On l'a vu dans un billet précédent, l'absence d'humour ou de langage fleuri est un des facteurs qui rendent les articles scientifiques ennuyeux. Pourtant, certains chercheurs téméraires s'y essayent parfois, comme l'illustre ce paragraphe que Matthew Hall avait rédigé pour son article (je traduis et je souligne) :

Dyson et ses collègues se sont intéressés au rôle possible de la glutathione-S-transferase (GST) dans la résistance à  la thérapie à  base de platine et ont synthétisé un conjugué d'un inhibiteur de GST passé par des tests cliniques, l'acide ethacrynique, pour créer un complexe Pt(IV) qu'ils ont désigné ethacraplatine, un nom qui semble contredire ses capacités.

Malheureusement, ce trait d'humour n'était pas partagé par ses co-auteurs qui lui ont demandé de le retirer. D'autres tentatives ont plus de succès. C'est le cas de ceux qui ont usé de jeux de mots, ont écrit en vers (avec cette remarque du directeur de publication : Bien que nous soyons ouverts à  de nouveaux styles et formats de publication, nous devons avouer notre surprise à  la réception de cet article. Cependant, nous le considérons nouveau en chimie et lisible en vers. A cause de la place requise et des difficultés possibles pour nos lecteurs les moins enclins à  la poésie, les manuscrits dans ce format ont un futur incertain chez nous.) voire en fournissant même la partition qui permet de les chanter ! On tombe aussi parfois sur des dessins techniques qui cachent quelques clins d'œil ou curiosités. C'est le cas d'un article de A.T. Wilson et Melvin Calvin, paru en 1955 dans le prestigieux Journal of the American Chemical Society. Intitulé "The photosynthetic cycle. CO2 dependent transients", il présente le schéma suivant pour décrire un dispositif expérimental de mesure de la photosynthèse :

Mais voilà … Le lecteur attentif qui regarde de plus près la cuve entourée en rouge découvre la scène ci-dessous :

Il y a enfin les poissons d'avril, ces recherches sans queue ni tête qui font jubiler et permettent aux scientifiques de se moquer d'eux-mêmes. Un exemple récent nous est fourni dans le volume de 2007 de la sérieuse revue ''Ethnobotany Research & Applications'' : sous le titre "Artificae Plantae: The taxonomy, ecology, and ethnobotany of the Simulacraceae", les auteurs offrent la description complète et illustrée d'un nouveau genre botanique. Les plantes artificielles, puisque c'est d'elles dont il s'agit, colonisent plusieurs milieux, remplissent plusieurs fonctions (décoratives, publicitaires, architecturales) et ont un mode de reproduction assez énigmatique. Elles méritaient donc bien une "recherche" (entre guillemets, comme l'indique la revue) digne de ce nom ! Echantillonnage opportuniste, mission d'exploration dans un centre commercial de l'Etat de New-York, données de recensement, description des genres et espèces en latin, tout y est !

Petits farceurs