Conférence de citoyens sur les nanotechnologies (3)
22
janv.
2007
Les 16 profanes du panel de la conférence de citoyens sur les nanotechnologies ont rendu aujourd'hui leurs conclusions, à l'issue d'une journée de synthèse, réflexion et mise en forme. Huit pages dont cinq portant sur les constats, que je vais passer sous silence ici[1] pour m'intéresser aux recommandations :
chaque industriel doit être moralement responsable des risques écologiques et sanitaires
qu'il fait encourir par les nanotechnologies ;- une "charte de transparence" doit être mise en place pour assurer précaution, protocole de manipulation, étiquetage et évaluation des risques ;
- le principe de précaution doit être respecté, d'autant que
des nanoproduits ont déjà intégré le marché en dépit du manque de recherche sur leur dangerosité
; - un étiquetage clair et précis pour les produits issus des nanotechnologies doit être instauré ;
- la communication sur les nanotechnologies doit être diffusée très largement
dans un langage accessible à tous, et sur tous les supports (presse, radio, TV, Internet…)
; - il faut développer les moyens budgétaires alloués à la CNIL, avec la
mise en place d’actions de sensibilisation sur le respect des libertés individuelles à l’échelle de l’Union Européenne
; - il faut mettre en place un partenariat avec les principales associations de consommateurs
qui serviront de relais avec les citoyens
; - il faut renforcer de la recherche, orientée
vers des réels objectifs scientifiques
(sic) ; - et,
pour représenter les intérêts des citoyens
, il faudrait créerune instance indépendante composée de personnalités politiques, scientifiques, philosophes, membres de comités d’éthique, citoyens représentatifs (membres d’associations reconnues)
qui aura pour rôle de veiller au respect de l'éthique, surveiller les recherches des laboratoires, donner un avis sur la poursuite de ces recherches, vérifier la bonne utilisation des fonds investis par la Région, établir une nomenclature des produits potentiellement dangereux, établir une traçabilité des nanoparticules de la production à la destruction ou au recyclage et communiquer le résultat de ses travaux et de ses conclusions aux citoyens.
Bref, on n'est en gros pas loin de ce que prédisait Denis (bravo !)… Mais avec des propositions concrètes et plus détaillées.
Sinon, quelques mots sur le déroulement de la conférence. On a pu suivre samedi la diffusion en direct des tables-rondes en public. De vraies questions (à défaut de réponses, souvent insatisfaisantes) et des discussions plutôt ouvertes. Devant prendre ma voiture après avoir regardé la première heure de débat, je regrettai de ne pas pouvoir suivre le débat à la radio. Une couverture médiatique en continu, qui permettrait d'intéresser véritablement à ce type de conférences de consensus et "passionnerait" les Français, chacun faisant ensuite siennes les conclusions du panel, voilà ce dont je rêve… Plus pragmatiquement, des échos me sont parvenus de l'ambiance à l'intérieur du panel et de l'organisation. Il semblerait que les citoyens étaient relativement infantilisés par les 4 ou 5 animateurs de l'IFOP et ont reçu une information plutôt pro-nanotechnologies, n'entendant nullement parler de Jean-Pierre Dupuy ou de Jacques Testart. Quant au Conseil régional, il lui reste à mettre en œuvre ces conclusions, comme il s'y est engagé !
Il y aura probablement quelques rebondissements à suivre bientôt, et peut-être (j'espère !) dès demain dans la presse nationale.
[Mà J 23/01] Revue de presse:
- Libération estime que
la Conférence de citoyens a montré [...] sa pertinence
puisque le vice-président (écologiste) du Crif en charge de la recherche, Marc Lipinski, prend acte de ces recommandations etpropose d'inclure des associations dans la «gouvernance» des réseaux subventionnés, annonce un financement pour des études toxicologiques et promet de porter au niveau national la demande d'un observatoire des nanotechnologies
; - Les Echos (réservé aux abonnés).
Notes
[1] Il en ressort que le panel se déclare majoritairement favorable aux nanotechnologies, qui représentent indéniablement un progrès et même un espoir pour le monde d'aujourd'hui et de demain que ce soit dans les domaines de la santé, de la vie quotidienne, de notre environnement et de notre cadre de vie
, à condition que l'éthique soit respectée, la liberté (pas de société "big brother") et la maîtrise des risques.
Commentaires
Il y a du bon et du moins bon... une surprise positive pour moi, qui n'en attendait rien de bon ! :-) Les 4 premiers points sont de bonnes idées - le premier point, la responsabilité qui pèse sur les industriels, doit être précisé, mais il peut s'agir d'un bon moyen de pression pour réaliser plus d'études de dangerosité. De meme, le 4eme, l'etiquetage, doit être imposé, au consommateur de faire ensuite son choix (un peu comme pour les ogm, je trouve).
J'ai de tres tres gros doutes sur la "communication". Les opposants vont crier à la propagande, et ils auront, enfin, apres tant de bêtises dites, sûrement raison.
La CNIL, je vois pas le rapport, je suppose une confusion avec les tags RFID "qui font penser à big brother"
la fin, c'est beaucoup de bonnes intentions, des répétitions de ce qui existe deja, ou des incitations à multiplier les "commissions" et autres "Haut Conseil Consultatif des Sages".
Matthieu > Plutôt d'accord avec toi sur tout, y compris le fait que les puces RFID n'ont pas forcément leur place dans les "nanotechnologies". Peut-être est-ce leur caractère pervasif qui les fait ranger dans cette catégorie, erreur qui n'est pas commise uniquement par la conférence de citoyens (citoyens eux-mêmes ou organisateurs), comme en témoigne cet article du Monde du 30 juin 2005 :
De manière connexe, un invité des tables-rondes de samedi était un industriel de STMicroelectronics qui fabrique des puces comme il y a 10 ans, rien de nanotech donc ! De fait, se rattacher aux nanotechnologies devient un véritable enjeu qui dépasse la sphère du scientifique, et peut être étudié par la sociologie des sciences (un ancien de mon Master travaille sur ce sujet pour sa thèse)
Intéressant : la santé arrive souvent en premier dans la liste des domaines où les n.tech. peuvent apporter qqchose de positif. Il faut dire que certains espoirs sont vraiment hallucinants (pompe à insuline, détection ultra-précoce des tumeurs…).
Bonsoir. Les conclusions du "groupe des 16" sont assez pertinentes, je m'y associe. Il sera très dur d'éviter la confrontation en pro (ceux qui en vivent, type labo de Recherche dans le domaine) et ceux qui font profession de les détester, justement parce qu'ils en sont (du domaine). Ce sera l'effet balancier, le "spécialiste" sera accusé de mentir et le gueulard d'exagérer. Mais tout cela renvoie sans doute à notre dimension de Français (dans notre manque chronique de pragmatisme). Bien qu'il serait intéressant de savoir si les citoyens d'autres pays ont traités le sujet en arrivant aux mêmes conclusions. A la lecture de l'article de S. Huet, je viens de découvrir que les citoyens avaient touché 400 euros. Il ne me semble pas avoir lu dans les documents de la Conférence des Citoyens sur les N. que ce serait le cas. Est-ce un remboursement de leur frais ou une gratification pour service rendu ? Détrompez-vous bien, STM (et tous ses concurrents) ne fabrique plus ses circuits comme il y a dix ans. Les nanos matériaux (je veux dire, les matériaux de dimensions nanométriques) sont déjà employés à plein régime dans les dispositifs. Leur volume total (s'il était tous libérés dans la nature en même temps) serait très faible, ce qui n'est pas le cas des diverses peintures et autres bitumes chargées en nanoparticules (métalliques du type catalyseur (réducteur) de gaz agressifs) qui elles vont lentement se fondre dans le milieu (mais c'est pour la bonne cause: diminution de l'effet de serre par une meilleure isolation des bâtiments, par exemple; donc cela n'intéresse pas grand monde). Enfin, peut-être faut-il également rappeler que la terre, notre bonne mère, a elle-même une infinité de nanoparticules en son sein. Notre corps, fruit d'une évolution lente a appris à s'en prémunir. Le danger le plus immédiat est que l'homme a acquis la capacité d'accélerer le temps et que l'échelle des mutations est bien plus lente que notre rapidité actuelle à changer notre environnement. D.
Denis > Merci pour ces précisions. A propos des 400 €, il me semble que c'est à titre d'indemnisation… pour les quelques week-end occupés et le travail fourni. Sinon, les dernières phrases sont intéressantes, et c'est vrai que c'est une rhétorique que l'on rencontre de plus en plus. Dire que les nanotechnologies (d'accord, les
) sont naturelles et ont toujours existé, c'est comme dire que les OGM sont naturels et ont toujours existé. Une question épistémologique qui, me semble-t-il, reflète à nouveau le fossé entre scientifiques et profanes.