Alerte pour les lanceurs d'alerte !
19
oct.
2007
Le lanceur d'alerte, c'est ce personnage ou ce groupe, doté d'une faible légitimité ou lié à des instances autorisées, qui se dégage de son rôle officiel pour lancer un avertissement à titre individuel et selon des procédures inhabituelles. L'alerte est un processus plus ou moins long et tortueux, situé entre l'appel au secours et la prophétie de malheur. Le lanceur d'alerte doit payer de sa personne pour faire passer son message car lancer une alerte consiste à aller contre l'ordre établi, à "réveiller" des agents absorbés par la routine et naturellement enclins à dédramatiser les évènements[1].
Aujourd'hui, ces lanceurs d'alerte sont plus que jamais nécessaires. Et pourtant, ils sont menacés. Vous vous souvenez de Christian Vélot ?
Maître de conférences en génétique moléculaire à l'université Paris sud et responsable d'une équipe de recherche à l'Institut de génétique
et microbiologie, il anime depuis 2002 sur son temps personnel de nombreuses conférences à destination du grand public sur le thème des OGM. Ses prises de position lui valent aujourd'hui de nombreuses pressions matérielles : confiscation de la totalité de ses crédits pour 2008, privation d'étudiants stagiaires, menace de déménagement manu militari, et décision arbitraire de non renouvellement de son contrat. Vous connaissez Pierre Méneton ? Chargé de recherche à l'INSERM au sein du département de Santé publique informatique médicale (SPIM) de Jussieu, il est poursuivi en diffamation par le Comité des Salines de France et la Compagnie des Salins du Midi et des Salines de l'Est pour une phrase prononcée lors d'une interview pour le magazine TOC en mars 2006 : Le lobby des producteurs de sel et du secteur agroalimentaire industriel est très actif. Il désinforme les professionnels de la santé et les médias
. Vous n'avez pas oublié André Cicolella ? Chercheur en santé environnementale, il fut en conflit avec les instances dirigeantes de l'INRS pour avoir révélé la dangerosité des éthers de glycol et licencié en 1994. Il n'a pas abandonné la lutte pour autant !
Comme les Etats-Unis avec le Whistleblower Act ou la Grande-Bretagne avec le Public Interest Disclosure Act, la France doit se doter d'un dispositif de protection des lanceurs d'alerte. Pendant la préparation du Grenelle de l'environnement, une mesure avait bien fait la quasi-unanimité dans les groupes de travail n°5 (p. 7) et n°3 : celle d'une loi de protection de l'alerte et de l'expertise, avec la création d'une Haute Autorité, qui soit une sorte de CNIL de l'alerte et de l'expertise. Pourtant, cette proposition n'est pas reprise dans le document préparatoire remis par le gouvernement aux négociateurs du Grenelle !
C'est pour porter à nouveau cette question que la Fondation Sciences Citoyennes et le GIET, au nom de l'Alliance pour la planète, organisent une table-ronde à Paris le lundi 22 octobre, de 10h à 12h30 (au FIAP : 13, rue cabanis, Paris 14e, métro Glacières ou St Jacques). Christian Vélot, Pierre Méneton, André Cicolella, Jacques Testart, Etienne Cendrier, Jean-Pierre Berlan et d'autres viendront témoigner des difficultés auxquelles ils font face, et de la nécessité de doter les lanceurs d'alerte d'un statut les protégeant.
(full disclosure : Je suis adhérent de la Fondation sciences citoyennes)
Mà J 26/10 : Pour compléter ce billet, je signale un article paru dans Libération le même jour et une interview de Christian Vélot par la web TV non-officielle du Grenelle de l'environnement.
Notes
[1] Ce paragraphe doit tout à l'introduction du livre de Didier Torny et Francis Chateauraynaud, Les sombres précurseurs, une sociologie pragmatique de l'alerte et du risque, éditions de l'EHESS, 1999.
Commentaires
Je serais bien aller faire un tour (ne serait-ce que parce que ce texte me paraît ô combien nécessaire), mais… je serais sur Montpellier.
Une retranscription des interventions est prévue?
Timothée > D'habitude, la Fondation sciences citoyennes est favorable à la transcription des débats mais je ne crois pas que ce soit prévu ici. Désolé.
Je trouve en effet honteux que cette proposition ne fasse pas partie du document officiel! comment espérer avoir des personnes qui veillent sur les scientifiques, si ces personnes n'ont pas un minimum de protection, contre des pressions multiples! cependant je trouve etrange de mettre M. velot sur le meme plan que M. Meneton ou M. Cicolella. En effet, contrairement a ces derniers les ennuis de M. velot ne me semblent pas du tout liés a son militantisme anti-OGM, mais plutot a un manque de reussite professionnelle. Pour s'en convaincre il suffit de lire sa liste de publication disponible sur PUBMED. trois publications en 7 ans! alors que le CNRS estime que 4 publications pour 4ans represente la "norme". On est legitimement en droit de s'interroger sur les véritables raisons des problemes rencontrés par M. velot...
N'oublions pas qu'en tant que chercheur il est payé par l'etat (c'est a dire avec nos impots) et qu'a ce titre le moins qu'on puisse lui demander c'est de faire son travail correctement...
G. qui n'aime pas se faire manipuler par les médias
Grégoire > Merci de ce commentaire. Le doute est salutaire sauf qu'ici, si vous aviez raison (et à considérer que les maîtres de conférences en université aient la même obligation de publication que les chercheurs à plein temps du CNRS), la décision aurait probablement été motivée et prise par une instance de direction, après évaluation transparente. àa ne semble pas avoir été le cas d'après Christian Vélot lui-même, donc à prendre avec des pincettes…
Ben oui il est assez normal que les crédits de Vèlot soit suspendu (moi je compte 2 publis sur 7 ans ) et plus que sain qu'on lui interdise de fait d'encadrer un thésard !
Simple question de salubrité, non ?
Et de manière général, ce genre de décisions, l'interdiction de saboter la future carrière de jeunes doctorants, ne se fait pas de manière officielle, après "évaluation transparente". Ce serait un beau bordel administratif, non ? Vous voudriez qu'on lui demande de rendre son salaire en sus ;-)
Son labo serait performant, rien qu'un peu, il serait intouchable.
On peut bien sur aller voir les points faibles dans le CV de Monsieur Vélot. Mais je l'ai écouté plusieurs fois et je trouve que c'est un avocat et un vulgarisateur de tout premier plan et ça c'est un vrai talent qui n'est pas donné à tout le monde. Il joue un role social d'éveil et d'information tout à fait remarquable. Il me semble qu'il faut remettre les choses à leur place: un tel talent me semble autrement plus précieux et plus important que quelques articles de plus dont tout le monde se fout dans la revue du chose ou du machin.
Dans ce cas, qu'il cherche un poste chez Greenpeace ; les chercheurs ne sont pas payés pour militer, même avec talent.
Pour info, en plus de n'avoir aucune compétence sur le sujet, C.Vélot s'est surtout illustré sur le plan scientifique par des affirmations abracadabrantes.
Notamment concernant le maïs produisant de la lipase gastrique ; il avait plaidé pour son interdiction en prétextant que l'utilisation de levure à la place du maïs était facile, et n'avait pas été tentée. Une simple recherche dans Google Scholar suffisait pour tomber sur une floppée de publications, certaines assez anciennes, témoignant d'échecs de cette stratégie chez la levure.
Pour être un bon vulgarisateur, il ne suffit pas d'être convainquant, il faut aussi "vulgariser" un contenu scientifique, et pas ses propres convictions.