La physique ne veut-elle pas d'Garrett ?
23
nov.
2007
Garrett Lisi, c'est ce surfeur physicien dont la "théorie du tout exceptionnellement simple" (oui, celle après laquelle courent tous les physiciens théoriciens) défraye la chronique. Le côté surfeur décontracté, scientifique marginal (voire pas scientifique selon certains articles : il a ce profil atypique du chercheur amateur, bien loin de l'image d'Epinal du scientifique reclus dans son laboratoire
) participe à la légende ou en tous cas à l'intérêt que l'on peut porter au personnage. Sans me prononcer sur le contenu de cette "théorie E8" (dont on peut lire une très belle explication ailleurs), c'est le cas Lisi que j'aimerais aborder.
Car comme le fait remarquer blop en commentaire, Garrett Lisi est loin d'être un franc-tireur : diplômé en mathématique et docteur en physique, pur produit du système universitaire américain, comptant des publications dans J. Phys. A. et Phys. Rev. E, son CV pourrait faire beaucoup de jaloux. Mais Garrett Lisi fait du surf. Etonnant, non ? Laissons-le raconter son parcours (ma traduction) :
Quand j'ai obtenu ma thèse en 1999, j'ai dû prendre des décisions difficiles. Mes trois amours en mathématique et en physique ont toujours été la géométrie différentielle, la relativité générale et la théorie quantique champ. A ce moment, les seules postes disponibles liés à ces centres d'intérêts étaient en théorie des cordes. J'ai bien étudié un peu les cordes… mais je ne pouvais pas avaler cette pilule. Il y avait trop d'hypothèses non vérifiées expérimentalement et il me semblait improbable que l'univers fonctionne de cette façon. J'ai donc dû choisir entre quitter la physique et gagner ma vie, rester dans la physique et travailler sur autre chose ou travailler sur la physique qui me plaisait grâce à des petits boulots alimentaires. J'aimais la physique plus que tout donc j'ai choisi cette dernière voie, qui s'est avérée difficile. Très gratifiante, mais difficile. C'est difficile de découvrir les secrets de l'univers quand vous essayez de savoir où vous et votre copine allez dormir le mois prochain. Mais je pense que j'ai fait le bon choix — ça a même mieux marché que je l'espérais.
Voilà donc comment Lisi se retrouve à enseigner la physique à Hawaï, à investir sa bourse d'étudiant dans des actions Apple et à devenir moniteur de surf. Cet épisode est intéressant à plusieurs titres : il montre qu'il n'y a pas une physique mais de nombreux types de physique, au sein desquelles la théorie des cordes a incontestablement une position dominante. Selon Brian Green et Lee Smolin, il y aurait actuellement environ mille membres actifs dans la communauté de la théorie des cordes, à comparer avec la centaine de chercheurs que compte la théorie alternative la mieux placée, la gravitation quantique à boucles. Pas parce qu'elle est plus "vraie", non, mais parce qu'elle a réussi sa main basse sur la physique (pour une analyse historique, sociologique et épistémologique de cet état de fait, je conseille ce billet très complet en quatre parties : 1, 2, 3 et 4). Difficile dans ces conditions de trouver du travail quand on y est opposé.
Mais Lisi n'est pas le seul critique de la théorie des cordes : certains comme Peter Woit, John Baez ou Lee Smolin ont des postes qui leur permettent de défendre une position minoritaire. Et afin d'encourager des recherches fondamentales et non-conventionnelles en physique et en cosmologie, Smolin a accepté d'être conseiller scientifique du Foundational Questions Institute (FQXi) qui accorde des bourses aux chercheurs méritants. C'est ainsi que Garrett Lisi a reçu une aide de 77 280 dollars.
C'est le deuxième enseignement : la recherche peut se faire ailleurs que dans les institutions officielles, à condition d'en reprendre peu ou prou le modèle (les candidatures sont évaluées par les pairs sur la foi d'un CV et d'un dossier de recherche), quitte à offrir une plus grande liberté. Toujours selon le témoignage de Lisi : S'il n'y avait eu cette occasion d'obtenir une bourse FQXi… j'aurais probablement accepté un poste permanent de professeur (NdT : à Hawaï) et je n'aurais pas eu la chance de découvrir cette connection E8 étonnante
.
Finalement, tout cela fait moins de Lisi un scientifique mercenaire que Grigori Perelman par exemple, électron libre des mathématiques. Mais l'intérêt qu'on peut lui porter n'est pas moins grand puisque cette marginalisation est quasi structurelle et dit beaucoup de choses sur l'organisation de la recherche et la science qui peut en découler…
Commentaires
Concernant Le Monde, je ne vois pas pourquoi le maljournalisme dont fait preuve ce journal s'arrêterait subitement pour les articles scientifiques. Avouez, que c'est franchement sexy de parler d'Hawaï et de surfeur.
Sinon, voilà ce que j'ai entendu
" Les gens du Perimeter Institute sont en train de sombrer doucement dans une douce folie"
Est-ce spécifique à un Institut ? Cette quête fantasmatique de la théorie du tout ("l'équation de Dieu, disait Hawking"), alors que la SUSY n'est même pas vérifiée expérimentalement, est-ce bien raisonnable ?
rhoo la la le tiiiiitre !
:-)
la recherche théorique peut se faire ailleurs que dans les institutions officielles. Pour les autres recherches, il faut des moyens financiers inaccessibles aux "amateurs".
Cilou :
Oui mais il faut quand même manger et avoir du temps et une sérénité qui permettent de se livrer à ces travaux (sans compter les conférences, auxquelles Lisi a participé avant de publier son papier). Son exemple le montre sans doute bien : on ne peut pas cumuler un boulot alimentaire et de la physique théorique de haut-niveau sans un petit coup de pouce financier et un cotoiement plus ou moins régulier du milieu...
Puisque quelques mots en commentaires t'inspirent de brillants billets, je continue :-)
Jette un oeil la :
http://network.nature.com/forums/sciencewriters/609?page=1#reply-1414
Il s'agit de savoir qui est le premier scientifique (donc, de facto, de definir ce qu'est la science...). Je me suis laisse dire qu'une phrase comme celle-ci :
ne serait pas pour te deplaire, isn't it?
En plus, ca nous permettra de dire du mal de l'anglocentrisme de la Royal Institution
@ Blop : en même temps, à choisir entre l'avis de L. Wolpert et de B. Cleqq, je n'hésiterais pas beaucoup - mais je ne suis pas objectif dès qu'il s'agit de Wolpert. Sinon, Pythagore et "tout est nombre", ce n'est pas mal non plus et cela permet de revenir sur le sujet du billet !
et voila qlq un qui se permet de s appeller un Enstein de la deuxieme milinaire , il ya 5 ans steven hawking a donne une prevision d ici cent ans on aura la theorie d unification qui reflete la genese d un dieu choisi son univers plein de mysteres ....il y en qui disait que dieu a cree une piere qui n a pas pu soulever .garett lisis montre le contraire ....