Dans ma chronique de blogs ce mois-ci, j'ai mis à l'honneur l'une des rares blogueuses du C@fé des sciences, Lydie, et son excellent blog "Le destin du pingouin". Là, on peut en apprendre de belles sur "les animaux, leurs vies, leurs amours, leurs drôleries de tous les jours" — et pas seulement les pingouins ! Il y a peu de temps elle nous parlait par exemple de la bonellie…

La bonellie, qu'est-ce que c'est ? C'est un animal qui mériterait d'être connu : marin (on le trouve dans plusieurs océans de la planète), de la famille des annélides (comme le ver de terre et la sangsue) et très intéressant pour sa couleur verte fluo mais aussi sa sexualité. La jeune larve de la bonellie est sexuellement indéterminée et selon où le courant la porte, elle va devenir mâle ou femelle, dans une stratégie toujours gagnante : si la larve se dépose sur un fond marin dépourvu d'autres bonellies, elle devient femelle ; mais si elle se pose près d'une femelle, et en particulier la trompe d'une femelle qui peut atteindre 1 mètre 50, alors elle devient un mâle. C'est une substance sécrétée par la femelle qui donne ce résultat ; les femelles bonellies fabriquent donc les mâles, et les aspirent ensuite par leur trompe ; le mâle ne revoit plus jamais la lumière du jour, condamné à vivre dans le sac génital femelle et à féconder 1000 œufs par an.

Et comme souvent, l'histoire continue en commentaire. Cette histoire de dimorphisme sexuel (c'est ainsi que l'on nomme la différence morphologique qui peut exister entre les mâles et les femelles d'une même expèce) est courante dans le règne animal et un lecteur explique en commentaire que c'est une question d'économie d'énergie et de répartition des ressources : la femelle a besoin d'investir dans la production de ses œufs et doit accumuler beaucoup de réserves énergétiques, alors que ce n'est pas le cas du mâle. Deux semaines plus tard, Lydie écrit un nouveau billet pour expliquer plus en détail la différence entre les gamètes mâles et femelles et pourquoi l'investissement est différent dans les deux cas : il s'avère que les gamètes mâles, comme les spermatozoïdes, ne coûtent pas beaucoup à fabriquer et sont donc produits en grande quantité, quitte à ce qu'il y ait du gaspillage ; la situation est différente avec l'ovocyte femelle, qui contient les réserves énergétiques du futur œuf et qui est beaucoup plus rare ; ainsi, une femme produit environ 500 ovocytes fécondables dans sa vie alors que chez l'homme, une seule éjaculation contient environ 200 millions de spermatozoïdes. On comprend donc mieux pourquoi il est important que les femelles soient aussi nombreuses que possible et que les mâles utilisent le moins de ressources disponibles pour les femelles.

Les lecteurs citent d'autres exemples où le dimorphisme est poussé à l'extrême, par exemple la baudroie des abysses où le mâle parasite la femelle et perd progressivement tous ses organes, pour ne garder que ses testicules alimentés par le système sanguin de la femelle. Et puis on a une échappée littéraire inattendue, avec un lecteur qui croit se souvenir d'un roman de Barjavel où les hommes sont devenus minuscules et se jettent sur les femmes pour se faire dévorer. Un autre commentateur confirme qu'il s'agit du livre "Le Voyageur imprudent" dans lequel le héros voyage dans le futur extrêmement lointain et découvre en effet que les mâles se précipitent dans des tunnels où sont diffusés des images de fantasmes masculins, et ils se retrouvent à l'intérieur de femmes de la taille d'une colline, pour féconder les œufs.

Bref, comme l'écrit un lecteur, le règne animal ne manque pas d'idées et on doit plutôt se réjouir de notre sort, nous les humains !