Internet et usage de l'information scientifique
8
mar.
2007
J'ai souvent défendu l'idée, ici ou ailleurs, que le Web en entier devient une source importante d'information scientifique — ou, plus exactement, une source vers laquelle se tournent préférentiellement les profanes pour obtenir des informations ponctuelles d'ordre scientifiques, surtout lorsque celle-ci est liée à des controverses de société
et que l'information sur la science nourrit le désir de s'informer. Alors, à nous de faire en sorte que la "meilleure" information possible soit à leur disposition.
Via le blog "Framing Science", je (re)découvre une enquête du Pew Institute qui me donne raison : 20% des sondés américains (internautes ou non) expliquent qu'ils utilisent Internet comme source principale d'information sur la science (contre 41% pour la télévision), ce qui commence à faire beaucoup !
Mais voilà , c'est bien le désir de s'informer qui constitue le plus gros obstacle :
- 65% des américains sondés qui ont eu connaissance d'information sur la science par Internet s'étaient connectés pour autre chose ;
- 78% de ceux qui ont eu connaissance d'information sur la science par Internet se décrivent comme "très" ou "assez" informés des nouvelles découvertes scientifiques, contre 58% des internautes.
On voit donc le rôle que joue le hasard et les prédispositions (goût personnel) dans l'acquisition d'information scientifique sur la toile !
Une des solutions pour attirer vers la science consiste alors à faire du sensationnel, jouer sur le registre de l'émotion, comme dans l'exemple du reportage de Canal+ sur les OGM qui a récemment mobilisé l'attention. Ou à parler de la science autrement, par l'art, par l'humour... afin de décloisonner les catégories selon lesquelles M. X s'intéresse au tiercé et pas aux sujets scientifiques et Mme Y à la politique et pas à l'actualité technologique. Mais rien ne remplacera la prime accordée à la conscience du citoyen, qui seule développera sa compétence (pour paraphraser Jean-Marc Lévy-Leblond) ! Et cela grâce à la démocratie technique, qui le fait venir aux problématiques scientifiques en l'invitant de plein droit à y mettre son nez.
Commentaires
Je me sens personnellement très concerné par cette histoire d'ouverture de la science au public, ayant passé la majeure partie de ces dernières années sur des projets concernant les sciences, comme Misopoint ou ceci...
J'ai la sensation que si la culture scientifique, en France, n'intéresse pas beaucoup (en tous cas, moins que dans les pays anglo-saxons), c'est aussi dû à un manque d'intérêt des intellectuels, voire un léger mépris. Beaucoup ont une formation philosophique pure et dure, et pour eux, s'intéresser aux sciences et techniques, c'est quand même de la philosophie de seconde zone, voire de l'intendance... Ca vaut pas les grands systèmes embrassant d'un coup d'un seul morale, politique et libre-arbitre.
Il y a évidemment des exceptions, mais la plupart des français qui réfléchissent sur les sciences et leur histoire me semblent venir des sciences elles-mêmes (Levy-Leblond, Nicolas Witkowski, & co), plutôt que de la philosophie ou de l'histoire... Quand ce sont des vrais philosophes qui causent de sciences, on est souvent entre la référence incantatoire à l'indéterminisme quantique (toujours pratique), l'emprunt imbittable de concepts ésotériques (Deleuze, Derrida), et le catastrophisme généralisé à la Virilio... Pas très intéressant.
Bonjour Enro,
Entièrement d'accord avec ça. C'est d'ailleurs une des approches que j'utilisais avec mes élèves de seconde lorsque j'enseignais les SVT, surtout pour ceux qui ne se destinaient pas à une filière scientifique et qui, de ce seul fait, étaient tentés de bailler aux corneilles. ça marchait assez bien. Cette démarche aurait aussi dû être le moteur du site que j'anime. Mais dans les faits, je trouve que la participation est décevante... A qui la faute ?
Cet article soulève a mon sens des points pour le moins inquiétant. Ces statistiques peuvent être interprétées autrement : une grande partie des internautes tombent par hasard sur un contenu d'apparence scientifique, et sont persuadés après sa lecture d'être très ou bien informés. C'est bien cela ?
Ca signifie aussi qu'il est possible sur internet de faire passer n'importe quoi pour de la science, cf les contenus créationnistes qui ont un succès énorme, ou cf ( l'exemple est croustillant ) le "reportage" de Canal + sur les OGM qui n'avait en fait AUCUN contenu scientifique, ni même à vocation scientifique.
C'est le règne de "la Science" en tant qu'argument d'autorité, et non en tant que contenu.
Et n'oublions pas de remarquer que ce n'est pas à la science que l'actualité sur le web fait la part belle, mais à la technologie, et la nuance n'est pas neutre.
Ryuujin > Effectivement, les internautes trouvent sur Internet ce que les créateurs de contenu veulent bien y mettre, que ce soient des articles scientifiques en accès libre, des vidéos à la YouTube, des blogs de chercheurs, des forums de Futura-Sciences, des débats sur les OGM où chacun se sent légitime d'intervenir. Cela étant, le sondage ne dit pas si les internautes se sentent mieux informés, c'est ton interprétation ; il s'agissait juste de savoir s'ils sont exposés à du contenu sur la science. Quant à la nuance entre science et technologie elle n'est certes pas neutre, mais tu diras ce que tu voudras, depuis le XIXe siècle la science et la technique sont liés pour le meilleur et pour le pire. Typiquement, il est difficile de faire des OGM ou du nucléaire une question 100 % scientifique ou 100 % technique !