Au sein du collectif pour une "autre campagne", le sociologue et historien des sciences Dominique Pestre nous offre une bien belle tribune. Rien de très nouveau pour les lecteurs de ce blog mais l'occasion de re-préciser les enjeux des nouveaux rapports entre science et société, et plus largement d'une nouvelle gouvernance du monde, pour un autre contrat social.

Démonstration en cinq points :

Recadrer la question en esquissant les tendances lourdes du monde moderne : le passage à  la sphère publique de problématiques auparavant considérées comme privées (par exemple la question du genre : féminin/masculin/transsexuel), la mise en scène de chaque groupe social via les médias, le passage des modes d'intervention d'une forme revendicative (adressée à  un Etat garant de la justice sociale) à  une forme d'action plus proche du do-it-yourself, et enfin le fait que le corps social ait appris à  apprendre (rationalité nouvelle, propres réseaux de savoir etc.)

Répéter, encore et toujours, que l'implication accrue des mouvements citoyens dans les enjeux scientifiques et technologiques n'est pas une posture irrationnelle anti-science :

Les critiques sont plutôt vis-à -vis des régulations (des produits techno-scientifiques et des risques industriels) ; vis-à -vis des attitudes systématiquement technophiles (tout ce que la science peut faire doit advenir) ; vis-à -vis des valeurs que portent, et des effets sociaux qu’induisent ces changements techno-industriels.

Rassurer en montrant que cette implication est un bienfait pour l'équilibre des pouvoirs et leur déconcentration.

Avertir de la révolution copernicienne qui nous attend :

comprendre que le monde a changé – et pas seulement en mal ; qu’il faut penser à  ceux avec qui de nouvelles créativités peuvent être établies ; qu’il faut savoir faire sa part du chemin puisque la vérité, contrairement à  ce qu’on a souvent tendance à  penser, est distribuée (les problèmes sont complexes) et toujours partielle (il est difficile de tenir tous les paramètres). Dans la plupart des questions qui importent (quelle agriculture ? quel développement ? quelle énergie ? quelle reproduction ?), la solution n’est pas d’abord dans la technique ou la science mais dans le débat ouvert et informé entre citoyens et experts.

Proposer des solutions pour inscrire cette dynamique plus profondément dans les structures en place : créer des interfaces entre l'université et la société civile (comme s'y essaye activement le Prof. Ancori à  l'Université Louis-Pasteur de Strasbourg), penser les contextes de recherche avant ou en même temps que les recherches elles-mêmes et ne pas hésiter à  reconstruire des habitudes bien ancrées (distribuer la R&D du logiciel libre, collaborer et co-construire etc.).