Pourquoi impliquer les citoyens dans les politiques scientifiques ?
24
juil.
2006
Il est intéressant de voir combien l'idée de rendre compte de ses recherches aux citoyens voire de les impliquer dans la définition des politiques de recherche est étrangère à la plupart des chercheurs. Ainsi pour Ryuujin, élève-ingénieur en agronomie, "la recherche ne peut pas tenir compte de l'opinion publique ; celle-ci n'est pas dirigée par des motivations rationnelles, mais manipulée par des lobbys !"
Pourtant, la raison en est simple (en plus de l'urgence qu'il y a à réconcilier la recherche française avec son public) : la science propose des choix mais c'est à la société de choisir ce qu'elle veut pour elle-même, de faire les choix politiques et sociétaux qui sous-tendent la gestion du risque :
La science propose des choix, le droit les traduit en élaborant des normes, l'éthique alerte sur les enjeux concrets qu'ils signifient et apprécie des comportements à l'aune de ces mêmes choix. La société ne peut s'en remettre à aucune de ces disciplines pour décider de son avenir, sinon il lui échappera, mais n'est-ce pas déjà le cas ? (Bertrand Mathieu, « Sciences dans la vie, droit et éthique » dans Cahiers français n° 294, jan-fév 2000)
Ce qui nous rapproche de cette phrase de Stephen Jay Gould (dans Le Renard et le hérisson, 2005), que j'aime beaucoup :
Aucune conclusion factuelle de la science (touchant à ce qu'"est" la nature) ne peut à elle seule déterminer une vérité éthique (touchant à ce que nous "devrions" faire).
Voilà pour le "Pourquoi ?". Quant au "Comment ?", je reviendrai prochainement sur les conférences de citoyens...
Commentaires
Très drôle la réflexion de l'élève ingénieur sur le forum de futura sciences ! L'opinion publique est manipulée par les lobbies ! Ca alors ! Ce jeune homme part du principe que la recherche scientifique est littéralement coupée du monde, homogène, hermétique à toutes pressions... A se demander si les chercheurs ont des préférences politiques, des préférences familiales, des penchants sexuels, etc. A se demander d'où vient l'argent qui permet aux chercheurs d'aller acheter leur pain auprès de cette fameuse opinion publique si divisée et influençable par les lobbies ! Ah, je ris, mais je ris !
Adrien > Tout à fait d'accord, je faisais d'ailleurs cette même remarque sur le forum !!
Personnellement, je suis aussi frappé par la manière dont le retour que la recherche scientifique doit apporter à la société est complètement passé sous silence par certains... les jeunes n'étant pas les derniers pour oublier ce rôle toutefois fondamental.
Il y a peut-être une utopie, chez quelques-uns, de cette recherche coupée du monde, homogène et vivant dans sa bulle. J'avais pu le constater chez des collègues mathématiciens (mais n'allez pas me dire ce que je n'ai pas dit ; il y a des mathématiciens très au fait du chemin recherche->grand public) qui considéraient que leur travail était totalement autonome et pouvait donc s'abstraire des préoccupations de la société.
Nul besoin de dire qu'une telle approche est désastreuse.
Sur la nécessité de diffusion de la culture scientifique, Enro, j'imagine que tu es au courant de l'accent mis sur cette mission par le Ministère pour les moniteurs des CIES via une circulaire de septembre 2005 ?