La vie de la recherche n'est pas un long fleuve tranquille... La rétractation d'un article qui s'avère bafouer les codes éthiques de la profession, comme l'envoi à  plusieurs revues, la mauvaise attribution des auteurs, le plagiat, l'usage frauduleux des données ou autres[1] en est la meilleure preuve. Bien plus qu'une simple réfutation de résultats que l'on avait cru juste, il s'agit d'effacer des tablettes de la science ce qui n'aurait jamais dû s'y trouver !

La semaine dernière, c'est le milieu de la biologie végétale qui a été ainsi secoué. Depuis les années 1930 et l'hypothèse du physiologiste russe Mikhail Chailakhyan selon laquelle un signal envoyé par les feuilles sensibles à  la lumière informe les apex du moment de floraison, on en cherchait toujours la nature. Mais un article publié dans Science en 2005 avait montré qu'il s'agit d'un ARN messager, circulant facilement et traduit en protéine FT au niveau de l'apex. Très belle victoire pour cette collaboration franco-suédoise.

Sauf que le résultat était non-reproductible et ne collait pas avec des découvertes plus récentes. C'est la protéine FT elle-même, et non son ARN messager, qui serait le signal circulant dans la plante. Le verdict devait tomber : après le départ du post-doc auteur du travail, les membres de son équipe s'aperçoivent que certaines données de la PCR en temps réel avaient été supprimées ; d'autres avaient été pondérés pour l'analyse statistique. En reprenant les données brutes, la plupart des différences significatives rapportées au cours du temps disparaissent. Et l'article d'être rétracté par les co-auteurs, chercheurs respectables et reconnus dont la crédibilité avait aidé à  faire accepter cette découverte inattendue, mais pas par le post-doc chinois qui court toujours et refuse de reconnaître ses torts !

La rétractation est parfois encore plus "violente" et inattendue. En 2001, deux jours avant les attentats du 11 septembre, un article de génétique (A. Arnaiz-Villena et al., Human Immunology 62(9): 889-900, sept. 2001) osait étudier la variabilité du complexe HLA sur un échantillon de la population palestinienne et concluait à  l’existence d’une étroite parenté génétique entre Palestiniens et Juifs… L'article était surtout ponctué de considérations politiques telles que la rivalité entre les Palestiniens et les Juifs est fondée sur des différences culturelles et religieuses, mais non génétiques. Les réactions indignées de nombreux lecteurs suffirent à  convaincre l’éditeur Elsevier de censurer proprement l'article : retrait de la version électronique en ligne sur Science Direct et de nombreuses autres bases de données type Current Contents ou Science Citation Index et demande diligente à  tous les abonnés de la version imprimée d’ignorer l’article incriminé ou, mieux, de supprimer physiquement les pages correspondantes. Cet autodafé électronique sans précédent pose la question de la mémoire des articles rétractés.

© BMJ

Voici, justement, la politique de l'éditeur de (Pubmed) Medline :

la National Library of Medicine (NLM) ne fait pas la différence entre les articles rétractés pour cause d'erreur de bonne foi et ceux qui sont rétractés pour cause de fraude ou plagiat. Si l'avertissement de la revue est mentionnée comme une rétractation, la NLM l'indexe comme une rétractation. (…) La NLM ne supprime pas la référence d'un article retiré mais la met à  jour pour indiquer qu'il a été rétracté, et lie la référence originale vers la référence de la rétractation.

Bref, Medline conserve tout, parce que son éditeur est public, à  l'inverse des Current contents qui cèdent parfois aux demandes de partenaires privés : on constate effectivement que l'article publié en 2001 dans Human Immunology y est présent.

Dans tous les cas, on peut mieux faire. C'est le sens du débat lancé il y a un mois par l'équipe de rédaction de BioMed Central, qui appelle aussi à  rendre les rétractations plus visibles dans notre monde digital. La notion de "document dynamique", qui rejoint celle des documents mis à  jour en permanence dans les archives de type HAL ou ArXiV, permet d'aller au-delà  des modes habituels de rétractation : un article ici, une rétractation là , emballé c'est pesé… Ou l'on devra s'attendre à  rencontrer toujours ces articles qui citent des articles rétractés, alors même que la rétractation est censée être connue !

Notes

[1] Pour prendre l'exemple des règles mises en place par Elsevier.