J'étais hier à  la conférence de Brian Wynne au Palais de la découverte, intitulée "Recent evolutions in the field of public understanding of science in the UK". Brian Wynne (Université de Lancaster) est un des meilleurs théoriciens de la relation entre science et société (public en anglais). On lui doit notamment, dans les années 1980, la critique du concept de deficit model ou modèle de l'instruction publique, selon lequel la relation entre les scientifique et leur public est unidirectionnel, et c'est en expliquant les technologies (nucléaire, industrie chimique, OGM) aux citoyens qu'ils les accepteront.

Or voilà , ce modèle est visiblement contre-productif, et ne permet plus de penser les nouveaux rapports entre science et société. Un rapport de la Chambre des Lords britannique, publié en 2000, considérait notamment qu'il faut laisser la place à  un modèle bidirectionnel, où la science et ses publics (le pluriel est important !) sont dans une relation de dialogue plutôt que dans un processus d'éducation. D'où l'ambition de remplacer le public understanding of science par le public engagement with science dans les pratiques quotidiennes des chercheurs, des experts, des décideurs. Non pas pour refuser d'améliorer le niveau moyen de culture scientifique des profanes (cf. les réponses aux Eurobaromètres sur la science) mais pour créer un monde où les connaissances, intérêts et motivations peuvent circuler plus facilement — et les responsabilités partagées.

Malheureusement, le message passe encore difficilement et le modèle de l'instruction publique n'est parfois que modifié. Comme chez ces décideurs qui, au lieu de blâmer la mauvaise compréhension par le public des questions techniques ou scientifiques, se mettent à  accuser l'illusion d'une science qui maîtriserait tout sans laisser aucune place au risque. Illusion d'un monde du risque zéro qu'ils imputent à  l'enseignement scientifique reçu à  l'école (uniquement centré sur les faits et passant sous silence l'importance des probabilités et estimations qui permettent aux scientifiques de prendre des décisions), mais pour finalement mieux faire porter la faute au public !

Mettre en place ce dialogue suppose de revoir les cadres de régulation (framing). Les politiques publiques ne doivent pas seulement demander si une technologie est sans danger une fois qu'elle a été développée, mais prendre en compte la question des fins qui sont poursuivies, des bénéfices attendus. Autant de réflexions qui doivent prendre place en amont (upstream), comme le souligne le Ministre de la science britannique Lord Sainsbury, en juillet 2004 :

We have learnt that it is necessary with major technologies to ensure that the debate takes place "upstream", as new areas emerge in the scientific and technological development process.

Science Museum, London Science Museum de Londres, ©© fgt

Enfin, je ne dirai rien du commentaire d'un membre de l'assistance, conseiller scientifique du Palais de la découverte (excusez-du peu !), toujours enferré dans ses conceptions datées et perclus de préjugés, qui considère que la position de l'Inra vis-à -vis des OGM est monolithique comme celle du public, d'où un dialogue de sourds… Et voit un musée (ou centre de culture scientifique et technique) comme le Palais de la découverte comme un lieu où il faut expliquer qu'il y a des bons OGM, et des mauvais !