Axel Kahn fait encore des siennes mais vous, chers lecteurs, ne serez pas dupes... Dans un article du Monde du 9 décembre sur le Téléthon, il déclarait en effet :

L'AFM est une association de malades qui a pour objectif de hâter l'avancée d'un médicament, et non l'avancée de la science. C'est le prix à  payer à  partir du moment où une partie de la recherche dépend de la volonté des malades. Il serait dramatique que la recherche en santé soit par trop dépendante de l'engagement associatif.

Déjà , parler de "prix à  payer" me semble un mépris grave vis-à -vis de l'AFM et des familles de malades qu'elle représente... Ensuite, il feint de croire que l'on peut obtenir des médicaments sans faire avancer la science elle-même, surtout dans le domaine des maladies génétiques. Les programmes de recherche fondamentale soutenus par l'AFM (par exemple l'Institut de myologie, les programmes Généthon et Décrypton) le contredisent complètement (ou, dans d'autres domaines et d'autres pays, la découverte de l'ARN interférent nobelisée cette année). Puis il a le culot de généraliser à  toute ingérence des associations dans la recherche médicale, malgré ce que je me tue à  répéter[1]. Bref, sur ce coup-ci, Kahn m'a vraiment fichu en rogne !

Mais voilà  que je lis quelques jours plus tard une dépêche AFP du 29 novembre :

Hier regardées par les scientifiques avec une condescendance amusée, les associations de protection de la nature se sont muées en partenaires incontournables dans la recherche sur la biodiversité, à  la faveur du désengagement financier de l'Etat. "Il y a quelques années, on les regardait d'un peu haut. Depuis, elles se sont professionnalisées et sont devenues très importantes pour nous", souligne Emmanuel Camus, directeur au centre de recherche agronomique Cirad. (...) "On est loin des intégristes de la conservation, sans culture scientifique, des premiers temps", reconnaît Robert Barbault, écologue au Museum national d'histoire naturelle. "Les grandes associations comme le WWF ou l'UICN, ont lu la littérature (scientifique). En plus, elles disposent d'un recul, d'une stratégie que les scientifiques, souvent très individualistes, n'ont pas". Le plus grand inventaire de la faune et de la flore jamais mené sur la planète, en cours sur l'île de Santo (au Vanuatu), associe ainsi sur un pied d'égalité deux institutions de recherche - le Muséum et l'Institut de recherche pour le développement - et une association, Pro Natura International. De son côté, le Cirad travaille en collaboration avec l'ONG néerlandaise Wetlands International pour déterminer si le virus de la grippe aviaire est présent chez les oiseaux migrateurs hivernant en Afrique.

Et cette conclusion (certes volontairement accrocheuse) :

L'émergence de cette science "participative et citoyenne" en matière de biodiversité est d'autant plus remarquable que le fossé entre la société civile et les chercheurs semble se creuser toujours plus : sur les OGM, le nucléaire, les nanotechnologies... "Les autres sciences feraient bien d'y réfléchir", lance M. Barbault.

Ah, m'écriai-je, rassuré !

Edit 20/12, 14h06 : Des représentants de la mission sur l'île de Santo, scientifiques et membres de l'association Pro Natura, sont en ce moment même sur France inter (émission "La tête au carré"), réécoutable pendant une semaine...

Notes

[1] Mais si je ne dis pas comme Kahn que tout est noir, je ne dis pas non plus que tout est blanc, cf. mon bémol sur la charité et le fait que, selon Michel Callon qui a publié avec Vololona Rabeharisoa un livre de sociologie sur l'AFM, Le pouvoir des malades, "les choix opérés par les associations doivent être discutés de la même manière que les prises de positions des chercheurs doivent être considérées avec une certaine prudence".