La science, la cité

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Les protocoles expérimentaux vus de l'intérieur

Pour démystifier un peu la méthode scientifique, et dans l'esprit du billet sur le peer-review vu de l'intérieur, je traduis et reprends ici partiellement un billet de Matthew Hall. Dans ce billet, Matthew revient sur un protocole expérimental qu'il a lui-même rédigé, publié en 2004 dans un article scientifique :

Le caractère hydrophobe, LogP, des huit complexes a été mesuré sur trois réplicats par le coefficients de partage octanol-1/eau, selon la méthode mentionnée par Robillard et al. Les solutions ont été ajustées à  500 mL (100 IM) dans du KCl à  0,15 M pour minimiser l'hydratation des complexes. Des volumes égaux (2 mL) de la solution eau et octanol-1 ont été agitées mécaniquement pendant 24 h. Des aliquots ont été prélevés de la phase supérieure d'octanol et de la phase aqueuse inférieure. Les échantillons aqueux ont été dilués 100 fois avec une agitation rigoureuse. La quantité de platine a été déterminée par spectrométrie d'absorption atomique à  four en graphite (GFAAS). Les coefficients de partage ont été exprimés par le Log10 du rapport entre la concentration de platine dans la phase d'octanol-1 et de la concentration de platine dans la phase aqueuse, comme indiqué dans l'Equation (1).

Rien que de très habituel pour une publication scientifique. Mais voilà  comment, quelques années après, Matthew décrit la manière dont l'expérience s'est réellement passée :

On a décidé qu'il nous fallait comprendre si les substances pénètrent facilement ou non dans les cellules ; il y a une vieille méthode pour ça, mais bien sûr, quand on a essayé de répéter l'article de Robillard, ça n'a pas marché. On a donc pris un café en se plaignant de notre superviseur pendant une demi-heure — et on a encore eu une discussion du type "je suis tellement inquiet à  propos de ma carrière universitaire, il n'y a pas de garanties, allez, on devrait tout vendre et gagner quatre fois plus en travaillant moins". Finalement, on est revenus au labo et on a commencé la dissolution ; comme on n'avait pas d'octanol-1, le labo d'à  côté nous en a prêté un peu, puis on s'est cassé la tête avec le spectromètre d'absorption atomique archaïque que le département ne veut pas remplacer. (Il a même un vieil écran monochrome vert !) On a chargé nos échantillons et, évidemment, le manège du spectromètre ne marchait pas, c'est vraiment une machine de m****. Pendant qu'elle analysait nos échantillons, on a partagé notre inquiétude à  propos de nos propres financements de recherche, et on est tombés d'accord sur le fait que les gens qui reçoivent des bourses ne font pas vraiment de la science très impressionnante. Après que la machine a imprimé nos résultats sur une imprimante matricielle, on a dû refaire la moitié de nos échantillons parce qu'on n'aimait pas les chiffres que ça nous donnait. La deuxième fois était bien meilleure, donc on est allés faire un tour au pub, où on a discuté de combien il est injuste que nous ne soyons pas autant payés que les gens du privé, et que la société ne nous estime pas à  notre juste valeur. Puis j'ai fait faire les calculs à  mon stagiaire parce que je n'avais pas que ça à  faire et, franchement, je ne me souviens pas du tout de ces trucs logarithmiques du lycée !

Comme conclut Matthew, ce serait tellement plus fun si les chercheurs écrivaient ce qu'ils ont réellement fait !

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De l'émerveillement du scientifique...

Lu sur une liste de diffusion, un très bel extrait du dernier livre d'Erri de Luca, Sur la trace de Nives. Il s'agit du dialogue imaginaire entre l'écrivain et la célèbre alpiniste italienne Nives Meroi, sur les pentes de l'Himalaya :

Nos ancêtres sont allés à  la chasse d'immense. Ils agrandissaient ainsi la vie. C'est pourquoi l'astronomie a été la première science des civilisations. La nuit fut explorée plus que le jour parce qu'elle était bien plus vaste. La pensée a forcé les secrets, chipé des connaissances pour élargir le champ de la vie étroite. Lorgner l'infini fait augmenter l'espace, la respiration, la tête de celui qui l'observe. A force d'étonnement, la science a progressé. Eprouver de l'émerveillement est une qualité scientifique essentielle, parce qu'elle incite à  découvrir. J'ignore s'il en est encore ainsi, je ne connais rien à  la science et je ne connais pas de scientifiques. Le terme même de scientifique me rend soupçonneux. Pourtant, s'il n'y a plus d'étonnement dans le déclic de celui qui s'enferme dans un laboratoire, tant pis pour lui et tant pis pour la science.

Ou comment le scientifique doit s'émerveiller et la science doit ré-enchanter le monde...

Sur ce, je vous souhaite à  tous de très belles fêtes de fin d'année !

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YouTube à  la paillasse

Via Sciencebase, je découvre le YouTube des chercheurs : Jove, pour Journal of Visualized Experiments. De quoi partager le savoir-faire des manipulations, ce savoir tacite qui fait qu'une équipe va mieux réussir qu'une autre et que des théories prennent forme dans des expérimentations. Il ne sera désormais plus seulement acquis durant les étapes initiatiques de thèse, post-doc ou année sabbatique dans le laboratoire de X ou Y, ni dans des revues spécialisées à  qui il manque la vidéo.

On peut remarquer que les concepteurs ont prévu le même mode de diffusion virale que YouTube (possibilité d'inclure les vidéos dans toute page Internet, de les envoyer par courriel etc.), ce qui laisse peut-être augurer de nouvelles pratiques de communication scientifique (e-science). Et pourquoi ne serait-ce pas un nouveau moyen de montrer au public (ou au moins démystifier, comme avec les levures ci-dessus) comment la science se fait au laboratoire (une sorte de "Fête de la science 2.0") ??!!…

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