, le nucléaire etc. Et cette période de campagne nous offre sans doute des raisons d'espérer...

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Conférence de citoyens sur les nanotechnologies (3)

Les 16 profanes du panel de la conférence de citoyens sur les nanotechnologies ont rendu aujourd'hui leurs conclusions, à  l'issue d'une journée de synthèse, réflexion et mise en forme. Huit pages dont cinq portant sur les constats, que je vais passer sous silence ici[1] pour m'intéresser aux recommandations :

  • chaque industriel doit être moralement responsable des risques écologiques et sanitaires qu'il fait encourir par les nanotechnologies ;
  • une "charte de transparence" doit être mise en place pour assurer précaution, protocole de manipulation, étiquetage et évaluation des risques ;
  • le principe de précaution doit être respecté, d'autant que des nanoproduits ont déjà  intégré le marché en dépit du manque de recherche sur leur dangerosité ;
  • un étiquetage clair et précis pour les produits issus des nanotechnologies doit être instauré ;
  • la communication sur les nanotechnologies doit être diffusée très largement dans un langage accessible à  tous, et sur tous les supports (presse, radio, TV, Internet…) ;
  • il faut développer les moyens budgétaires alloués à  la CNIL, avec la mise en place d’actions de sensibilisation sur le respect des libertés individuelles à  l’échelle de l’Union Européenne ;
  • il faut mettre en place un partenariat avec les principales associations de consommateurs qui serviront de relais avec les citoyens ;
  • il faut renforcer de la recherche, orientée vers des réels objectifs scientifiques (sic) ;
  • et, pour représenter les intérêts des citoyens, il faudrait créer une instance indépendante composée de personnalités politiques, scientifiques, philosophes, membres de comités d’éthique, citoyens représentatifs (membres d’associations reconnues) qui aura pour rôle de veiller au respect de l'éthique, surveiller les recherches des laboratoires, donner un avis sur la poursuite de ces recherches, vérifier la bonne utilisation des fonds investis par la Région, établir une nomenclature des produits potentiellement dangereux, établir une traçabilité des nanoparticules de la production à  la destruction ou au recyclage et communiquer le résultat de ses travaux et de ses conclusions aux citoyens.

Bref, on n'est en gros pas loin de ce que prédisait Denis (bravo !)… Mais avec des propositions concrètes et plus détaillées.

Sinon, quelques mots sur le déroulement de la conférence. On a pu suivre samedi la diffusion en direct des tables-rondes en public. De vraies questions (à  défaut de réponses, souvent insatisfaisantes) et des discussions plutôt ouvertes. Devant prendre ma voiture après avoir regardé la première heure de débat, je regrettai de ne pas pouvoir suivre le débat à  la radio. Une couverture médiatique en continu, qui permettrait d'intéresser véritablement à  ce type de conférences de consensus et "passionnerait" les Français, chacun faisant ensuite siennes les conclusions du panel, voilà  ce dont je rêve… Plus pragmatiquement, des échos me sont parvenus de l'ambiance à  l'intérieur du panel et de l'organisation. Il semblerait que les citoyens étaient relativement infantilisés par les 4 ou 5 animateurs de l'IFOP et ont reçu une information plutôt pro-nanotechnologies, n'entendant nullement parler de Jean-Pierre Dupuy ou de Jacques Testart. Quant au Conseil régional, il lui reste à  mettre en œuvre ces conclusions, comme il s'y est engagé !

Il y aura probablement quelques rebondissements à  suivre bientôt, et peut-être (j'espère !) dès demain dans la presse nationale.

[Mà J 23/01] Revue de presse:

  • Libération estime que la Conférence de citoyens a montré [...] sa pertinence puisque le vice-président (écologiste) du Crif en charge de la recherche, Marc Lipinski, prend acte de ces recommandations et propose d'inclure des associations dans la «gouvernance» des réseaux subventionnés, annonce un financement pour des études toxicologiques et promet de porter au niveau national la demande d'un observatoire des nanotechnologies ;
  • Les Echos (réservé aux abonnés).

Notes

[1] Il en ressort que le panel se déclare majoritairement favorable aux nanotechnologies, qui représentent indéniablement un progrès et même un espoir pour le monde d'aujourd'hui et de demain que ce soit dans les domaines de la santé, de la vie quotidienne, de notre environnement et de notre cadre de vie, à  condition que l'éthique soit respectée, la liberté (pas de société "big brother") et la maîtrise des risques.

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Conférence de citoyens sur les nanotechnologies (2)

Dernière étape de leur marathon citoyen, les 16 membres du panel de la conférence de citoyens sur les nanotechnologies vous invitent à  la conférence du samedi 20 janvier, ouverte à  tous. De 9h00 à  19h00, ils vont auditionner en public les experts qu'ils ont décidés d'entendre.

De quoi prendre part à  cette excellente initiative et s'informer, au cours de cinq tables rondes, sur les problématiques suivantes :

  • nanotechnologies et santé ;
  • nanotechnologies et environnement ;
  • nanotechnologies et aspects militaires / défense ;
  • nanotechnologies et information / communication ;
  • nanotechnologies et développement économique.

Je vous tiendrai évidemment au courant du résultat des délibérations annoncé le 22 janvier…

[Mà J 19/01] Une retransmission de la journée sera disponible en direct à  cette adresse !

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Petites réflexions sur l'affaire Allègre (ou les conférences de citoyens contre Claude Allègre)

L'affaire Allègre, c'est ce géophysicien émérite, médaille d'or du CNRS et ancien ministre, qui prend la plume et la parole pour :

  • contester le phénomène du réchauffement climatique (chronique dans L'express du 21 septembre) ;
  • avant de contester la part des gaz à  effet de serre dans le réchauffement climatique (sur France inter le 11 octobre) ;
  • et finalement réclamer le droit au doute (tribune dans Le Monde du 26 octobre).

Les médias se sont un peu enflammés (en particulier Libération) mais surtout les chercheurs (SLR, le LGGE etc.) et les Français eux-mêmes (111 réactions à  l'heure actuelle sur le site du Monde !!). L'affaire est intéressante de ce point de vue, plus que du point de vue scientifique : Allègre n'a fait aucune recherche sur ce sujet et ne met pas particulièrement en avant de percée majeure qui nécessiterait de réviser nos connaissances scientifiques. Il semble même avoir fléchi ses positions après que de nombreux spécialistes ont corrigé ses citations et arguments. Par contre, il s'engage dans l'arène politique, au seul nom de sa gloire passé (un autre exemple du mandarinat que je stigmatisais chez Axel Kahn) et en profitant de l'ambiguïté, alors qu'il pourrait très bien, en tant que membre de l'Académie des sciences, travailler avec ou contre le GIEC et contester leurs résultats dans l'arène scientifique. Son agenda, si on essaye de le décoder, pourrait être de modérer la politique de modification de notre mode de vie et surtout de promouvoir l'"écologie réparatrice par opposition à  l'écologie dénonciatrice". Une question de vision du monde, donc.

Bref, Claude Allègre ne fait pas de la science mais de la politique, il ne sert à  rien de vouloir lui rétorquer des arguments scientifiques (même si je sais gré au travail de "critique de science" exercé par les médias et chercheurs cités plus hauts qui me permettent d'écrire ceci aujourd'hui). Il revendique sa place de martyr contestataire, tel un Pasteur ou un Wegener (je cite). Passe encore. Cela fonctionne plutôt bien, on fait attention à  lui, tant mieux pour lui. Mais les profanes se sentent parfois un perdus : Allègre qui critique le réchauffement climatique, quand même !!

Or en 2002, une conférence de citoyens a rendu un rapport sur le changement climatique. Pour rester dans le politique, donc, on pouvait y lire :

Nous citoyens, à  la lumière des données scientifiques actuelles, sommes convaincus que c’est notre mode de vie qui génère une quantité de gaz à  effet de serre supérieure à  ce que notre planète peut absorber de façon naturelle. Ce surplus est responsable du réchauffement de notre atmosphère. Il en résultera des changements climatiques mondiaux qui deviendront de moins en moins maîtrisables dans le temps. Attendu que

  • les émissions de GES sont dues principalement à  la consommation d'énergies fossiles (charbon, pétrole, gaz) ;
  • les sources d’énergie fossile sont en voie d’épuisement et leur prix ne tient pas compte des effets induits par les émissions de GES ;
  • l’énergie nucléaire présente des risques à  l’exploitation, génère des déchets radioactifs, et présente, en cas de transfert aux pays en voie de développement, deux dangers principaux : danger de prolifération (arme atomique) et risques liés à  l’exploitation et au manque de stabilité politique ;
  • il existe de nombreuses sources d’énergie potentiellement utilisables (vent, soleil, mouvement des marées, géothermie, biomasse, etc.),

nous pensons que

  • la réduction des gaz à  effet de serre est fortement dépendante de la consommation et des choix énergétiques ;
  • il est inéluctable de promouvoir d’autres sources d’énergie ;
  • le nucléaire ne peut être qu’une solution transitoire étant donné les risques encourus.
Il faut donc développer des sources d’énergies renouvelables, pour lesquelles il faut passer au stade de production industrielle. (...)

De quoi fournir une base raisonnable pour réfléchir calmement et échapper aux hystéries de certains. Certes, les experts qui conseillent nos gouvernements ne suivront probablement jamais Allègre et nous pouvons dormir sur nos deux oreilles. Mais quid d'un Jospin s'il avait été élu ? Quid de certains hommes politiques qui voudraient faire du zèle et endosser l'alibi Allègre pour satisfaire des lobbys économiques et industriels ? Quand je dis que les conférences de citoyens ont du bon, c'est qu'elles fournissent une base saine aux débats et engagent la société civile dans la définition de son avenir, loin des prises de becs et jeux de coudes !!

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