Dans ma chronique radio ce mois-ci, j'ai voulu mettre l'accent sur les blogs de science comme art de la conversation, à  partir de l'exemple du scandale du lait chinois. Il s'agit en l'occurrence d'une conversation entre blogueurs et lecteurs, autour d'intérêts extrêmement divers comme vous allez le voir et l'entendre. Ce sera aussi l'idée générale des prochaines chroniques : explorer la temporalité particulière du blog et témoigner du développement d'une information, d'une réflexion ou d'une conversation en ligne. Donc si vous rencontrez un cas intéressant, merci de me le faire savoir !

A partir de la mi-septembre, les médias européens commencent à  évoquer ce scandale des dizaines de milliers d'enfants hospitalisés à  cause d'un empoisonnement à  grande échelle du lait mais les premières informations sont lacunaires et les journalistes ont du mal à  expliquer les tenants et les aboutissants de l'affaire. Personnellement, ce n'est qu'en lisant le blog "Autour des sciences" que je comprends enfin ce dont il s'agit. Celui-ci est tenu à  quatre mains par un journaliste et un enseignant, qui se sont rencontrés sur les bancs de l'université alors qu'ils étudiaient les sciences. Le 22 septembre, ils publient un billet où ils rectifient une erreur largement répandue : le produit incriminé n'est pas la mélanine, cette substance responsable de la couleur de la peau et qui agit comme une barrière contre les UV du soleil, mais la mélamine, qui entre dans la composition de résines utilisées dans des colles et des plastiques.

Capture d'écran accusatrice fournie par Timothée

Ces blogueurs vont plus loin en nous expliquant ce qu'il s'est passé : le test destiné à  déterminer la concentration du lait en protéines avant sa commercialisation, et donc à  éviter sa dilution, détecte la quantité d'azote dont sont très riches les protéines ” mais aussi la mélamine ! Ainsi, l'industrie laitière chinoise a pu tromper les autorités sanitaires Les commentaires affluent (il y en avait 31 la dernière fois que je suis passé) et certains lecteurs remercient ce billet qui leur a permis d'y voir plus clair. Une lectrice qui dit avoir fait de la recherche en chimie écrit que C'est exactement ce qu'il fallait expliquer, une autre qui travaille dans la qualité agroalimentaire explique se sentir très concernée par tout cela. Certains posent des questions, comme Antoine qui écrit : On sait que cela affecte les reins, et qu'on peut en mourir. Mais quid de ceux qui n'ont pas absorbé une dose létale ? Ont-ils les reins endommagés ad vitam aeternam, c'est-à -dire une insuffisance rénale chronique ou bien y a-t-il guérison complète ? Le lendemain, un blogueur féru de médecine donne quelques éléments de réponse et ajoute : Si j'ai le temps je détaillerai ça dans un post. Deux heures plus tard, il écrit à  nouveau : Chose promise, chose due avec un lien vers son blog ! Dans ce billet, il donne de nombreux détails techniques tirés de la littérature scientifique et conclut que l'exposition humaine à  la mélamine et à  l'acide cyanurique est responsable d'une néphropathie secondaire à  la précipitation de cristaux de cyanyrate de mélamine dans le parenchyme rénal ( ) entraînant une insuffisance rénale aiguà« et il prédit qu'il y aura certainement des cicatrices rénales avec des insuffisances rénales chroniques plus ou moins sévères chez certains enfants.

31 commentaires, cela peut paraître peu mais ça commence à  faire beaucoup pour un blog spécialisé sur des sujets scientifiques. Ici, c'est la magie des liens qui a fonctionné : dès le lendemain de sa publication, le billet était cité par le blog des correcteurs du journal Le Monde. Ceux-ci reconnaissent que la presse a beaucoup parlé du lait chinois frelaté, mais s'est souvent pris les pieds dans les jambes du n et du m de la mélamine ou mélanine. Plus de 100 lecteurs réagissent à  leur tour, la plupart passionnés d'orthographe et de vocabulaire vu la thématique du blog, et certains commentaires sont cocasses, comme ces allitérations : Mais l'ami à  la mine laminée, se lamente : j'aime mieux les amibes que le lait mélaminé. On trouve aussi de nombreus échanges sur l'étymologie de ces termes. Et puis parmi les 31 commentateurs du début, il y a aussi ceux qui réagissent sur leur blog personnel et le font savoir. Ainsi, Miliochka reprend chez elle l'explication sur la différence entre mélamine et mélanine et conclut dans un registre plus léger : il ne faut pas confondre balade avec ballade. Avec un seul L, vous vous promenez dans les bois, avec deux vous versez dans la poésie et la chanson romantique. C'est ainsi qu'en légendant les photos de mon Homme à  New York, on s'est demandé si notre périple était plutôt du genre balade ou ballade

A part ça, l'ami Tom me demandait par mail : Tu devrais faire un billet pour nous expliquer comment tu fais cette chronique, parce que j'ai du mal à  imaginer comment tu interagis avec la présentatrice à  distance. C'est très simple. Je suis dans un studio de radio, elle est dans le sien à  250 km de là , chacun face au micro et un casque sur les oreilles, et nous conversons par la magie des ondes pendant que ça enregistre ! Voici quelques photos volées sur place :