Le 4 décembre dernier, Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet rendaient leur rapport sur l'économie de l'immatériel. A cette occasion, le Ministre de l'économie constatait que "nous avons parfois manqué certaines opportunités majeures de ces 20 dernières années" et annonçait :

Compte tenu de l’importance majeure de l’industrie du logiciel dans l’économie de l’immatériel, et du dynamisme de notre recherche, des entreprises et des communautés françaises du logiciel libre, je souhaite que ces talents et ces compétences se fédèrent dans le cadre d’un pôle de compétitivité du logiciel libre et de l’« open source ».

Mais quel rapport avec la sociologie des sciences ?

Eh bien, ces constats du Ministre rejoignent le diagnostic d'un historien et sociologue des sciences, Christophe Bonneuil :

Dans le domaine informatique, plusieurs analystes estiment ainsi qu’une politique industrielle qui aurait misé, à  la fin des années 1980, sur le développement du logiciel libre en favorisant la naissance d’un tissu d’associations et de PME aurait été plus créatrice d’emplois et de richesses que les millions d’euros alors engloutis dans Bull.

Sauf que les remèdes diffèrent. Là  où Bonneuil veut favoriser le "tissu d'associations" et constate que dans ce nouveau contexte d'une "société de la connaissance disséminée" "la recherche institutionnalisée et professionnalisée, tout en conservant un rôle clé, est appelée à  abandonner sa posture hégémonique et à  apprendre à  se faire animatrice et catalyseur de dynamiques ascendantes de productions de connaissance et d’innovation", le Ministre répond (comme toujours) par "pôle de compétitivité", grosse structure, organisation complexe et tutti quanti. Alors que l'économie même du logiciel libre remet en cause certains de nos mécanismes (fordistes) les plus profondéments ancrés, le ministère se contente d'appliquer sa recette habituelle, certes à  la sauce XXIe siècle (un pôle au lieu d'une entreprise publique).

D'où cette taraudante question : le pôle de compétitivité du logiciel libre et de l'open source sera-t-il un Bull 2.0 ?