Dans le roman-problème classique, c'est la victime qui donne le signal de la chasse ; elle se fait tout de suite oublier. Dans le thriller, c'est le duel entre le policier et le criminel qui retient l'attention, et, au cours de ce duel, tombent de nombreuses victimes qu'on remarque àpeine. Mais, au contraire, dans le suspense, c'est la victime qui devient la figure principale. Quelqu'un est menacé ; quelqu'un sent le danger qui se rapproche, et cherche vainement àse mettre àl'abri. Quelqu'un devient donc, par là, un personnage que nous apprenons àconnaître, un personnage qui a une "intimité", et qui, du coup, devient attachant.

Et Thomas Narcejac de continuer en ajoutant que "le suspense possède d'emblée ce qui manque au roman-problème comme au thriller : la dimension psychologique". C'est ce qui explique que Narcejac tienne en si haute estime le suspense, au contraire des romans d'Agatha Christie par exemple. Et il en a fait la démonstration en écrivant avec Pierre Boileau ce qui est peut-être le plus grand roman de suspense, D'entre les morts, adapté par Alfred Hitchcock sous le titre Sueurs froides (Vertigo, 1958).

Or Patricia Highsmith est aussi une des plus grandes orfèvres du suspense. Un de ses livres a donné la trame de L'inconnu du Nord-express (Strangers on a train, 1951) du même Hitchcock (le Maître du suspense !!), et Le talentueux Mr Ripley a été adapté au cinéma par René Clément (Plein soleil, 1959) puis plus récemment par Anthony Minghella (Le talentueux Mr Ripley, 1999).

J'en arrive donc àPlein soleil, qui est un film saisissant, en grande partie grâce àla prestation d'Alain Delon. Je ne sais pas comment était Matt Damon dans le film de Minghella, mais il doit peiner àfaire oublier la performance du jeune Delon. C'est un film très percutant, qui vous scotche sur votre siège, où la psychologie chère au suspense est très présente. Un film qui mérite véritablement de figurer aux côtés de ceux d'Alfred Hitchcock...