La science, la cité

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L'accès libre, pour les étudiants aussi !

Nombreux sont les publics qui profitent de l'explosion des revues scientifiques en accès libre (open access). Les chercheurs eux-mêmes, le grand public mais aussi les étudiants. Comme le soulignait en 2004 Malcolm Campbell, c'est d'autant plus vrai que les cours font la part belle à  la littérature primaire.

Dans le cursus de biologie dirigé par Campbell au Davidson College, les supports de cours sont en effet rien d'autres que la littérature scientifique, rendant ainsi les cours plus concrets et apprenant aux élèves à  résoudre les problèmes en cherchant la solution plutôt que d'attendre la réponse du professeur... Dans ce cadre, l'enseignant se félicite de l'augmentation du nombre de revues en accès libre ainsi que des bases de données bibliographiques (Pubmed) et génomiques, protéomiques etc. Les élèves peuvent ainsi accéder aux mêmes articles que les Prix Nobel et les chercheurs des institutions les plus riches et accroissent leur autonomie dans l'apprentissage.

Les exemples abondent. Du coup, on ne peut que se réjouir de l'évolution de l'accès libre en France : je remarque que les équipes de recherche n'hésitent plus à  publier dans des revues open access tandis que le serveur d'auto-archivage HAL voit son usage exploser (graphiques ci-dessous : source)...

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Quand les articles sont rejetés

Comme le soulignait Jean-François Bach (secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences, 3'15) lors du colloque consacré à  l'évolution des publications scientifiques, les idées les plus nouvelles, les plus grandes innovations ont plus de mal, ont souvent du mal à  passer la barrière de l'expertise ou revue par les pairs. Et Bach de donner l'exemple de la découverte des hybridomes et des anticorps monoclonaux, dont la publication a été d'abord refusée par Nature avant d'être finalement acceptée, sous forme de lettre alors qu'un article complet avait été soumis…

Les autres exemples ne manquent pas : Fermi, Joule, Avogadro et de nombreux prix Nobel ont parfois eu du mal à  faire paraître leurs travaux les plus novateurs (Juan Miguel Campanario fournit une énumération truffée de témoignages qui va faire chaud au cœur à  blop et Timothée).

Un exemple en forme de clin d'oeil, tiré d'un autre article de Campanario, destiné à  ceux qui avaient apprécié le billet du C@fé des sciences sur l'inactivation du chromosome X :

Mais alors, que faire ? Ne peut-on pas distinguer le cancre (rejeté) du génie (rejeté lui aussi) ? Ce système est-il à  jeter à  la poubelle ?

Cela dépend des raisons pour lesquelles ces articles sont rejetés. Parfois, et même pour un prix Nobel, un article peut-être entaché d'erreurs, imprécis ou pas suffisamment mûr. C'est le lot commun des chercheurs de se faire rejeter des articles, les motifs qui reviennent le plus souvent avec le plus de force touchant à  la théorie décrite, à  la conception du travail de recherche (design) et à  la discussion des résultats obtenus. La question de la théorie arrive en premier, les rapporteurs étant en effet attentifs à  l'apport du manuscrit à  la théorie en cours ou la qualité de la nouvelle théorie proposée. Avec les travers cités plus hauts (une théorie avant-gardiste aura peu de chances de convaincre les gardiens du temple), qui font dire à  certains que la revue par les pairs est plus faite pour réguler la science normale (au sens de Kuhn) que pour permettre les changements de paradigme. Ce que certains chercheurs saluent dans le sens où changer de paradigme tous les quatre matins aurait un coût énorme !

En fait, face à  un rejet, le génie sera peut-être celui qui suit ce conseil d'un chercheur cité par Joseph Hermanowicz :

Vous devez être créatif. Vous devez avoir de bonnes idées et les amener jusqu'au bout. Vous devez sans aucun doute être suffisamment intelligent pour avoir des idées, suffisamment tenace pour pousser sans arrêt, et suffisamment confiant pour savoir que vous êtes sur la bonne voie, et aussi pour vous réorienter quand vous faites une erreur."

Nous faisons tous des erreurs et nous nous faisons tous rejeter des articles mais il y a celui qui croit en ses résultats et celui qui se décourage aussitôt ! Si vous êtes dans le premier cas et souhaitez faire entendre raison à  vos pairs, voici un guide pratique des stratégies les plus fréquemment utilisées d'après un sondage auprès de chercheurs pour qui ça a marché :

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Recherche en direct (1)

Un séminaire de recherche à  l'université Louis-Pasteur, Strasbourg :

  • un chercheur > Dans cet article, Nancy Tomes n'annonce son plan qu'à  la toute fin de son introduction. Introduction qui fait 7 pages…
  • une chercheuse > …et qui est si riche en références bibliographiques qu'on croirait qu'elle a voulu justifier la parution de son article [sur la consommation des biens de santé entre 1900 et 1940] dans une revue d'histoire générale [au lieu d'une revue d'histoire de la médecine].
  • le premier chercheur > Ou ce sont les rapporteurs qui ont insisté pour qu'elle se livre à  ce travail historiographique…

Un peu plus tard :

  • moi > A propos du fait que l'article soit très programmatique mais peu étayé par des études de cas précis, j'ai été marqué par l'épisode de l'étude sur la syphilis de Tuskegee (p. 542). Une affaire que je ne connaissais pas et dont j'aimerais savoir plus mais c'est un très mauvais exemple dans ce contexte, quand Tomes veut montrer la manière dont les noirs ont été exclus de la consommation ordinaire de biens de santé !
  • le professeur > En effet. Aujourd'hui, on ne peut plus faire ce genre de recherches aux Etats-Unis sans consacrer un passage aux questions ethniques. J'ai l'impression qu'elle l'a fait ici pour anticiper les réactions des rapporteurs, mais sans rapport finalement avec le fond de son article.

On savait déjà  que les commentaires des rapporteurs après soumission d'un article scientifique conduisent parfois à  des concessions illogiques ou antagonistes. On savait aussi que l'auteur d'un article a tendance à  intégrer les contraintes de sa communauté pour que son article soit accepté puis lu. En voici un (bel) exemple ici. Difficile après cela de juger de la qualité "intrinsèque" d'un article (ou en tous cas de ce qu'un chercheur a voulu vraiment dire) indépendamment de son contexte de publication…

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Comment raconter la science aux enfants

Vous avez déjà  lu Comment ça marche, La vie : une histoire de l'évolution ou Les étranges lunettes de Monsieur Huette ? Dans le monde anglo-saxon, les enfants intéressés par la science liront aussi How things work de David Macaulay ou Horrible Science et Uncle Albert and the Quantum Quest.

Alice Bell est doctorante à  l'Imperial College de Londres et elle a fait de ces histoires son objet d'étude. Avec un point de vue à  la fois éducatif, sociologique et des sciences de la communication, elle décrit ces livres, la manière dont ils interagissent avec leurs jeunes lecteurs et l'image qu'ils donnent de la science. Son blog revenait récemment sur leur structure narrative : traditionnellement, un livre sur la science a une structure "fermée" et suit un fleuve tranquille qui emmène le lecteur du début à  la fin. En espérant qu'il en sache plus à  la fin qu'au début ! Pour Ron Curtis, cela implique un fonctionnement très baconien de la science, qui vient à  bout du réel par l'effort et répond aux questions qu'elle se pose. Mais la science ouvre plus de questions qu'elle n'en ferme (combien de voies de recherche ouvertes à  partir d'une unique découverte ?). Elle fonctionne par un aller-retour constant entre questions et réponses, et improvise en permanence des passerelles (instruments, protocoles, heuristiques etc.) qui la sortent de son cours "naturel". Ainsi, d'autres possibilités narratives doivent exister, qui reflètent bien mieux cette science là . On commence en effet à  les retrouver aujourd'hui en librairie. Par exemple, le livre Pick me up offre une structure que Bell qualifie de "shufflepedia" : elle permet de passer facilement du blog d'un viking (sic) à  une illustration qu'on dirait sortie des années 1950 ou un jeu interactif, chaque concept en entraînant un autre sur un mode toujours différent (humour, interactivité, fantaisie, anachronisme).

Il y a également la possibilité du dialogue socratique, comme dans le livre Why is snot green? de Glenn Murphy.

Et comme précédemment, de nombreux renvois situés dans les notes de bas de page permettent de naviguer à  travers le livre au lieu de le lire en continu du début à  la fin...

Mais si les livres pour enfants ne vous intéressent pas, pensez aux histoires que racontent les médias : la science y est souvent présentée comme une enquête policière. On retrouve le même principe baconien de victoire sur le réel (une question conduit à  une réponse), et de nouvelles formes narratives devraient également se développer pour ce public !

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Blogs, YouTube : expériences de communication en science

Des blogs de scientifiques, il y en a (beaucoup en anglais, moins en français). Des scientifiques qui bloguent des vidéos, cela existe. Mais un article récent de la revue Chemical and Engineering News rapporte des expériences de communication qui passent par ces outils, des expériences institutionnelles et non plus individuelles.

Tout démarre après le buzz des vidéos sur l'expérience Coca + Mentos, que certains ont vu comme de la science populaire (essayer avec d'autres bonbons ou boissons, changer les variables une par une et observer le résultat) et a d'ailleurs suscité l'intérêt des chercheurs qui s'interrogent toujours (comme en témoignent de récents courriers des lecteurs dans La Recherche ou Science & vie). Le Museum of Science de Boston y a rapidement perçu un moyen de toucher un nouveau public et en a profité pour demander aux internautes de voter pour leur explication préférée des concepts d'échelle nanométrique et nanoscience. Dilemme que les scientifiques du musée eux-mêmes avaient du mal à  trancher (voir la vidéo gagnante).

L'American Association for the Advancement of Science (qui édite la revue Science) a également posté une vidéo sur les effets du réchauffement climatique, préparée à  l'occasion de leur colloque annuel mais qui pouvait bien, après tout, toucher le plus large public possible. Le succès de la vidéo n'a pas été à  la hauteur des espérances d'où une leçon : il faut rester concis et faire court. Leçon mise en application avec une seconde vidéo sur l'évolution...

Les laboratoires du projet européen nano2hybrids (dont un français), qui vont travailler pendant trois ans sur des combinaisons de nanotubes de carbone et de nanoparticules de métal, ont choisi une autre option, celle de tenir un journal filmé sur l'avancement des recherches, un video diary. Il ne s'agit plus de communiquer des résultats mais de partager la science en train de se faire, à  raison d'une vidéo par semaine, postée d'abord sur YouTube puis bientôt intégrée à  leur propre site. En parallèle, les chercheurs tiennent aussi des blogs pour apporter d'autres informations comme des bibliographies.

YouTube a pour lui l'avantage de la visibilité et d'une communauté déjà  forte. Mais des solutions comme Sciencehack permettent d'accéder uniquement aux vidéos à  contenu scientifique, qu'elles viennent de YouTube ou d'ailleurs. Un début de "Fête de la science 2.0" que j'appelais récemment de mes vœux ?

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