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Mot-clé : biodiversité

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Lecture hivernale : le "Bestiaire amazonien" de François Feer

Paru en octobre dernier chez Le Dilettante, le Bestiaire amazonien de François Feer est un livre inclassable, à  la fois roman (illustré), recueil poétique et monographie. Cette galerie de portraits animaliers mérite son nom de bestiaire amazonien, mais offre bien plus : l'auteur nous fait entendre le son du singe hurleur (ou alouate), sentir l'odeur alliacée du pian et le frôlement du fer de lance à  lunettes (une chauve-souris)… Son ton poétique et tendre l'éloigne d'une Encyclopédie du savoir relatif et absolu façon Bernard Werber et le rapproche d'un Conrad Gessner et son Historia animalium. L'auteur, incontestablement, possède une vraie voix :

L'alouate est un singe dit "hurleur" comme la mouette est rieuse et le canard laqué. Hurler est sa vocation, sa vocalise première, une seconde nature, un cri primal, un sacerdoce incontournable, une mission sacrée. Les hurleurs hurlent, les vaches ruminent, les poules pondent et les moines font du fromage, c'est comme ça et personne ne peut rien contre. (p. 22)

François Feer écrit avec verve et met les images au service des concepts. Il présente des savoirs zoologiques et éthologiques établis mais nous fait aussi toucher du doigts des discussions de biologiste plus profondes, mentionne Freud (l'inventeur de la psychanalyse) et Darwin (l'inventeur de l'évolution) dans la même phrase, accumule les références à  Claude Lévi-Strauss, Alexander von Humboldt et le comte de Buffon et se paye quelques institutions du monde scientifique :

Le nombril ne sert à rien, comme l'appendice, les dents de sagesse ou l'Académie des sciences. (p. 48)

Comme dans l'équipage d'un navire de commerce, une hiérarchie basée sur l'âge et l'expérience en mer s'établit naturellement [chez Homo sapiens explorans]. Les vieux loups de mer transmettent à  la jeune garde les récits de leurs exploits ainsi que la saga des ancêtres, ce dont bien sûr ils se foutent complètement. (p. 184)

A peine né, l'explorans fermente dans la matrice chaude et humide de la forêt ; il commence à échafauder des théories sur le pourquoi et le comment des choses. Il le fait avec d'autant plus d'aisance que les données restent rares et qu'il n'y a pas grand monde pour aller vérifier. (p. 187)

On sent le scientifique incongru, mélange entre Jean-Henri Fabre (pour la marginalité des sujets de recherche) et Boby Lapointe (pour le côté scientifique et poète). Chercheur au CNRS et Muséum national d'histoire naturelle, nul doute qu'il sort ici des sentiers arides de la publication académique pour se faire plaisir et retrouver cet émerveillement qui caractérise tout chercheur.

Tout est parfaitement exact (pour autant que j'aie pu en juger), hormis une erreur malencontreuse (dessin intelligent au lieu de dessein intelligent). Le lecteur peut donc enrichir ses connaissances sur la faune amazonienne, tout en s'offrant un bon plaisir de lecture rehaussé par les illustrations évocatrices de Dupuy-Berberian, auteurs de bande dessinée fêtés à Angoulême à la fin du mois et habitués des éditions "Le Dilettante".

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Blogs scientifiques ou pseudo-scientifiques ?

Avec l'explosion des blogs, la science trouve là  un nouveau vecteur de diffusion, de sensibilisation voire de discussion. La communication est plus directe, elle n'est pas soumise à  la loi de l'audimat, elle peut prendre son temps.

Deux chercheurs de l'Université d'Oxford se sont penchés sur le phénomène des blogs scientifiques dans la revue Science. Au-delà  des constatations générales, ils ont aussi voulu évaluer la qualité scientifique de l'information qui y est diffusée. Partant des quelques 400000 blogs relatifs à  l'environnement et la biodiversité, ils ont trouvé 30 blogs qui mentionnent un taux journalier d'extinction des espèces. Alors que le consensus scientifiques s'établit entre 74 et 150 espèces/jour, environ 40% des blogs visités donnent des chiffres supérieurs à  200 espèces/jour, donc faux en l'état actuel des connaissances.

Le monde des blogs est donc très riche mais en ce qui concerne l'information scientifique, il équivaut à  un bouillon où tout se mélange allégrement. Chacun peut prendre la parole, les militants écologiques ne s'en privent pas, et il n'est pas toujours facile de savoir qui écrit et en quelle qualité (le présent blog est symptomatique puisque l'auteur se cache sous un pseudonyme et ne divulgue pas ses qualités).

Il apparaît donc que les blogs scientifiques peuvent être un moyen de communiquer la science, voire "autour de la science" dans le cas des militants, mais que peut-être plus qu'ailleurs, l'esprit critique du lecteur doit s'exercer. Tout n'est pas à  prendre pour argent comptant, et tout n'est pas à  mettre au même niveau. Un moyen simple de se repérer est de vérifier que la source des informations est donnée et éventuellement les qualités de l'auteur (formation, affiliation, expertise...).

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