Chacun à sa place
7
déc.
2007
L'ordre des auteurs qui signent un article scientifique, ou même la décision de qui doit apparaître comme auteur, est un enjeu loin d'être anodin : il en va de l'éthique du chercheur (tous les signataires sont censés endosser la responsabilité de l'article), de la garantie contre la fraude (dans l'affaire Hwang, un co-auteur n'était qu'un faire-valoir ; dans certains domaines en vue, les prête-noms sont communs) ou simplement du pragmatisme le plus déconcertant (quand on est dix à avoir travaillé sur un sujet, comment savoir qui mettre en premier, puis en deuxième, en troisième etc. ?). Le sujet ressortait la semaine dernière dans la revue Nature, sous la plume de deux lecteurs.
Le premier contestait une proposition de ce même journal de faire signer à l'auteur principal, pour chaque article, une déclaration qui engage sa responsabilité et celle des co-auteurs dont il certifie qu'ils ont relu l'article et sont en accord avec lui. Ce qui n'est pas nécessaire si la signature de l'article lui-même est suffisamment réfléchie et qu'elle est par exemple accompagnée d'une note sur la contribution exacte de chaque auteur. Cette pratique de plus en plus courante, adoptée par les plus grandes revues, permet en effet de trier entre les auteurs de prestige et ceux qui ont réellement travaillé.
Décrire la contribution de chacun n'est pas toujours aisée. Mais la quantifier et la pondérer au vu du résultat final l'est encore moins ! C'est pourtant ce que proposaient Christine Beveridge et Suzanne Morris : dans leur labo, l'ordre des auteurs se détermine désormais en fonction du poids attribué à la contribution de chacun (deux graphiques pour Dr. X, un chapitre pour le thésard Y, la relecture pour le Pr. Z). Je me suis laissé dire qu'il n'y a rien de plus difficile que de mettre en regard l'écriture d'un chapitre avec un travail de manip aboutissant à une figure, une idée originale ou l'apport d'un financement. Par contre, il peut être bénéfique de confier chaque article à un chercheur, qui va distribuer les tâches puis les bons ou mauvais points. Un principe de gouvernance efficace, en quelque sorte. C'est en tous cas l'avis d'Umesh Chandra Lavania (qui est "végétaliste" comme le sont Beveridge et Morris, est-ce un hasard ?), qui surenchérissait ainsi dans Nature.
Voilà donc où les chercheurs en sont de leurs réflexions, je ne sais pas ce que vous en pensez…
Commentaires
Hier, au programme, c'était macroécologie des microorganismes. Et dans les papiers qu'on nous a présenté, il y en avait avec plus de 15 auteurs… Ca me fait toujours halluciner (imaginons de diviser le nombre de mots du papier par le nombre d'auteurs…)
J'ai un peu été élevé à la sauce "Si il y a plus de 5 auteurs, il y a de forts chances que 3 au moins n'aient rien fait".
Après avoir parlé avec quelques camarades de promo, je comprend mieux depuis quelques temps pourquoi certains s'opposent à ce qu'on donne leur participation à la fin du papier, ils auraient vite l'air ridicule.
En ce qui me concerne, je suis vraiment pour.
Dès que les papiers deviennent très techniques, avec de la biomol bien lourde, comme du séquençage, on arrive vite à un nombre d'auteurs délirant... Un grand classique, le génome humain, avec 14... groupes! je n'ai même pas compté les auteurs.
D'autre part, la recherche en biologie devenant de plus en plus technique, on a une collaboration avec un spécialiste des protéines, une autre avec un spécialiste de l'ARN, une dernière avec un spécialiste des modèles in vivo, tandis qu'on fait soi-même l'ADN, les mutants, etc. A chaque fois, on peut avoir deux noms en plus, un thésard et son directeur par exemple! Comme on est en pleine biologie moléculaire "normale" au sens kuhnien, on a tendance à multiplier les approches pour publier des histoires de plus en plus complète. Sinon, ça ne passe plus.
Quitte a faire dans l'inflation : les papiers de physique des particules sont couramment signes par plus de 100 auteurs (et pour le LHC, ca sera plus de 1000 par experience). Les debats sur l'ordre des auteurs sont termines depuis longtemps : c'est l'ordre alphabetique qui prevaut, precede du nom de la collaboration. Point barre. Voir ici par exemple (cliquez sur n'importe quel papier qui est signe "XXX collaboration"
Le New-York Times avait apporté, en son temps, sa contribution au débat, en imaginant ce que ça pourrait donner dans certaines disciplines si chaque auteur devait 1) expliciter sa contribution au papier et 2) donner son opinion sur le papier.
Ou directement l'article du "Journal of Imaginary Genomics".
Et, évidemment, PhD Comics a explicité les pratiques en usage dans certaines universités et certaines disciplines scientifiques.
(pas la mienne, naturellement, pas la mienne...)
Encore plus fort : l'auteur qui n'a absolument rien fait. Sa seule raison de figurer sur l'article est qu'il passe bientôt son HDR et qu'il n'a pas assez de publi. Si, si, ça arrive, et plus souvent qu'on ne le croit.
Cilou> Je pensais à ceux qui n'ont jamais rien fait. Vol du travail des étudiants + carrière politique, et on rajoute son nom à la fin des papiers… Et on finit très très (très très) bien placé dans la hiérarchie…
> Blop: l'ordre alphabetique, ce n'est certainement pas la norme dans toutes les disciplines. En fait, je n'ai jamais cet ordre utilise dans ma discipline.
> Cilou: j'ai deja vu des papiers avec des auteurs qui n'ont seulement n'avaient rien fait, mais ne sont meme pas chercheurs.
C'est drôle, je viens tout juste de tomber sur un bouquin à la bibliothèque "Betrayers of the truth" par William Broad et Nicholas Wade (paru sous le titre "La souris truquée" en français dans Points), qui fait une proposition tout à fait similaire. Or il a été publié en 1982! Plus ça change...
Je peux dire que le problème ne disparaîtra pas de si tôt, car tout le monde en profite. Tant que le fait d'avoir son nom dans la liste des auteurs d'une publication aura une valeur pour un chercheur, ce sera une monnaie d'échange précieuse.
En physique théorique, en France en tous cas, il y a une espèce de tradition de l'ordre alphabétique. Personnellement, je trouve que ce n'est pas plus mal de mettre premier auteur celui qui a fait le boulot (après tout, c'est son nom qu'on retient et cite le plus souvent dans les papiers). De plus, en général, il y a aussi le système d'étoile pour dire qui a contribué significativement au travail
Moi, je suis partisan de l'ordre alphabétique.
Ah! L'ordre alphabétique! le prof. Dianov du General Physics Institute à Moscou avait aussi cette politique. Sauf qu'il semblait n'embaucher personne dont le nom commençait par A, B, C!...
En géologie, on travaille de façon un peu différente des physiciens (et des biologistes, je crois); nos papiers sont typiquement plus gros (15-20 pages, 10-12 figures) et plus rares (1 papier en premier auteur + 2-3 collaborations par an est considéré comme un taux de publication très honnête). Un papier correspond donc à un gros travail, non seulement d'acquisition de données mais aussi d'écriture.
Par ailleurs, on travaille de façon nettement plus individuelle que les collègues, la notion d'équipe ou de groupe de recherche n'existe que très peu, et nous n'avons pas tellement cette spécialisation au sein d'une équipe (celui qui fait les manips, celui qui fait les figures, celui qui écrit le texte...).
On a donc, typiquement, des articles à 3-5 auteurs, quasiment jamais plus. Le premier auteur est celui qui a fait le travail de rédaction, ou en tout cas qui a "porté" le papier (souvenez-vous, ce sont des papiers longs, donc c'est un vrai boulot, ça peut prendre un mois plein, facilement, rien que pour écrire). Le second auteur est le collaborateur principal : il a écrit des morceaux du texte, où il a fait des parties importantes des manips, par exemple. Les autres, en gros on s'en moque. Ce sont des gens qui ont contribué des idées, des figures, un coup de main sur le terrain, une analyse ou deux...
Le schéma le plus classique est, par conséquent Thésard, A.; Directeur, B.; Collègue(s) chez qui on a fait les analyses, C.; Collègue(s) qui a participé à la mission de terrain, D.
Pour des trucs un peu synthétiques, on va avoir
Big Boss, A. (qui écrit le papier); Thésard, C.; Ancien thésard, D.; Ex-thésard, E. (ce sont leurs données qui sont reprises dans ce papier); Collègue, F. (il travaille avec A depuis des années sur ces questions, et il a relu le truc).
Comme partout, il y a des margoulins et des malhonnêtes (mais en même temps, la communauté est petite, les enjeux plus faibles, c'est donc à la fois moins tentant et plus difficile de tricher. De toutes façons tout le monde sait très bien qui a fait quoi...). Ca se repère à des ordres d'auteurs étonnants, le classique étant Directeur, A.; Thésard, B.; Quidam, C. : ça s'interprète comme "B est parti sans écrire le papier (sinon il serait premier auteur), pour une raison ou une autre, et c'est C qui a relancé la machine...". Même là , on s'en fiche un peu. En fait, pour un chercheur établi, signer en second après son étudiant est considéré comme (prsque) équivalent d'un papier en premier auteur...
JF
Et pourquoi on ne mettrait pas ceux qui font les figures dans les remerciements? Ca me semble être une place tout à fait honnête, un truc comme "On remercie Stagiaire, S pour la figure 2"… Ca désengorge le nombre d'auteurs, et en plus on sait qui a fait quoi…
Timothée > Au vu de la ruée actuelle vers la publication, cela m'étonnerait fortement que l'on arrive à limiter le nombre des auteurs par article (pour de bonnes raisons parfois, comme l'a indiqué Benjamin). L'idée consiste plutôt à expliciter les contributions de chacun. Certaines disciplines (comme la géologie, merci JF pour le témoignage) n'en ont pas besoin parce que c'est évident. Les autres doivent décrire en annexe la contribution (typiquement :
) et éventuellemet en profiter au passage pour organiser la liste des auteurs par apport décroissant... (ce qui ne change pas trop l'habitude des biologistes qui mettent le patron du labo en dernier !! :-p )Enro> Je te trouve méchant avec les biologistes… La vieille rancoeur des sociologues par rapport aux vrais scientifiques, peut-être :p ?
De fait, si on explicite les contributions, on n'aura plus de personnes qui apparaîtront dans la liste d'auteurs juste pour une figure (ca jetterait un froid : A designed the experiments, C spent 10 minutes of coffee break on Illustrator to draw fig. 2, …).
Ca pose encore le problème des reviews, surtout de celles qui sont très orientées "concept". La participation de chacun à la reflexion est difficile à quantifier (non, pas
!)salut
les commentaires ont l'air clôts sur ce post, mais j'ai lu ce soir Tintin à mon fils, pour l'endormir Bon, c'était l'Etoile Mystérieuse dans cet album, une étoile passe au ras de la terre et un "aérolithe" tombe dans la mer, tout le monde se souvient de ça
bon, au début, Tintin va à l'observatoire pour savoir pourquoi il fait chaud et pourquoi y'a une nouvelle étoile dans le ciel. Il y a deux savants, le directeur de l'observatoire le professeur Calys, et son assistant. Page 6, Tintin apprend que "c'est la fin du monde". l'assistant arrive avec une pile de papier dialogue :
-voici terminés, M. le directeur, les calculs que vous m'aviez donnés à faire, la collision aura lieu demain à 8h12m30S réponse du directeur :
à 8h12min 30s c'est bien cela, et c'est moi Hyppolite Calys qui ai déterminé l'heure à laquelle se produira le cataclysme...demain je serai célèbre.
pour ceux qui n'auraient pas compris l'ironie, page 10 tintin retourne à l'observatoire, le cataclysme n'a pas eu lieu le directeur traite l'assistant de Incapable, galopin, etc. quelques bulles plus tard, l'assistant arrive avec le spectre de l'étoile et montre la présence de raies inconnues dans le spectre réaction du directeur:
c'est prodigieux inouï fantastique chers amis je viens de faire une découverte sensationnelle, je viens de découvrir un métal nouveau, inconnu jusqu'ici.... nous l'appelerons le calystène
voilà l'image de la science dans tintin hu, hu autre exemple :j'ai acheté à ma fille un livre "j'apprends à dessiner les monstres", de la série, j'apprends à dssiner (les animaux, l'égypte, la mer etc., éditions Fleurus (5-7 ans) bon dans "les monstres" y'a après loup-garou, squelette etc. "le savant fou" avec cette légende :"méchant et bête, il rêve de faire sauter la planète"
vf