Voici un livre qui m'a longtemps fait de l'œil sur les étagères des librairies anglophones (la traduction en français n'étant sortie qu'il y a un an, chez Payot, après quatre années d'attente) : Une histoire de tout ou presque. Et je ne m'y suis pas trompé, non plus que ses millions de lecteurs avant moi, y compris Boulet qui en parlait il y a quelques jours : Bill Bryson raconte avec délectation une histoire (courte) de presque tout, de l'atome à  la galaxie en passant par la Terre et ses habitants. Surtout, dans toutes ces histoires qui pourraient paraître réchauffées à  un lecteur scientifique, Bryson insuffle de la magie et de la passion. Je crois n'avoir jamais senti d'aussi près l'insaisissable absolu du big bang ou l'irréelle magie des dinosaures, dont on arrive à  reconstituer la morphologie et l'habitat à  partir de quelques morceaux d'os.

Mais Bryson s'intéresse également aux vies aventureuses des grands savants, ceux de la révolution scientifique comme ceux dont l'Histoire a à  peine retenu le nom et qui font le régal du lecteur. Je pense au discret chimiste suédois Karl Scheele, à  l'autodidacte James Croll qui fournit la première explication aux âges glaciaires, digne du film "Will Hunting", au malchanceux Gideon Mantell à  qui l'on doit la première description d'un dinosaure, à  l'insupportable Richard Owen, fameux anatomiste, paléontologue et fondateur du Musée d'histoire naturelle de Londres, qui fit honte au savoir-vivre britannique ou à  l'original James Hutton, le fondateur de la géologie dont personne n'a lu les livres tellement ils sont illisibles. J'ai aussi appris les dessous de la décapitation de Lavoisier pendant la Révolution française, savoureux !

L'auteur n'hésite pas non plus, et c'est tant mieux, à  donner toute leur place aux questions qui restent sans réponse, lesquelles nous apprennent sans doute plus sur la science et son fonctionnement que ses victoires.

Au fil des 500 pages, il tresse bien une histoire de presque tout, passant avec maestria d'un personnage à  un autre et de la géologie à  la chimie, sans jamais donner l'impression que c'est artificiel. L'auteur nous gratifie également de quelques citations hilarantes, comme cette réponse d'Enrico Fermi à  un étudiant qui lui demandait le nom d'une particule (muon, méson, boson, baryon, tachyon… ?) : "Jeune homme, si je pouvais me souvenir du nom de ces particules, je serais devenu botaniste." Ou cette remarque d'un collègue à  qui on annonçait que le physicien Rutherford, connu pour sa voix de stentor, allait participer à  une émission de radio transatlantique : "Pourquoi utiliser la radio ?"

Bill Bryson avoue avoir passé trois ans sur ce livre, sur les entretiens avec quelques autorités scientifiques triées sur le volet ainsi que sur sa documentation (on retiendra d'ailleurs l'astucieuse façon de citer ses sources, qui n'entrave en rien la lecture) : on sent tout ce travail mais la mission est plus que remplie ! Un petit bémol toutefois, l'américano-centrisme avec l'attribution de la découverte de Lucy à  Donal Johanson uniquement (même si la littérature francophone tombe dans le travers opposé en l'oubliant souvent au profit d'Yves Coppens) et la profusion d'exemples comme le parc national de Yellowstone ou le cratère de Manson dans l'Iowa.

J'avais prévu de mettre ce livre en parallèle avec La Science du Disque-monde, autre ouvrage de vulgarisation au parti pris très différent. Le temps m'a malheureusement manqué pour cumuler les lectures (la faute au jeu "Soul Bubbles" sur DS ?), mais promis, j'en parle sur ce blog dès que c'est fait !